Aux côtés des populations burkinabè, présente surtout dans les zones dites favorables, The Hunger project (le Projet de lutte contre la faim) peut se comprendre à la fois comme des réalisations concrètes sur le terrain et une conscience individuelle et collective pour sortir de la misère et se lancer dans le développement durable. « Si l’humanisme ne se développe pas en nous, nous risquons de travailler simplement comme des mercenaires ; c’est-à-dire gagner quelque chose et on s’en fout du reste », avise son directeur national Burkina, Evariste L. Yaogho, que Lefaso.net a approché pour savoir davantage sur les missions, le fonctionnement, … les modalités d’intervention de cette organisation.
Lefaso.net : Quelle est l’origine même de The Hunger Project et ce qui fonde sa présente au Burkina Faso ?
Evariste L. Yaogho : La création de The Hunger Project remonte à 1977, suite à une grande crise alimentaire, une grande famine qui a sévi en Ethiopie. Cette crise a suscité des regards à des niveaux divers. Ce qui a poussé certaines personnes, qui étaient plus sensibles à la situation, à créer une association. Et comme, il fallait agir vite, le nom qui a été trouvé pour l’association est « Projet de lutte contre la faim » qui signifie en anglais « The Hunger Project ».
L’association est convaincue que pour éliminer la faim et la pauvreté dans le monde, cela nécessitait qu’on ait de bons leaders. De bons leaders au niveau du monde politique, du monde rural, bref, à tous les niveaux. Ces leaders doivent être des personnes qui organisent les autres pour conduire à l’élimination de la faim. Pendant plus de 20 ans donc, The Hunger Project (THP) a mis l’accent sur le plaidoyer et la communication pour un monde meilleur. Il a même institué un prix appelé « Prix leadership Afrique ».
C’est un prix qui récompensait, chaque année, des leaders africains, dont des chefs d’Etat et des personnes provenant de tous les secteurs et de tous les niveaux de la société qui ont fait preuve de leadership exceptionnel et ont fait quelque chose de distinctif pour leur communauté à l’échelle nationale, régionale ou continentale. C’est ainsi que de nombreux présidents ont été distingués.
On peut citer les présidents Abdou Diouf du Sénégal, Jerry John Rawlings du Ghana, Amadou Toumani Touré du Mali, etc., et au niveau de notre pays, Bernard Lédéa Ouédraogo avec son groupement Naam qui a vraiment impacté le monde rural et organisé les communautés pour travailler à éliminer la faim en leur sein. En dehors du Prix leadership Afrique, THP ne mettait pas en œuvre de programmes spécifiques de développement au niveau des pays. C’était juste des actions de plaidoyer et communication pour encourager et engager les leaders africains à éliminer la faim.
Finalement, après une vingtaine d’années, les responsables ont estimé qu’il est certes bien de faire le plaidoyer et de décerner des prix aux leaders africains, mais il serait encore plus judicieux que ceux-là qui ont faim, ceux pour qui ils luttent, puissent être partie intégrante des actions. Donc, il faut faire quelque chose au sein des communautés elles-mêmes, comme élément démonstratif, pour les amener à participer à l’œuvre ou objectif d’élimination de la faim. C’est ainsi qu’en 1991, THP a ouvert son premier bureau au Sénégal pour commencer la mise en œuvre des programmes de développement en partenariat avec les communautés partenaires.
L’ouverture d’un bureau répondait à des conditions. Et la principale condition était qu’un leader du pays soit primé. C’est ainsi qu’au Burkina, grâce à la distinction de Bernard Lédéa Ouédraogo en 1987 que THP y a ouvert son bureau en février 1997.
Comment l’organisation est-elle structurée au Burkina ?
Vous avez d’abord le bureau national, situé à Ouagadougou. Il dispose d’un certain personnel de plusieurs profils correspondant aux activités qui sont mises en œuvre sur le terrain (agronomes, zootechnicien, économistes, sociologue, communicateur, …). Nous avons ensuite le Conseil national consultatif, qui est un groupe de personnes bénévoles qui viennent de l’administration publique, du secteur privé et de bien d’autres segments de la société et dont l’expertise permet de soutenir les actions de The Hunger Project Burkina Faso à travers des propositions d’orientation.
