La lutte contre le terrorisme n’est plus en Afrique de l’Ouest, une affaire des pays sahéliens seulement. Vaut mieux tard que jamais, les pays côtiers sont de plus en plus engagés pour le combat. Tout le monde a enfin compris que la menace est régionale. L’initiative d’Accra, qui ne commence pas avec ce sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui s’est achevé le 22 novembre 2022, est plus ancienne et date de 2017.
Elle ne faisait pas dans le tapage tout comme les flics quand ils cherchent le renseignement. Elle vise dans la discrétion le partage d’informations et de renseignements, la formation du personnel de sécurité et de renseignement, et la conduite d’opérations militaires conjointes transfrontalières. Au départ de cette initiative, il y a nos voisins de la côte Atlantique : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Burkina. C’est une initiative qui est conforme à notre tradition du bon voisinage. Au moment où les groupes terroristes ont frappé un grand coup pour semer la zizanie dans le camp des pays coalisés contre eux, cette réunion et les ambitions du groupe sont à regarder avec intérêt.
L’initiative d’Accra va-t-elle éviter les défauts de Barkhane, du G5 Sahel et des forces onusiennes comme la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation au Mali) ? Les Africains vont-ils enfin faire confiance en eux-mêmes et prendre en main leur destin ? Les partenaires d’Europe et d’ailleurs ne devraient-ils pas se faire plus discrets dans cette initiative, puisque dans la lutte contre le terrorisme personne ne peut revendiquer le titre d’expert ?
Le 22 novembre 2022, à Accra, trois présidents et deux Premiers ministres se sont retrouvés pour le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Initiative d’Accra. Il s’agit de l’hôte du sommet le président du Ghana Nana Akufo Ado, de celui du Bénin Patrice Talon, et du Togo Faure Gnassingbé. Les deux Premiers ministres sont ceux de la Côte d’Ivoire Patrick Achi et du Burkina Me Apollinaire Kyelem de Tembèla.
Etaient présents également les représentants de la CEDEAO et le président du Conseil européen Charles Michel. Le sommet a enregistré l’intérêt de plusieurs pays qui ont envoyé des messages comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États-Unis, l’Espagne, la Norvège, les Pays-Bas et la France, ainsi que l’ONU. Dès 2019 le Mali et le Niger se sont joints à l’initiative comme observateurs et en sont membres.
C’est le Nigéria qui était toujours dans l’attentisme et à cette dernière rencontre le plus grand pays de l’Afrique de l’Ouest a décidé de s’engager pour la mobilisation des ressources et pour l’appui aérien et logistique aux troupes de la force conjointe. En effet la volonté est de mettre en place une force antiterroriste conjointe de 10 000 hommes avec un budget de 550 millions de dollars américains soit 275 milliards de francs CFA. Même si des partenaires sont très intéressés à participer, il serait responsable de veiller comme la prunelle des yeux à l’indépendance financière de l’Initiative et la non présence de militaires étrangers cette fois-ci.
L’échec de Barkhane et de la MINUSM A est pour une part due à cela. L’Initiative d’Accra est sur les rails avec un secrétariat technique à Accra et un état-major à Tamalé. Elle porte les espoirs des Africains dans la lutte contre le terrorisme. Les espoirs d’unité dans la lutte convergent vers cette initiative. Les Etats africains ont très souvent joué les uns contre les autres dans cette affaire des groupes terroristes ce dont nos ennemis ont profité.
Les opérations Koudalgou
Il serait dommage que les nouvelles autorités du Burkina, par manque d’informations, considèrent cette initiative comme un moulin à paroles, ce qui ne correspond pas du tout à la réalité, puisque dans le cadre de l’Initiative d’Accra plusieurs opérations militaires transfrontalières ont eu lieu entre 2018 et 2019. Ce sont les opérations Koudalgou I, II et III qui se sont soldées par l’arrestation de près de 700 personnes et la saisie d’armes artisanales.
Cette initiative stratégiquement est très importante pour le Burkina puisqu’elle permet de sécuriser au moins quatre zones frontalières du pays. L’intérêt des pays côtiers est de faire du Burkina une digue infranchissable par les groupes terroristes. Cela va bien sûr être utile pour le pays. Un pays, ne peut pas gagner cette guerre seul sans ses voisins. C’est ensemble avec nos pays voisins que nous pourrons triompher.
Cette initiative a aussi un autre avantage, celui du partage d’informations et de renseignements sur les chaînes d’approvisionnement et les sources de financement des groupes terroristes. Si on prend l’exploitation artisanale de l’or dans notre pays, ce n’est un secret pour personne qu’il est entre les mains des bandes criminelles associées au groupes terroristes et une bonne partie de cet or est exporté à partir du Togo. Il est clair que le Togo, qui n’a pas de mines d’or, peut aider le Burkina à savoir qui fait quoi.
Ne soyons pas puéril en restant dans les jérémiades sur ce qu’a fait ou n’a pas fait tel ou tel pays. Avançons ensemble dans la recherche des solutions. Les groupes terroristes ont toujours eu une longueur d’avance sur nous, quand dans leur nom ils affichaient leur volonté de conquérir l’Afrique de l’Ouest comme le MUJAO (Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest) nous ne voyons qu’un mouvement extrémiste qui amputait les bras et les pieds de la population à Gao. Maintenant que tout le monde a les yeux ouverts sur le danger, agissons ensemble.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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