Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPRS), dirigé par le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, a publié le lundi 31 janvier 2022 son acte fondamental marquant ainsi la levée de la suspension de la Constitution de la IVe République. Lefaso.net a eu un entretien avec Djibrihina Ouédraogo, professeur agrégé des facultés de droit, par ailleurs enseignant-chercheur à l’Université Thomas Sankara, sur les tenants et les aboutissants de cet « acte fondamental ».
Lefaso.net : Au Burkina Faso, la Constitution avait été suspendue depuis la prise de pouvoir du MPSR il y a une semaine, avant d’être rétablie le lundi 31 janvier 2022 grâce à un « acte fondamental ». Quelles sont ses implications ?
Pr Djibrihina Ouédraogo : Les implications de l’adoption de cet acte fondamental du MPSR apparaissent surtout en son article 36 qui dispose en substance que l’acte fondamental fonde les pouvoirs du MPSR et lève la suspension de la Constitution de la IVe République. Il s’agit en définitive d’inscrire l’action du MPSR dans le cadre du droit et des exigences d’un Etat de droit.
Non seulement la restauration de la Constitution permet de parer au vide juridique et institutionnel qui avait résulté de sa suspension ; mais elle permet de sauvegarder à nouveau les droits fondamentaux et l’expression des libertés individuelles, ce qui implique une limitation juridique des pouvoirs du MPSR. L’acte fondamental permet également de percevoir une charpente de la composition du MPSR dont on ne connait pas véritablement encore l’ossature : un président, deux vice-présidents, un coordonnateur et des commissions.
En outre, le MPSR apparait désormais comme l’organe exécutif et législatif, en attendant la mise en place d’organes de transition. Le pouvoir d’action du MPSR se ramène, pour l’essentiel, aux prérogatives reconnues à son président qui, à ce titre, exerce désormais les fonctions de président du Faso, dispose du pouvoir règlementaire et surtout du pouvoir législatif puisqu’il peut adopter des ordonnances qui sont des actes ayant valeur de loi.
Quelle est la situation réelle du pays aujourd’hui au plan institutionnel ?
On peut dire qu’avec la levée de la suspension de la Constitution, toutes les institutions reprennent service avec la particularité que la direction du pays est assurée par le MPSR. Celui-ci exerce à la fois les fonctions du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Le pouvoir judiciaire est toujours entre les mains des autorités judiciaires.
L’article 36 de l’acte fondamental prévoit que les dispositions de la Constitution ne s’appliquent pas en cas d’incompatibilité avec l’acte fondamental. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie et quelles peuvent en être les conséquences au plan juridique ?
En droit, il s’agit d’une règle de conflit que l’on peut ici analyser comme une soupape de sécurité en vue de préserver les pouvoirs et l’autorité du MPSR. Autrement dit, avec cette disposition, l’acte fondamental revendique sa supériorité sur la Constitution. Par conséquent, en cas de contradiction entre eux, c’est l’acte fondamental qui doit être appliqué. Une difficulté à ce niveau, c’est que l’acte fondamental n’indique pas qui doit constater cette contrariété : est-ce le MPSR ou le Conseil constitutionnel qui lui est plutôt chargé en réalité de garantir la suprématie de la Constitution sur tout autre acte juridique ? Il y a semble-t-il un flottement à ce niveau.
Quel peut être l’impact de cette situation du Burkina sur la nouvelle Constitution qui attend depuis un moment d’être adoptée ?
Il va falloir attendre de voir la feuille de route qui sera déroulée dans les jours à venir par le MPSR et les organes de transition qui ont été annoncés par l’acte fondamental pour en savoir plus sur le sort du projet de nouvelle Constitution. La nouvelle Constitution, qui devait conduire à une Ve République, est restée depuis 2017 jusqu’à aujourd’hui à l’état de projet. Il reste à savoir comment se fera le retour à l’ordre constitutionnel. Rien n’oblige à revenir à ce projet de nouvelle Constitution.
Mais, le texte ayant été adopté de manière consensuelle par une Commission constitutionnelle assez représentative des forces vives de la Nation, on peut penser qu’avec quelques modifications pour tenir compte de certaines réalités et évolutions, le projet pourrait encore présenter un intérêt.
Depuis leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités sont-elles sur une bonne trajectoire par rapport à la vision qu’elles ont déclinées et aux attentes des populations ?
A peine dix jours seulement après la prise du pouvoir, il me paraît assez tôt pour répondre à cette question.
Quel avenir envisagez-vous pour le Burkina ?
Un avenir fait d’espérance comme l’espérance que chacun nourrit pour le succès des Etalons à la CAN !
Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé et Erwan Compaoré (stagiaire)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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