Ce sont c’est deux entités qui décident des zones d’intervention, qu’on appelle « épicentres ». L’épicentre, c’est le point de départ des activités de The Hunger Project dans une localité. Ces activités doivent justement se développer d’une manière sismique, pour atteindre un rayon plus large. On commence par le bas niveau, à savoir le village. En rappel, The Hunger Project a étendu ses activités au Burkina avant la décentralisation intégrale. Et toutes ses actions, s’inscrivent en droite ligne de celles de la décentralisation : organiser les communautés, leur permettre d’avoir un organe exécutif (comme le bureau du conseil municipal) sous le leadership duquel les communautés décident et pilotent-elles mêmes leur développement.
C’est vraiment cela l’esprit de The Hunger Project. C’est ce que nous avons toujours fait, en regroupant les villages pour travailler à leur faire comprendre que ni le gouvernement ni les partenaires étrangers ne peuvent réellement développer leur localité ; le développement de leur localité, c’est d’abord leur responsabilité. Ceux qui viennent doivent simplement accompagner. Ce sont les communautés elles-mêmes qui décident de ce qu’elles veulent. C’est cela l’esprit des épicentres : organiser les communautés, les aider à avoir un leadership engagé, accepté par l’ensemble et qui mobilise tout le monde en faveur de leur propre développement.
Dans combien de zones intervenez-vous ?
Nous sommes actuellement dans quinze zones, appelées « épicentres ». C’est vraiment là où nous avons formalisé notre existence, notre intervention et où nous restons pendant plusieurs années. Mais en dehors des épicentres, nous avons d’autres zones d’intervention telles que la région du nord avec le programme R2G et la région du Centre-sud où nous venons de boucler un programme sur l’intégration des peuples, financé par la CEDEAO dans des villages transfrontaliers entre le Ghana et le Burkina Faso. Là, nous avons travaillé de sorte à ce que les communautés frontalières des deux pays se voient comme une seule communauté, sans frontière. C’est d’ailleurs ainsi, parce qu’en réalité, ce sont les mêmes familles qui se trouvent de part et d’autre des bornes.
Nous utilisons donc nos outils de formation et de conscientisation pour faire comprendre aux populations que c’est ensemble qu’on réussit, qu’il n’y a pas de Ghana sans le Burkina et vice-versa. Les épicentres, c’est là où nous restons au minimum huit ans pour les conduire à travers plusieurs étapes jusqu’à ce que ces communautés puissent acquérir toutes les compétences pour conduire les programmes que nous avons initiés ensemble. En ce moment-là, nous gardons toujours le lien, mais sous l’angle d’appui-conseil, nous n’intervenons plus directement, nous nous désengageons et nous allons vers d’autres zones où le besoin est crucial.
Sur quels critères se mesure l’autonomisation d’une communauté ?
Lorsque nous arrivons dans un épicentre, nous travaillons d’abord à rapprocher davantage les villages ; parce que dans le monde rural, pour diverses raisons, il y a toujours des conflits entre villages, conflits latents et/ou conflits lointains. Si fait que les gens se fréquentent sans réellement se connaître, sans s’asseoir ensemble pour résoudre les problèmes qui leur sont pourtant communs.
Nous travaillons d’abord à aplanir cet aspect, rapprocher les uns et les autres vers un idéal commun. On fait en sorte que toutes ces communautés puissent accepter de s’asseoir ensemble pour regarder ce qui les unit, dans leur intérêt commun que de se braquer sur des conflits qui, souvent, ne sont même pas de leur génération.
Par les différentes formations, nous leur expliquons la nécessité de dépasser tout cela pour se mettre ensemble. Une fois que les communautés ont compris, les villages qui ont accepté de se regrouper pour former l’épicentre, s’organisent en association légalement reconnue gérée par des responsables engagés et volontaristes. A partir de cet instant, nous leur trouvons des cadres où ils peuvent se réunir. Nous construisons donc de grandes salles de réunions (qui peuvent accueillir environ 150 personnes) au siège de l’épicentre qui est en même temps le siège de l’association.
Cela permet aux représentants des villages de s’y retrouver pour décider de ce qu’ils veulent faire pour leur localité. Nous anticipons en construisant d’autres infrastructures connexes, par exemples des garderies, pour que les femmes qui mènent leurs activités puissent y sécuriser leurs enfants et leur permettre d’apprendre et de mener leurs activités en toute quiétude. Nous mettons en œuvre, systématiquement, une structure de crédits, et par la suite d’épargne.
