Connu ces dernières décennies pour ses analyses sur la vie institutionnelle et socio-politique burkinabè, Harouna Dicko, ex-président du Rassemblement politique nouveau (RPN), à travers cette déclaration parvenue à notre rédaction, revient sur le pouvoir Kaboré et se prononce sur la nouvelle ère qui s’est ouverte avec le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).

Dans le souci de participer de façon citoyenne à l’enracinement de la démocratie, le 25 avril 2017 j’ai amicalement adressé au Président du Faso Roch Marc Christian KABORE, une correspondance dans laquelle je lui ai signifié, que sans une culture de la démocratie pour avoir des élections honnêtes, son successeur risquait de ne pas sortir des urnes, car aucun des trois Présidents élus avant lui, n’avait su ou pu transmettre le pouvoir à un successeur élu.

Malheureusement, le Président Roch KABORE a écouté ses thuriféraires pour se faire réélire en novembre 2020 lors d’un scrutin au rabais, et finalement être contraint le 24 janvier 2022 à donner sa démission au Président du MPSR, et non au Premier Ministre ou au Conseil Constitutionnel ou encore à la presse à l’instar du Président Blaise COMPAORE.

Force est de constater que si le Président Roch KABORE est resté sourd aux arguments de loi des civils qui, depuis des années demandaient sa démission pour son incapacité de garantir l’intégrité du territoire, les membres du MPSR ont eu l’avantage par le crépitement d’armes de guerre, à l’en convaincre facilement en seulement 24 heures.

En tant que citoyen fermement attaché au respect de la Constitution, j’estime que cette dévolution du pouvoir d’Etat au Président du MPSR n’a pas suivi la voie constitutionnelle normale.

Cependant, vu le mutisme carpien observé jusqu’aujourd’hui par le Conseil constitutionnel qui est l’institution compétente en la matière, et vu l’ambition déclarée du Président du MPSR de fédérer l’ensemble des énergies de notre pays pour la sauvegarde de notre peuple par la restauration de l’intégrité du territoire, j’avoue que l’avènement du MPSR peut être une opportunité pour véritablement engager le processus de refondation de notre nation.

Je tiens à rappeler que dans un élan patriotique désintéressé, j’ai animé une conférence de presse le 13 février 2020, pour annoncer mon retour en politique de façon citoyenne, c’est-à-dire non partisane, en déclarant que, je cite « Quittes à ce que l’histoire me donne tort cette fois-ci, je reprends la jouissance pleine de mes droits et libertés constitutionnels en commençant par exprimer mon opposition à la tenue d’élections avant que le Burkina Faso ne recouvre l’intégrité de son territoire » fin de citation.

Deux ans après, c’est le MPSR qui me donne raison dans la douleur des pertes en vie humaines. Mais à l’époque, l’APMP et le Cadre de concertation du CFOP, deux structures sans existence légale, sous la houlette de Simon COMPAORE et Zéphirin DIABRE, tous obnubilés respectivement par la Présidence de l’Assemblé nationale et la Présidence du Faso, ont imposé à l’ensemble des autres politiciens sans scrupule, la tenue des élections couplées sur un territoire dont 17,70% étaient alors occupés par les terroristes.

Pour montrer mon opposition farouche à la tenue d’élections dans ces conditions, j’ai, engagé des procédures légales sans succès, à l’Assemblée nationale, au Conseil constitutionnel et auprès du Président du Faso Roch KABORE. A l’évidence, ces institutions ont toutes failli à leurs devoirs constitutionnels :

- l’Assemblée nationale en adoptant la loi ordinaire N°034-2020/AN du 25 août 2020 dont les dispositions des articles 50, 122.2, 148, 155 et 236 portant sur la nature du suffrage, violent celles des articles 31, 33, 37 et 80 de la Constitution ;

- le Conseil constitutionnel en autorisant la tenue des élections couplées de 2020 par la Décision N° 2020-001/CC/EC du 24 octobre 2020, et en validant ces élections par la Décision N° 2020-002/CC/EC du 13 décembre 2020, tout ça dans le non respect des dispositions des articles 31, 33, 37 et 80 de la Constitution.

- le Président du Faso Roch KABORE en violant son serment par la promulgation de cette loi N°034-2020/AN dont des dispositions sont contraires à celles de la Constitution, et en se rendant coauteur de l’abandon de 17,70% du territoire alors occupés par les terroristes.

Pour ces deux actes constitutifs de haute trahison aux termes du Code pénal, j’ai introduit, depuis le 13 décembre 2021, une procédure régulière contre le désormais ex-Président du Faso Roch Marc Christian KABORE en vertu des dispositions pertinentes de la Constitution et de la loi organique n°20/95/ADP ensemble son modificatif n°017-2015/CNT sur la Haute Cour de Justice.

Aujourd’hui, face à l’abandon de plus de la moitié du territoire par les institutions républicaines défaillantes, il est dommage mais concevable, que des citoyens en armes se sentent interpelés par le devoir de leur métier, et adoptent la « désobéissance militaire » pour tenter d’éviter la déliquescence de la nation.

Maintenant que ces citoyens en armes ont les rênes du pouvoir d’Etat, qu’ils se donnent les moyens dans un délai raisonnable, pour recouvrer l’intégrité de notre territoire, avant tout retour à l’ordre constitutionnel normal duquel le Burkina Faso est sorti depuis le jeudi 30 octobre 2014 avec l’incendie criminel des locaux de l’Assemblée nationale.

J’exhorte donc le Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo DAMIBA Président du MPSR, à se hâter lentement pour porter les habits de Chef d’Etat dont il s’est procuré, afin de pouvoir tenir les engagements pris lors de son adresse à la nation le 27 janvier 2022.

Cette appréciation mitigée de la part du partisan de l’application rigoureuse de la Constitution que je suis, est la préférence du moindre mal au pire.

« Ne m’en voulez pas »

Harouna DICKO

Source: LeFaso.net