La Fédération burkinabè de football (FBF) est une fois de plus plongée dans une crise ouverte. La décision du non-renouvellement du contrat de l’entraîneur de l’équipe nationale, Kamou Malo, et de son staff, est venue aggraver une situation déjà compliquée. Lefaso.net est allé à la rencontre du consultant en sport et développement, Mory Sanou. Sans langue de bois, l’ancien directeur technique national de la FBF revient sur les questions brûlantes du moment à la FBF. Avec lui, il a été aussi question du parcours des Etalons à la CAN 2021 au Cameroun et du choix des entraîneurs intérimaires. Lisez plutôt !

LeFaso.net : Qu’est-ce qui occupe actuellement M. Sanou loin des instances dirigeantes du football ?

Mory Sanou : La famille, la lecture, l’écriture et les questions de développement, voilà ce qui m’occupe et sur quoi je me projette.

Quelle appréciation faites-vous de l’organisation de la CAN 2021 au Cameroun ?

Je pense que c’était une réussite dans l’ensemble, malgré l’incident majeur de la bousculade meurtrière. Il y a eu de belles cérémonies d’ouverture et de clôture, avec une compétition relevée, des surprises positives notamment la Gambie, les Comores, la Guinée Bissau. Il y a aussi eu des surprises décevantes, pas au sens de la prestation mais celui des attentes légitimes, notamment le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Tunisie et l’Egypte. Enfin le sacre espéré et mérité du Sénégal qui était dans le carré final de la plupart des pronostics.

Les Étalons ont fini 4e de cette édition. Ce résultat vous a-t-il satisfait ?

Oui, nous sommes en train d’écrire véritablement notre histoire depuis 1996. Je pense que nous sommes en train de réussir l’étape qui consiste à marquer notre présence dans le dernier cercle de l’élite du football africain. Oui, cette 4e place vient consolider cette étape. Il nous faut envisager de passer à celle des prétendants sérieux au titre. Cela passe par une meilleure organisation de nos structures locales de pratique, en commençant par les clubs qui sont le fondement de la faitière : la Fédération burkinabè de football.

Cela doit-il être mis à l’actif de l’encadrement technique ou de la jeunesse du groupe ?

Oui principalement, mais également sur le compte de tous ceux qui ont entouré l’équipe, de près comme de loin. Je pense notamment aux anciens Etalons, aux dirigeants et supporters qui étaient sur place au Cameroun ainsi qu’à tout le peuple burkinabè.

La nouvelle est tombée : Kamou Malo et son staff ne seront pas reconduits. Est-ce une décision judicieuse ?

Je pense que le terme tombé que vous employez est approprié. D’où votre question sur l’aspect judicieux : était-il nécessaire de provoquer un tel choc ? Ou encore qu’est-ce qui se cache derrière ce choc ? Si nous considérons l’intérêt de notre football, je dirais non. Non pas parce que Kamou Malo et son staff sont indispensables pour le progrès de notre football, mais parce que notre football a besoin de toutes ses composantes et il faut travailler à les fédérer. Je pense que Lazare Banssé a manqué de sagesse et de conseils dans la prise et la notification de cette décision.

En toute chose, les textes sont fondamentaux car servant de références, et leur application doit respecter les termes. Dans le cas de figure de la fin du contrat des entraîneurs de l’équipe A des Etalons, les termes prévoient une notification trois mois avant son expiration. Cette notification aurait dû être faite sans la mention du non-renouvellement. Si cette disposition avait été ainsi respectée, non seulement il n’y aurait eu aucun motif de discussion, cela aurait également été une source de motivation pour l’encadrement afin de travailler à mériter un renouvellement.


Quelles seront, d’après vous, les conséquences de la crise que traverse la FBF sur le football national ?

Vous percevez déjà les crises latentes, alors que celles pendantes sont au grand jour depuis un certain temps. Cela dit, la répétition des crises m’amène à revenir sur votre question précédente, pour comprendre ce qui peut justifier la provocation de choc. A l’observation, il apparaît une manœuvre de diversion qui consiste à focaliser l’opinion publique sur le décisionnel plutôt que sur le conceptuel et l’opérationnel, débouchant ainsi sur le pour ou contre ou encore le oui ou le non.

Dans ce jeu, le dirigeant est favorisé puisque jouissant des prérogatives décisionnelles. Les réactions sur les réseaux sociaux nous le confirment. Non, nous devons sortir de ce jeu, pour entrer dans celui de la priorisation du conceptuel et de l’opérationnel, afin d’être à temps dans la phase suivante de l’écriture de notre histoire dans celle du football africain et mondial.

Quelles solutions entrevoyez-vous à votre niveau pour une sortie de crise ?

Il faut d’abord bien diagnostiquer la crise avant d’envisager les moyens de sortie. L’insuffisance d’une vision claire et accessible à tous les acteurs, ainsi que son plan d’action opérationnel conduit les dirigeants à se focaliser sur des activités immédiatement profitables.

Il s’agit ici de la CAN, des championnats et d’autres compétions. Voilà l’origine et l’objet de la crise de notre football qui s’est manifestée à travers la focalisation autour de personnalités influentes comme suit : Félix Tientarboum contre Souley Mohamed ; Souley Mohamed contre Boureima Badini ; Boureima Badini contre Nabéré Honoré Traoré ; Nabéré Honoré Traoré contre Seydou Diakité. Théodore Sawadogo, à mon avis, peut être considéré comme une transition qui aurait pu mettre fin à cette bipolarité. Il y a eu ensuite Sita Sangaré contre Amado Traoré, qui s’est mué en Lazare Banssé contre Amado Traoré.

Lazare Banssé a laissé entrevoir qu’il était l’homme qui nous ferait sortir de ce cercle vicieux. Mais force est de constater que depuis sa prise de fonction jusqu’à nos jours, les crises ne font que se multiplier et s’amplifier. La solution consiste, de mon point de vue, à revoir prioritairement les textes statutaires de la FBF et à clarifier les axes de développement du football prévus dans le programme du président, puis à opérationnaliser les structures de mise en œuvre, de concert avec tous les acteurs.

Cela passe par la mise en place d’organes techniques ou commissions ah doc. Un conseil de sages du monde du football peut être utile au président de la FBF à cet effet. Lazare Banssé doit recadrer son action sur son engagement électoral de rassembler les acteurs du football national autour d’objectifs de développement clairs. Et tous doivent l’aider en cela, en commençant par les membres de son Comité exécutif qui doivent comprendre que Lazare Banssé ne tombera pas seul par le vent d’un variant de la crise.

En attendant, Oscar Barro et deux adjoints ont été choisis pour assurer l’intérim à la tête des Etalons A. Les jugez-vous à la hauteur ?

Je sais qu’ils sont formés et diplômés, avec pas mal d’expérience dans les compétitions nationales et la direction des sélections nationales de jeunes et espoirs. Il s’agit d’enrichir cette expérience à un niveau supérieur.

Sur quoi devrait-il axer son intérim à la tête des Etalons ?

Certainement sur les objectifs fixés par les termes de cet intérim.

Interview réalisée par Obissa Juste MIEN

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Source: LeFaso.net