Le Collège sciences humaines, lettres, arts et culture a organisé le samedi 26 novembre 2022 à Ouagadougou, une conférence sur la paix et la cohésion sociale. Ce, dans le but de mener la réflexion sur les enjeux et perspectives dans un Burkina Faso éprouvé par la crise sécuritaire. Cette initiative est portée par l’Académie nationale des sciences des arts et des lettres du Burkina Faso (ANSALBF). Elle se veut être une source de propositions et d’orientations sur les questions de paix et de cohésion sociale qui sont aujourd’hui menacées dans le pays.
Pour ce faire, quatre imminents panelistes ont répondu présent. Il s’agit de Pr Afsata Paré/Kaboré, professeure titulaire de psychopédagogie et enseignante à l’université Norbert Zongo de Koudougou. Puis de Pr Basile Guissou, sociologue et ancien ministre sous la révolution. L’on notait la présence du Pr Albert Ouédraogo, professeur titulaire de littérature orale et ancien ministre des enseignements secondaire et supérieur. Ladite conférence a aussi été marquée par la présence du Pr Dominique Kabré, juriste et enseignant à l’université Thomas Sankara.
- « On reproche à l’école d’instruire sans éduquer », a relevé Pr Afsatou Paré/Kabré, professeure titulaire de psychopédagogie et enseignante à l’université Norbert Zongo de Koudougou
Pour introduire, le Pr Joseph Paré, modérateur de la conférence donne l’honneur au Pr Basile Guissou. De son avis, la principale leçon à tirer de la crise actuelle, est la recherche de « notre propre identité ». Depuis 1960, seuls l’Éthiopie et le Maroc peuvent servir d’exemple d’États-nations africains, pensés et construits par les Africains eux-mêmes, dit-il. Car le reste est pour lui, des « États importés », comme le disait Pr Bertrand Badie, politiste français, rappelle Pr Guissou.
Le Burkina, à l’instar de tous les territoires de l’ex Afrique occidentale française (AOF) et de l’ex Afrique équatoriale française (AEF), est emprisonné dans la langue et la monnaie de la « mère France », indique-t-il. « La France gère nos vies à travers une élite diplômée locale qui refuse de se suicider comme le dirait Amilcar Cabral, pour renaître en serviteur exclusif des intérêts de nos peuples », affirme Pr Guissou.
De son point de vue, le 21e siècle est ouvert à toutes les civilisations et à toutes les cultures. Ce qui est une chance et une opportunité. « Comme le diraient les Asiatiques, la crise est une occasion pour faire mieux et échapper à un passé qui vous emprisonne, vous empêche d’exister véritablement », illustre-t-il.
- Des participants à la conférence sur la paix et la cohésion sociale initiée par l’ANSALBF
« Nous sommes donc reconnus pour être des porteurs de valises d’argents »
Ainsi, Pr Guissou estime que tout reste possible, pourvu que les peuples africains aient une élite politique qui refuse l’actuelle politique business. « Quand on fait la politique pour être milliardaire, je suis désolé mais on ne construit rien du tout », souligne-t-il.
Avant de raconter cette anecdote : il se fait voler un jour son sac à l’aéroport de Paris. Après déclaration au commissariat, on le rassure que le sac sera retrouvé parce qu’il ne contient ni devises, ni pierres précieuses. Car selon le commissaire à l’époque, il y avait des bandes organisées pour ne cibler que les ministres africains qui ont souvent une valise contenant des devises et du diamant. Effectivement, le sac du Pr Guissou fut retrouvé intact, a-t-il relaté.
« Nous sommes donc reconnus pour être des porteurs de valises d’argent, de diamants… L’élite africaine, c’est cela », se désole-t-il.
- « Il n’y a pas 3% des 22 millions de Burkinabè qui possèdent une maîtrise de la langue française… », révèle Pr Guissou
Il faut alors une renaissance de l’Afrique en général et du Burkina Faso en particulier, à moins de vouloir périr, soutient Pr Guissou. Parce que l’Afrique actuelle est celle voulue par les colonisateurs et ses valets locaux depuis la conférence de Berlin en 1885, poursuit-il.
Pendant qu’il existe une « autre Afrique en face, qui ne se reconnaît ni dans ce que nous faisons ni ce que nous construisons tous les jours, laisse entendre Pr Guissou. « Je pense que c’est une dialectique de déconstruction et de reconstruction des socles culturels, institutionnels et politiques de notre État-nation que la crise sécuritaire nous impose aujourd’hui », croit-il.
- « Nous sommes tous en danger et seule notre intelligence collective éclairera notre marche vers des lendemains meilleurs », interpelle Pr Guissou
Un processus qui avait déjà été entamé au Burkina Faso sous le leadership du capitaine Thomas Sankara et du Conseil national de la révolution, déclare Pr Guissou. Avant de suggérer qu’il faut oser questionner cette révolution avec un esprit critique et scientifique.
Ce, dans la perspective d’en tirer des leçons. Car selon lui, il faut faire de la révolution, une école d’apprentissage. Parce qu’elle a prouvé au monde qu’il n’y a pas de pays ou de peuple maudit sur cette terre. « Tout est possible et partout, si vous êtes prêts à payer le prix », mentionne-t-il.
Pour le Pr Basile Guissou, on ne construira jamais l’État de droit burkinabè avec un appareil néocolonial français.
Hamed NANEMA
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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