Face au terrorisme, la situation sécuritaire semble davantage se détériorer dans certaines zones au Burkina Faso, jadis paisibles. Ce, malgré les initiatives, mais aussi les nouvelles stratégies déployées par l’armée pour inverser la tendance. C’est notamment le cas de la partie nord, où plusieurs personnes de villages visités par des hommes armés ont été contraintes de fuir leurs domiciles pour avoir la vie sauve. À ce sujet, nous avons eu un entretien avec l’un des rescapés, monsieur Ilboudo (nom d’emprunt), le mercredi 18 janvier 2023 à Ouahigouya. L’homme nous relate les faits.
C’était dans la soirée du mardi 10 janvier 2023, introduit monsieur Ilboudo pour nous situer dans le temps et dans l’espace de l’évènement. « Les terroristes sont arrivés en grand nombre à Bouloulou, localité située dans la province du Zondoma. J’ai passé la journée à Ouahigouya ce jour-là et je suis rentré dans la soirée. À mon arrivée, sur la place du marché, j’ai trouvé une foule qui s’entretenait autour d’un sujet. Alors, ils m’ont invité à me préparer et à me joindre à eux pour protéger le village. Ils disaient également que selon les rumeurs en provenance de Bougnam, localité située dans la commune de Gourcy, la situation est délicate. Certaines sources précisaient que les habitants de Lago ont appelé pour prévenir d’une probable attaque de terroristes contre notre village », plante-t-il ainsi le décor.
Bien avant la venue des terroristes, M. Ilboudo explique que quelques habitants de la localité s’étaient organisés pour les affronter. C’était entre 18h et 20h, précise-t-il.
« Nous avons veillé pendant une bonne partie de la nuit. J’ai quitté l’équipe vers deux heures du matin. Les autres, constitués majoritairement de Koglwéogo, étaient restés aux aguets. C’est autour de 4h du matin que la sentinelle a été levée et chacun a rejoint son domicile », poursuit M. Ilboudo.
C’est donc sous l’effet de la fatigue, après des heures de veille que M. Ilboudo et ses compagnons se séparent. Ce qui constitue une belle opportunité pour les forces du mal de s’infiltrer et prendre le village en otage. « Ils sont alors arrivés autour de six heures du matin. Ils se sont disloqués en groupes de dix voire quinze personnes par équipe. Ces équipes ont encerclé le village. Ils ont commencé à tirer et les balles pleuvaient sur nos toits pendant que nous nous étions terrés dans nos maisons », confie sieur Ilboudo.
Deux mines artisanales dissimulées
Cette attaque a causé plusieurs morts mais aussi des dégâts considérables, renchérit-il. « Ils ont semé beaucoup de dégâts et ont tué cinq personnes qui ont pris des balles dans la débandade. Ceux qui tentaient de se cacher étaient froidement abattus. Mais entre notre village et celui de Sahn, il y a une voie rouge. Sur cette voie, ils ont dissimulé deux mines artisanales. Un habitant du village de Sahn qui se rendait chez nous pour s’imprégner de la situation y est resté. Pendant la débandade, un taxi-moto a pris la même voie avec des passagers à bord. Il a malheureusement heurté la deuxième mine occasionnant des blessés graves dont un s’est vu amputer une jambe au CHU de Ouahigouya. Dans le village, ils ont brûlé des motos, des taxis-motos des hangars et emporté du bétail. Un de nos frères a perdu treize moutons, un taxi-moto et une moto dans les flammes. Un autre s’est vu arracher sa moto et son taxi-moto ».
Une attaque sanglante durant laquelle les terroristes ne laisseront aucun message. Mais qui sonne bien plus qu’un avertissement, mettant en exergue l’adage : « qui n’est pas avec moi, est contre moi ». Car, avant cette incursion, un appel de ralliement aux forces obscures avait été lancé sans succès.
« Au tout début de la saison des pluies écoulée, ils sont arrivés dans notre village. Ils ont conduit tout le monde dans la mosquée. Un des leurs a pris la parole. Il nous a dit que leur combat était un combat religieux. Il poursuit en soutenant qu’ils n’ont aucun problème avec une ethnie. Que nous soyons Mossi ou Peulh, cela ne constitue en aucun cas un obstacle. Il a invité les habitants de Bouloulou à se joindre à eux pour prendre les armes et combattre pour la religion. Après leur départ, le village n’a fait aucun signe dans le sens d’une probable adhésion à leur cause », témoigne M. Ilboudo tout affecté.
Avant de poursuivre timidement, car visiblement terrifié par les violences qu’il a personnellement vécu avec les membres de sa famille. « Je suis parti du village avec mon épouse et mes quatre enfants. Tous les habitants du village ont décidé de partir. Nous avons bougé après l’enterrement des corps des victimes ».
Pour fuir la fureur de ces hommes sans foi ni loi, ils décident de se rendre dans un premier temps à Soumgnaga, un village situé à la sortie de la ville de Ouahigouya, côté sud, sur la RN2. « J’y ai trouvé un taxi-moto pour y convoyer ma famille. J’ai demandé asile à une connaissance dans ce village. Mais mon tuteur n’avait malheureusement pas de locaux disponibles pour nous. Alors, il m’a demandé de chercher le nécessaire pour ériger un abri dans sa cour. Je me suis donc rendu au marché pour acheter le nécessaire afin d’installer le hangar qui fait désormais office de logement pour ma famille et moi », ajoute M. Ilboudo. C’est donc après un bref séjour à Soumgnaga, qu’il effectue le déplacement de Ouahigouya pour le recensement des personnes déplacées internes.
Forêt infestée de terroristes…
A l’en croire, le nombre de PDI risque de gonfler davantage, une dizaine de villages ayant été sommés par les terroristes de déguerpir dans les meilleurs délais.
De son côté, Idrissa Sawadogo, chargé de statistiques de la direction régionale de l’action sociale, explique que le relogement d’anciens PDI pose problème. « Certains ressortissants des villages récemment pris pour cibles par les attaques, avaient offert un abri aux premières PDI quand leurs villages n’étaient pas menacés. Avec la nouvelle situation, ces derniers expulsent les PDI qu’ils avaient accueillis afin de libérer de la place pour leurs propres parents nouvellement arrivés à Ouahigouya dans les mêmes circonstances », assure M. Ilboudo.
Mais le nouveau déplacé interne estime que sa famille et lui ont plutôt de la chance : « Notre tuteur s’occupe assez bien de nous. Il nous donne à manger. Nous sommes arrivés avec une petite quantité de mil. Par ailleurs, j’ai été rejoint là-bas par mes frères aînés. Ce qui complique un peu la situation, car nous ne pouvons plus retourner à Bouloulou pour chercher des vivres. Nous tentons de nous adapter à la situation mais elle demeure périlleuse. Comme vous le voyez, je suis dans le rang pour le recensement. J’attends patiemment mon tour ».
Ce qu’il souhaite ardemment à présent, c’est la libération de leur village par les FDS. Cependant, fait-il observer, l’immense forêt qui se trouve entre son village (Bouloulou) et celui de Lago sert couramment de zone de refuge des malfaiteurs. « Un véhicule à quatre roues ne peut être efficace en ces lieux. Il faudrait alors détruire cette forêt afin de déloger les malfrats qui y vivent. Tant que cette forêt entre Rassouly, Tarba, Ouélé, existe, ce combat risque d’être difficile. Les terroristes peuvent trouver refuge facilement dans cette brousse », conclut-il. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]
Abdou-Azize TAO
Avec Hamed NANEMA
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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