Dans un premier temps, pour les femmes, et par la suite pour toute la communauté. Donc, progressivement, nous injectons de l’argent, nous les formons et nous nous mettons de côté pour les regarder faire. C’est l’approche faire-faire qui est appliquée. Avec toutes les erreurs, on les accompagne pour corriger les erreurs jusqu’au moment où ils arrivent à s’approprier, à maîtriser l’activité. C’est à partir de ce moment que nous intervenons auprès du gouvernement pour demander la reconnaissance de cette activité. Ça devient dès lors une caisse communautaire, qui est enregistrée par la BCEAO, autorisée à collecter l’épargne et à travailler comme une institution de finances.
Et les autres activités, c’est autant, comme les activités de production de savons, la gestion de décortiqueuses, de moulins, la production de ‘’soumbala », boutiques commerciales, boutiques d’intrants agricoles, dortoirs, …. Nous avons les activités collectives et les activités individuelles. Les activités individuelles sont promues à travers l’octroi de crédits. Mais les activités collectives, c’est nous qui y injectons des fonds de roulement (les bénéficiaires doivent faire en sorte que les revenus générés soient centralisés au niveau du siège de l’épicentre). Les revenus de ces activités collectives vont permettre de prendre en charge le fonctionnement de l’épicentre (salaire du personnel, fonctionnement..,).
Mais avant que les activités ne génèrent des profits substantiels, The Hunger Project soutient et paie les salaires des agents mais réduisant progressivement son intervention, jusqu’à ce que les recettes puissent couvrir entièrement les charges de fonctionnement. Comme nous voulons quelque chose de durable, les différents villages, qui se regroupent, forment une association en plus de la légalisation de l’association avec un récépissé de reconnaissance, le terrain sur lequel nous construisons les infrastructures sera au nom de l’association. Nous travaillons à ce que ce terrain ait un titre de propriété.
Donc, les critères d’autonomisation d’un épicentre, c’est d’abord la détention par l’association de l’épicentre d’un récépissé de reconnaissance délivrée par les autorités compétentes. Ensuite, l’existence d’un leadership dynamique, engagé et apprécié par les autres membres et aussi l’existence d’un titre de propriété du terrain au nom de l’association de l’épicentre. Par ailleurs, il faut que l’épicentre dispose d’une caisse de crédit et d’épargne agréée et enfin il faut que les recettes de l’épicentre couvrent ses charges.
Si ces critères fondamentaux sont atteints, THP déclare la communauté autonome et se désengage. Mais lorsque ces critères ne sont pas tous atteints, nous attendons encore un certain temps pour leur réalisation. Par exemple, lorsque le terrain n’a pas de titre…, ce n’est pas évident que ça se fasse après nous. Cela peut après amener des conflits et hypothéquer la pérennisation des infrastructures. L’autonomisation d’un épicentre permet le développement de partenariat avec d’autres structures.
On retient qu’à la base, vous menez un travail de cohésion sociale, c’est quand même une étape fastidieuse !
C’est vraiment un travail très lourd, mais qui mérite d’être fait au préalable. C’est plus simple de collecter de l’argent et d’aller construire un centre de santé, une infrastructure publique quelconque et l’inaugurer à grandes pompes. Pour nous, si les gens ne sont pas unis, tout cela ne sert pas, ils ne peuvent pas avoir la même vision de développement. C’est nécessaire de travailler pour construire une société nouvelle, changer les mentalités, faire en sorte que les gens ne soient pas là assis, à se regarder, à se plaindre des autres et à penser qu’il y a un messie, un sauveur qui va venir et qu’eux, ils ont des bras cassés et ne peuvent rien faire.
C’est un travail très difficile, le changement de mentalité. Nous, nous avons dit que le développement durable est celui qui est conduit par la communauté elle-même. Mais, la communauté ne peut conduire son développement sans un accompagnement préalable. C’est cet esprit qui nous guide dans nos interventions. Voilà pourquoi, nous prenons le temps pour d’abord expliquer aux populations qui nous sommes : nous ne sommes pas une organisation de financements. Nous travaillons à enlever de la tête des gens, tout esprit d’attentisme.
Nous leur expliquons que nous sommes une organisation et nous voulons qu’on réfléchisse ensemble pour voir comment se développer. On leur fait comprendre que si eux ne sont pas contents d’être dans leur situation, c’est à eux de s’engager et de prendre des actions pour s’en sortir. Personne d’autre ne peut les sortir de là, qu’eux-mêmes. C’est donc un travail fastidieux et de longue haleine.
