Décédé le 16 janvier 2022, les obsèques nationales du président Ibrahim Boubacar Keita renversé par la rue et les militaires auront lieu le 21 à Bamako. La junte réussira-t-elle à en faire une occasion de prendre langue avec les chefs d’État de la CEDEAO pour lever l’embargo ne serait-ce que pour que ses « frères et amis » puissent assister aux funérailles et profiter pour renouer les fils du dialogue ? Que retenir de celui qui s’en va ? Quel est le testament politique de l’ancien Premier ministre d’Alpha Omar Konaré ?
Le temps est le souverain roi. Il nous apporte et nous enlève tout : l’amour, la haine, le pouvoir, la chute, la paix et la guerre, les amis et les ennemis, tous arrivent et s’en vont un jour. Ibrahim Boubacar Keita est décédé le 16 janvier 2022 à Bamako. Il s’en va au moment au moment où le Mali va toujours mal, lui qui promettait en 2013 de refonder le pays et de ramener la paix et la concorde (sans rébellion touareg).
La junte militaire qui a chassé Ibrahim Boubacar Keita le 20 août 2020 va lui offrir des funérailles nationales, selon Jeune Afrique. Difficile de lire le message que le pouvoir malien adresse au peuple malien et au monde avec la récupération politique des obsèques du dernier président élu du Mali. Une chose est certaine, IBK est aimé du côté de la France, avec l’hommage du dernier président socialiste français, François Hollande, et au Mali bien au-delà des cercles proches du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti qu’il a fondé.
On se bagarre rarement sur un cercueil. L’enterrement d’IBK sera une pause dans l’escalade du conflit CEDEAO-Mali, c’est sûr.
Premier ministre de 1994 à 2000
Ibrahim Boubacar Kéita est un militant de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) où il a rencontré certains qui, comme lui, se sont assis dans le fauteuil présidentiel, comme Alpha Condé en Guinée. C’est Alpha Omar Konaré qui l’a pris sous son aile protectrice et lui a mis le pied à l’étrier en le nommant Premier ministre (1994-2000) et en le gardant six ans, ce qui lui a permis de se faire connaître. Mais il lui faudra trois tentatives pour avoir la caution des urnes pour monter sur la colline du pouvoir de Bamako, à Koulouba en 2013.
Auparavant, il s’est brouillé avec son mentor et son parti l’ADEMA pour n’avoir pas été désigné comme le candidat du parti en 2002. Il semble avoir gardé une dent contre le très sympathique Konaré au charisme et à l’humilité reconnus. IBK, durant ses deux mandats, s’est même rapproché du dictateur Moussa Traoré, mais ne s’est pas affiché avec celui qui reste le seul président malien à avoir fait ses deux mandats et transmis le pouvoir à son successeur élu.
IBK a vendu aux Maliens l’image d’un homme de poigne, de vérité et de justice. L’homme de poigne dans un contexte de crise sécuritaire sous entendait qu’il mâterait les rebelles et chasserait les groupes terroristes du pays. Le bilan au plan sécuritaire a été mitigé. L’accord d’Alger signé avec certains groupes armés et qu’il n’a pas pu appliquer est son oeuvre.
Il a voulu négocier avec les groupes terroristes maliens mais les alliés français s’y sont opposés. 2013-2020, c’est six ans qu’il passera à la présidence avant que les manifestations conduites par un iman -dont il était proche- et l’opposition ne conduisent l’armée à le démettre pour sa gouvernance avec des griefs, entre autres, de corruption sur son régime et d’échec à améliorer la situation sécuritaire du pays.
L’amoureux des lettres et de la sape aura une dernière élégance quand la CEDEAO élevait le ton contre le putsch, de demander qu’aucune goutte de sang ne soit versée pour son maintien au pouvoir. Assimi Goïta et ses amis rendront le meilleur hommage à IBK en prenant à leur compte cette pensée profonde, nationaliste, panafricaine et d’amour inconditionnel du peuple qui met au-dessus de tout le respect de la vie humaine, pensée qui refuse tout pouvoir tâché de sang. C’est ce que IBK a fait pour le Mali, c’est ce que tous ceux qui aspirent au pouvoir et ceux qui y sont devraient faire.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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