El Hadj Idrissa Diarra, politiste et géographe planificateur, pose dans cette tribune le diagnostic de la situation socio-politique nationale ayant entrainé la chute du Roch Kaboré. Il en conclut que certaines réorientations s’imposent pour assainir le milieu politique et prétendre à plus de bonheur pour la Nation.

« Le Burkina Faso vient de basculer brusquement du pouvoir du Président Roch Marc Christian KABORE au pouvoir du MPSR (Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration).

Nous nous sentons dans le devoir social et patriotique de fournir des analyses relatives à cette situation socio-politique nationale hautement difficile pour chacun, pour proposer des issues de sortie de crise plus heureuses car ; si l’édifice tombe, nous mourrons tous comme de pauvres idiots ! Mais il faut le dire, des analyses menées dans un contexte précis de suspension de la Constitution, donc qui ne prête pas au contexte ordinaire d’expression…

Par principe, un coup d’Etat est condamnable ! Cependant en regardant avec attention ce que l’on vivait dans notre pays, il faut dire que nous étions totalement en déphasage avec ce que l’on attend des vertus et des retombées de la démocratie au regard du bilan et de l’évolution de la situation sécuritaire sans perspectives rassurantes…

La principale tare du dernier système déchu était le tout consensuel maladif sur tout. La démocratie qui, par excellence, offre un espace de discussions ouvertes et critiques pour éclairer la société afin de prendre des décisions conséquentes et favoriser le progrès économique, social, culturel et politique, s’est trouvée galvaudée où l’argent et la recherche du gain égoïste ont pris le dessus sur tout.

Et par réalisme, tout le monde s’était quasiment rué vers le parti au pouvoir ou s’était retrouvé dans la mouvance au pouvoir. D’un point de vue sociologique, on pourrait donc dire que le système politique était gangrené, animé par un parti unique de fait, pervertissant ainsi la démocratie.

Il n’y avait pratiquement plus qu’une seule voix possible autorisée à s’exprimer ; celle du « oui-oui », même illogique et aveugle derrière des positions faibles, inefficaces et à l’évidence, sans issue. Le « non-non » ou la critique n’avait plus droit de citer, d’où la censure imposée par le Gouvernement d’alors, la suspension récurrente des réseaux sociaux de communication de masse (WhatsApp, Facebook, etc.), l’interdiction des marches, meetings et autres modes d’expressions démocratiques.

Suite au coup d’Etat, j’ai suivi avec intérêt dès le 24 janvier 2022, beaucoup d’opinions dans le milieu intellectuel comme non intellectuel et aussi des voix d’organisations à travers les médias, et il se dégage là aussi paradoxalement, un autre quasi consensus sur le fait accompli actuel de coup d’Etat. Son explication évidente chez beaucoup se résume dans un bilan sécuritaire catastrophique : trop de morts, se chiffrant par milliers (1000) dont près de quatre cent (400) éléments des FDS (Force de Défense et de Sécurité) ; trop de déplacés par millions (1000 000) ; milieu politique pourri n’offrant aucune perspective rassurante. Pour un Peuple qui a horreur du sang injuste versé, pour un Peuple qui s’est toujours révolté et mis débout contre la mort provoquée de quelques dizaines de personnes (Thomas Sankara et Compagnons, Norbert Zongo et Compagnons, le juge Salifou Nébié, l’élève Justin Zongo), c’était intenable ; c’était tout simplement inacceptable !

Or, ce n’est pas faute d’avoir prévenu à temps (dans un esprit patriotique fermement attaché aux valeurs démocratiques) les dirigeants déchus sur leurs modes de Gouvernance détachés des urgences et des priorités du terrain. Mais ils n’ont pas eu la capacité pour tendre leurs oreilles pour écouter nos humbles propositions.

La conséquence est là ! Roch Kaboré devrait s’en prendre à lui-même. Et ce n’est pas tout ! Les partis politiques dans leurs majorités, doivent s’en prendre à eux-mêmes et se remettre sérieusement en cause…

Il est évident, beaucoup sont trop déçus des acteurs politiques, tant les attentes populaires prioritaires pressantes ont été royalement ignorées…

Aujourd’hui, nous sommes tombés dans un trou très profond et nous n’avons point d’autres choix que de mobiliser toutes nos énergies pour en sortir et préserver notre survie collective et l’avenir de la Nation.

Au regard de ce bref diagnostic, certaines réorientations s’imposent pour assainir le milieu politique et prétendre à plus de bonheur pour la Nation. Il faut un changement radical de paradigme. A ce titre, certaines décisions s’imposent. Ce sont, sans être exhaustif :

1. Il faut avoir pour principe fondamental de travail, la volonté ferme de bien faire les choses pour l’intérêt de la Nation, avec application, en alliant efficacité et diligence tout en limitant la recherche de consensus sur certains sujets ; ce qui appelle à prendre des résolutions pour agir avec un certain volontarisme.

2. Définir rapidement une architecture institutionnelle légère, bien pensée et efficace pour conduire la Transition de l’heure ;

3. Nommer rapidement un Premier Ministre civil compétent, convaincu, engagé, intègre (sans « casserole » avec la justice) et conscients des défis de l’heure et du tournant historique de notre pays, sans nul complexe dans son choix quant à son statut social (nul besoin de se focaliser sur une personnalité particulièrement connue) ;

4. Il faut mettre en place un gouvernement civilo-militaire restreint d’une quinzaine de membres, constitué essentiellement de cadres d’Administrations compétents, convaincus, engagés, intègres et conscients des défis de l’heure et du tournant historique de notre pays, sans nul complexe lié à quel que statut social des personnes dans le choix ;

5. Il faut dissoudre tous les partis politiques et les inviter à se reconstituer en leur garantissant un accompagnement diligent de l’Etat dans ce sens pour un délai donné.

6. Autres propositions dans les publications suivantes… »

El Hadj Idrissa DIARRA

Politiste et Géographe Planificateur

E-mail : diarra.idrissa@rocketmail.com

30 janvier 2022

Source: LeFaso.net