Le travail de changement de mentalité se heurte souvent à certains obstacles. En effet, dans toutes les sociétés, vous avez des leaders qui veulent que la situation ne change pas pour qu’eux puissent toujours continuer à exploiter les faiblesses de la communauté. Voilà pourquoi, il faut travailler à avoir un système fort et inclusif mais qui finira par obliger les prédateurs de la communauté soit à changer, soit à s’exclure. C’est conscient que le travail de changement de mentalité est extrêmement difficile, que nous déployons nos actions sur le terrain.
Mais comme on le dit : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Dans nos pays, des milliards ont été injectés, mais rien ne change. Il faut donc changer de manière d’intervenir. Il faut travailler à responsabiliser les communautés. Avec aujourd’hui la décentralisation qui a cours dans le monde, on a compris que The Hunger Project était en avance dans sa façon de voir et de faire.
Comment se fait le choix des épicentres, est-ce par demande ou à l’initiative de The Hunger Project ?
Le choix des épicentres se fait selon un certain nombre d’indicateurs en lieu avec la pauvreté, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, etc. Naturellement, nous choisissons d’aller là où il y a le plus de besoin. A cet effet, nous essayons de voir la cartographie des intervenants et des interventions pour éviter d’aller là où il y a déjà plusieurs intervenants et interventions pendant que d’autres zones en ont très peu ou pas du tout. Enfin, nous tenons compte des résultats des enquêtes que nous menons auprès des communautés (ce que les communautés font et sont).
Quels sont quelques acquis qui fondent votre satisfaction ?
Nous sommes vraiment satisfaits, même si l’auto-satisfaction peut ressembler un peu à de l’orgueil, tant il est rare qu’on se déprécie. Quelques exemples, qui montrent que nos actions ont un réel impact, viennent du Soum et du Loroum avec l’avènement de l’insécurité. Nous intervenions à Pobé-Mengao et à Titao. Au tout début de l’insécurité, les ONG (Organisations non-gouvernementales) avaient des difficultés pour y intervenir, et nous avons été appelés à leur secours.
Pourquoi ? Parce que les communautés avec lesquelles nous travaillons sont déjà organisées, tous les villages sont connectés, ils ont des leaders, tant au niveau des jeunes, des personnes âgées que des femmes, etc. Ils sont déjà sensibilisés par rapport au principe de développement et de la gestion même des ressources. Si fait qu’on n’est pas obligé d’y être physiquement pour que les activités se mettent en œuvre.
Malgré le fait que nous n’étions pas sur place, nos activités se menaient normalement avec les communautés. Ce qui nous a encore convaincus que les gens se sont approprié le principe. C’est ce qui s’est passé par exemple avec Titao. Nous avions un épicentre à Toulfé (situé à une quinzaine de kilomètres de Titao, chef-lieu), quand la situation sécuritaire a commencé à s’aggraver, les populations membres de l’épicentre qui se sont déplacées à Titao se sont vite organisées.
Ça a été systématique. Elles ont loué un local et ont mis « Epicentre de Toulfé » et ont repris leurs activités. Le réflexe est donc resté. Et tenez-vous bien que des gens qui avaient pris des crédits et ont été chassés de leur localité, sont venus payer leur crédit. Alors qu’ils auraient pu dire qu’ils sont partis de leur village sans avoir rien pris et personne ne pouvait leur en tenir rigueur. Les trimestres qui ont suivi, les crédits ont été remboursés et les activités ont continué. Malgré le contexte, les gens sont venus payer parce qu’eux-mêmes ont compris que c’est leur affaire et c’est pour leur bien.
C’est donc une satisfaction de voir que ce que nous faisons n’est pas physique, mais le changement est là et l’impact social est très important. Les exemples sont nombreux.
Quand vous prenez nos activités de crédits, avec un fonds de crédit de démarrage d’un million de francs, vous avez aujourd’hui des Caisses des épicentres qui ont des Fonds de crédit de plus de 100 millions et avec des épargnes importantes.
Quel est l’impact de la double crise sécuritaire et sanitaire sur les activités de votre organisation ?
