Le mardi 25 octobre 2022, les Burkinabè découvraient le gouvernement du Premier ministre Me Apollinaire Kyelem de Tambela. Moussa Sanou, analyste, enseignant de philosophie à Bobo-Dioulasso, a donné son avis sur la composition du nouvel exécutif, le mercredi 26 octobre 2022.
Lefaso.net : Comment appréciez-vous le casting du gouvernement de Me Apollinaire Kyelem ?
Moussa Sanou : Ceux qui composent ce gouvernement rencontrent un peu l’assentiment de la population parce que de façon générale, les gens ont indexé les hommes politiques, et ils ne souhaiteraient plus voir certains hommes politiques dans cette gestion de la transition pour certaines raisons. D’aucuns estiment que tant que les hommes politiques sont dedans, non seulement ils vont continuer d’entacher la gestion avec les dérives constatées dans leur gestion passée.
Secundo, les gens se disent que tant qu’il y a des hommes politiques dans le gouvernement, ils vont certainement œuvrer dans le sens de ramener le pouvoir démocratique d’Etat vers leurs aspirations partisanes. C’est pour ça que les gens souhaitaient vraiment que ce soit une équipe d’acteurs vraiment renouvelée. Ici, nous remarquons qu’on n’a pas trop tenu compte des hommes politiques, des têtes d’affiche que nous connaissons et quand ce sont des personnes en majorité inconnues comme ça, ça peut aussi rassurer. Ici, avec des gens moins connus, on peut estimer ou espérer que ce sont des gens assez neutres. Et à ce titre là, ça rassure un peu la population.
Le casting, pour l’apprécier de mon point de vue, il faut tenir compte de l’environnement dans lequel ça s’est passé et du timing pour constituer le gouvernement. Entre la désignation du chef de l’Etat après les assises, la nomination du Premier ministre et la formation du gouvernement, il s’est passé moins d’une semaine. Donc arriver à un tel résultat quelques jours après est appréciable. Et maintenant quand vous considérez l’environnement, vous constatez que le contexte socio-politique n’est pas stable, et les attentes sont nombreuses. Les gens ont des aspirations qu’il faut forcement prendre en compte.
Que pensez-vous du nombre de portefeuilles et de la fusion des ministères ?
Jusque-là, je considère que le président Traoré est en train de suivre une ligne qu’il nous a dictée dès le départ, et on considère qu’il est toujours sur cette ligne de départ. Le Premier ministre également, quand il a été nommé, avait prévenu les gens qu’il n’allait pas dépasser un certain nombre de portefeuilles ministériels. Et aujourd’hui, nous avons un gouvernement de 23 ministres. Je pense que c’est bon à prendre parce que ça répond effectivement aux attentes d’une bonne partie de la population. Les gens estiment que nous n’avons pas assez de moyens, que les dépenses sont trop élevées et qu’il faut travailler à les réduire. Je pense donc qu’un gouvernement de 23 membres répond effectivement à cette préoccupation.
Estimez-vous que le gouvernement gagne réellement en efficacité en réduisant le nombre de portefeuilles ?
Je pense qu’il faut plutôt s’interroger sur l’efficacité des hommes qui sont appelés au gouvernement. Avec la réduction des postes, si vous avez des gens dynamiques, des gens qui ont une vision assez claire de leurs missions, en principe, ils doivent pouvoir faire le travail attendu. C’est pour vous dire que l’efficacité n’est pas forcement liée au nombre. Ici, tout est question d’organisation. Vous allez voir que dans certains pays développés, on n’a pas ce nombre de ministres mais ils arrivent à fonctionner. S’ils s’organisent pour que le travail à la base est correctement fait, ils peuvent aussi s’en sortir.
A quoi le gouvernement doit s’attaquer prioritairement en dehors de la question de l’insécurité ?
Le gouvernement a déjà annoncé ses objectifs. Et le premier objectif, c’est la question sécuritaire qui préoccupe tout le monde. Mais au-delà de cela, le gouvernement lui-même a décidé de s’attaquer déjà à la question du bien-être du burkinabè, de la vie chère. Le troisième objectif que le gouvernement devrait viser, c’est revoir un peu la question de notre administration. Il faut une gestion vertueuse et je pense que si ces trois éléments sont réunis, on doit pouvoir arriver à une satisfaction totale.
Quels sont les écueils à éviter par ces ministres pour mieux gouverner le pays ?
A mon avis, le gouvernement est sur le bon chemin. Quand vous examinez sa composition, vous constaterez que la question de la réconciliation par exemple a été un peu mise au second plan. Mais pour réconcilier les Burkinabè, il faut que l’administration fonctionne bien, que chacun puisse être situé par rapport à ce qu’il doit faire et qu’il le fasse bien. Il faut aussi que les ressources du pays soient bien reparties au sein de la population. Dès que la population se rend compte que c’est une minorité qui profite des ressources du pays, ça va poser problème. C’est pour cela que j’ai dit tantôt qu’ils sont sur le bon chemin parce qu’à l’ALT, nos futurs députés ne seront pas rémunérés mensuellement mais en fonction des sessions. Déjà ça montre que les ressources sont en train d’être gérées autrement. La réduction du nombre de ministères du gouvernement répond aussi un peu à cette attente-là. Au niveau de la lutte contre la corruption, le gouvernement doit donner l’exemple et pouvoir taper du poing sur la table. Si le gouvernement arrive réellement à s’inspirer de Thomas Sankara, je pense qu’il y a beaucoup d’écueils qui qui seront automatiquement gérées.
Avez-vous des attentes ?
Les attentes, en dehors de ce que le gouvernement prévoit déjà de faire et en dehors des défis que nous venons d’évoquer, il ne faut pas trop leur demander parce que c’est un gouvernement de transition qui est là pour une durée réduite. S’ils arrivent à se concentrer sur le minimum que les Burkinabè attendent, ils vont refonder notre Etat. Si la question de la vie chère est réglée, si la question sécuritaire est résolue, un gouvernement issu d’une élection démocratique pourra s’occuper du reste. Ce que j’attends également de ce gouvernement, c’est de travailler à nous libérer des emprises du colonialisme avant qu’un pouvoir démocratique ne vienne prendre le relais.
Propos recueillis par Haoua Touré
Lefaso.net
Légende photo
AB1 : Moussa Sanou, analyste, enseignant de philosophie à Bobo-Dioulasso.
Source: LeFaso.net
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