Il est évident que toutes ces crises ne peuvent pas ne pas affecter nos activités, même s’il est vrai que les communautés dans lesquelles nous travaillons, à travers la qualité de leur organisation, peuvent poursuivre sans difficulté leurs activités. Mais, du fait que nous ne pouvons plus aller sur le terrain et qu’il y a une médiatisation de la situation, notamment l’insécurité, fait que nous avons du mal à mobiliser des ressources pour poursuivre nos activités.
Il y a aussi le fait que les financements, qui étaient destinés aux zones aujourd’hui occupées, sont interrompus pour des raisons évidentes de difficulté de mise en œuvre. A cela, s’ajoute la situation politique actuelle du pays qui ne facilite pas la mobilisation des ressources financières.
Pour ce qui est de la COVID-19, elle a plus impacté négativement l’économie des communautés que sur la mise en œuvre des activités de THP-Burkina. Nous avons adopté le travail à distance entre collègues et avec les communautés partenaires. D’ailleurs, nous avons doté nos partenaires de smartphones pour faciliter les échanges et le partage des données.
Parlez-nous de votre programme R2G !
Le programme R2G a été financé par le Royaume des Pays-Bas, qui a, après analyse, estimé qu’il y a certes beaucoup de programmes physiques qui ont été mis en œuvre depuis des années pour combattre la malnutrition et le problème d’assainissement, mais le résultat reste mitigé. Il estime donc inverser les choses, que l’action ne soit pas externe, mais plutôt interne, locale. Que le gouvernement, la société civile, la communauté elle-même, puissent en prendre conscience, se mobiliser, prendre des actions appropriées et accepter allouer des budgets conséquents pour la résolution à l’échelle et durablement du problème de la malnutrition.
Qu’à travers le projet et les résultats des études qui sont et qui seront réalisées, on puisse avoir des évidences de la situation de la malnutrition dans les zones concernées pour soutenir le plaidoyer. C’est donc un programme de plaidoyer pour que les exécutifs locaux, le gouvernement, la société civile, la communauté, puissent se mobiliser pour prendre à bras-le-corps ces questions qui les concernent et que chacun puisse intervenir, à la lumière de ses capacités, pour éliminer la faim.
Donc, le R2G est un programme spécifique de plaidoyer, de communication pour donner une réponse à la malnutrition dans les zones du Centre-nord, du nord et l’Est. Ces trois zones ont été retenues, parce que le Royaume des Pays-Bas intervient déjà physiquement dans ces zones. C’est donc un programme complémentaire des programmes menés dans ces zones sus-citées. C’est un programme qui court de 2021 à 2025.
Qui sont vos soutiens et partenaires de mise en œuvre ?
Nous avons plusieurs partenaires. Au plan international, The Hunger Project a des partenaires financiers aux Etats-Unis, à travers les Etats, qui collectent les Fonds pour soutenir les pays-programmes d’Afrique, d’Asie du Sud et l’Amérique Latine. Au niveau Europe, vous avez The Hunger Project Allemagne, The Hunger Project Pays-Bas, The Hunger Project Suède, The Hunger Project Australie, etc. En tant que pays-programme, nous avons la possibilité de soumissionner aussi à des appels d’offre internationaux.
Donc, nos financements viennent de ces mécanismes, en plus des financements locaux comme ceux de la CEDEAO.
Nos partenaires de mise en œuvre sont essentiellement les associations de nos épicentres et des ONG locales.
Que gagne The Hunger Project, en s’assignant une telle mission à travers les pays ?
L’humanité est une et indivisible. Nous sommes des citoyens de cette humanité. Lutter contre la faim, ce n’est pas seulement pour soi, mais aussi pour les autres. Quand les autres sont satisfaits, nous sommes satisfaits de pouvoir contribuer, parce que la satisfaction n’est pas d’avoir suffisamment plus que l’autre, mais plutôt d’être dans un confort, parce que ce qui se passe ailleurs vous satisfait.
C’est donc une lutte dans l’esprit que nous sommes tous citoyens du monde et qu’en tant que tels, nous devons partager les mêmes défis et pouvoir aussi nous réjouir des mêmes succès pour pouvoir vraiment être heureux d‘une manière équilibrée. C’est pour cela que The Hunger Project estime que seul, on ne peut absolument rien faire. Mais ensemble, avec les autres (gouvernement, société civile, les communautés elles-mêmes) nous pouvons réussir à relever les grands défis. C’est cela la satisfaction de The Hunger Project.
Quelles sont vos perspectives ?
Après l’évaluation de ce que nous avons fait, nous pouvons dire qu’on est satisfait. Mais, on ne peut pas l’être totalement.
Satisfaits parce qu’on a réussi à amener certaines communautés à croire à elles-mêmes, à agir pour elles-mêmes et à pouvoir acquérir un minimum d’autonomie en mettant en place des programmes dont la marche semble durable. Egalement, lorsque nous regardons, quinze zones et des villages, la sommation représente une goutte d’eau dans la mer. C’est pour dire qu’il faut un minimum pour avoir un impact. Donc, la perspective pour nous, c’est de porter à l‘échelle, ce que nous avons fait pour toucher un plus grand nombre de zones, un plus grand nombre de personnes.
C’est pourquoi, nous sommes en train d’élaborer notre plan stratégique 2023-2027 qui va dans le sens d’amplifier nos actions, toujours dans le même objectif d’éliminer la faim, pas en tant que simple acteur, mais en travaillant à mobiliser tout le monde pour que cette élimination soit vraiment durable. Nous œuvrons vraiment pour que nous puissions aller en consortium avec d’autres partenaires qui croient vraiment en la décentralisation, en l’autonomisation des communautés comme fondement d’un développement durable. C’est sur ce plan que nous sommes en train de travailler et nous espérons achever et commencer la mise en œuvre en 2023.
En conclusion ?
C’est pour dire qu’il n’y aura de développement durable qui puisse apporter la résolution des problèmes que si la communauté elle-même se convainc qu’elle est la première responsable et qu’elle accepte de s’impliquer et de consentir le sacrifice. Un développement à l’aspirine n’existe pas ; j’ai mal à la tête, je prends un comprimé et ça passe, non ! Le développement est un processus de longue haleine qui demande beaucoup de sacrifice, mais ce sacrifice doit se faire d’abord avec ceux-là qui sont pressés d’éliminer la faim.
C’est celui qui est dans la pauvreté, celui qui a faim, qui doit être le plus pressé d’éliminer ces fléaux. Maintenant, ceux qui aiment et qui s’identifient à la communauté, ceux qui ne peuvent pas dormir parce qu’ils pensent que quelque part dans le monde, quelqu’un n’a pas à manger, alors qu’il a le droit de vivre comme les autres, c’est l’ensemble de tous ceux-là qui doivent s’unir pour parvenir à l’élimination de la faim et de la pauvreté dans le monde. Je souhaite particulièrement qu’au Burkina, les communautés elles-mêmes puissent changer de paradigme.
Les communautés doivent s’organiser à être une force de proposition, à être des actrices mais elles ont besoin d’accompagnement. Si elles pensent et proposent au gouvernement leur vision, il ne peut pas refuser. Mais si elles ne peuvent penser ni proposer, les autres vont le faire à leur place. Et ce que l’autre propose pour nous ne peut pas toujours nous satisfaire. Il faut être à la place de celui qui est dans le besoin, pour comprendre toutes les réalités.
A l’endroit des partenaires, gouvernements, institutions internationales, projets et programmes, c’est de souhaiter qu’ils considèrent toujours les communautés comme des partenaires et non des bénéficiaires. Si on considère que les autres sont des bénéficiaires, ce qu’on fait, c’est comme une offrande, un don. Alors que ce sont des partenaires qu’on accompagne, parce que leur succès, leur développement, va permettre aux organisations aussi d’avoir un plus, d’avoir fait changer aussi quelque chose dans le monde.
Et si nous voulons être efficaces, il faut que tous les partenaires puissent travailler à l’unisson ; ne pas considérer qu’on est meilleur ou qu’on est faible. Chacun a quelque chose à apporter à l’autre. C’est l’ensemble des actions qui peuvent parvenir à des résultats efficaces. C’est donc inviter les partenaires, qu’on s’asseye ensemble pour imaginer et créer des stratégies en mettant les communautés au début, au centre et à la fin de nos initiatives.
Qu’elles sentent que nous sommes des partenaires et non des simples donateurs.
Si l’humanisme ne se développe pas en nous, nous risquons de travailler simplement comme des mercenaires ; c’est-à-dire gagner quelque chose et on s’en fout du reste. Mais lorsqu’on travaille pour l’intérêt de ceux-là pour lesquels, on existe, nécessairement, on y met du cœur et le sacrifice n’est pas de trop.
Interview réalisée par O.L
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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