Il est le fondateur et le directeur général de Mamboné distribution, une société de production, d’édition et de distribution d’œuvres musicales et audiovisuelles. Omar Mambone, c’est de lui qu’il s’agit, a accordé une interview à Lefaso.net. Au menu des échanges, il a été question entre autres, des services proposés par la structure, de la numérisation du secteur de la distribution, et des difficultés rencontrées.

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter ?

Omar Mamboné : Je suis Omar Mamboné, directeur général de Mamboné distribution qui est une société de production, d’édition et de distribution d’œuvres musicales et audiovisuelles.

Depuis quand êtes-vous dans la distribution de musique ?

J’ai travaillé au sein de la structure Dankan production de 2004 à 2006 en tant que manager général. Les œuvres musicales que nous avons produites ont rencontré des problèmes d’édition et commercialisation. C’est ainsi que j’ai mûri l’idée de Mamboné distribution que j’ai fini par créer officiellement en avril 2007.

En quoi consiste précisément votre travail ?

J’ai débuté les activités de Mamboné distribution par la vente « corps à corps », en allant à la rencontre des mélomanes pour leur proposer des cassettes et des CD de musique. Je profitais également des différents spectacles pour vendre ces œuvres. Puis, nous avons installé des points de vente à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Notre ambition est de se déployer dans les 13 régions du Burkina afin de conquérir un plus grand marché.

Quels sont les produits, les prestations que vous offrez aux clients ?

Nous distribuons des œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques sur plusieurs supports. Nous collaborons avec des maisons de production burkinabè, africaines et européennes. Vous trouvez désormais chez Mamboné distribution, des œuvres littéraires africaines et d’ailleurs.

Est-ce une activité rentable ?

La production, l’édition et la distribution sont des secteurs d’activités très rentables si elles sont bien organisées, avec un modèle économique bien structuré.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Les difficultés auxquelles nous sommes confrontées sont d’abord d’ordre général avec la crise sanitaire et sécuritaire que vit notre pays depuis quelques années. Au niveau spécifique du secteur, il s’agit des difficultés de structuration et de financement.

Les supports et les formats de distribution de la musique ont beaucoup évolué ces dernières années ; quels sont les changements que vous avez observés ?

En effet, avec l’arrivée du numérique, les supports d’édition et de distribution de nos œuvres ont connu de nombreuses mutations. Les ventes de VHS, CD et DVD ont drastiquement baissé au profit de vente sur des plateformes digitales et numériques. Quelques années plus tard, paradoxalement, ce phénomène a suscité une nostalgie des œuvres et anciens supports. Par exemple, il y a de plus en plus de demandes de disques de vinyle (33 tours, 45 tours).

Pour nous adapter, nous avons aussi mis de la musique sur des clés USB à la demande des clients. Si les conditions sont réunies, nous allons, avec l’accord des artistes, produire des clés USB personnalisées pour les mettre en vente. Nous avons aussi un projet de mise en place du streaming pour permettre aux acheteurs de payer directement des œuvres originales à partir d’une plateforme sécurisée.

Comment avez-vous vécu ces changements ?

Comme au début de tout changement, nous avons été réticents. Puis nous avons très vite compris que c’est quelque chose qui allait s’imposer à nous et au marché. Nous avons travaillé donc à nous adapter et nous continuons de développer des projets dans ce sens.

Le numérique a-t-il eu un impact particulier sur votre travail ?

Le numérique a joué un grand rôle dans la mutation de ce secteur et il continue d’ailleurs de jouer un rôle important au niveau de notre méthode de travail, de la distribution et au niveau des formats de ces supports. Le numérique a donné une autre ampleur à la piraterie et à la diffusion de contenus culturels. Mais grâce à la formation, nous avons su nous adapter. Nous avons su identifier notre modèle économique. Et aujourd’hui, nous appréhendons le numérique comme un atout plutôt qu’un handicap. Grâce au numérique, je peux résider à Ouagadougou et proposer un contenu culturel en Chine, au Canada et partout dans le monde.

Que pensez-vous du secteur de la distribution musicale au Burkina Faso ?

Le secteur de la distribution musicale au Burkina Faso est très embryonnaire. Ce qui a poussé beaucoup de doyens du domaine à se reconvertir dans d’autres secteurs d’activités. Je profite de cette tribune pour rendre hommage à des ainés tels que Bazar Music, Dankan production, Seydoni production, Moussa CVD, Senghor distribution, etc. Il faut noter que la distribution musicale est un maillon important de la filière musique. Au-delà de l’aspect économique, c’est le véhicule qui conduit et fait voyager notre musique, notre patrimoine, notre culture un peu partout dans le monde. C’est dans cette logique qu’en France par l’exemple l’État a travaillé à mettre en place un fonds des disquaires qui, justement, a permis au secteur de la distribution en France de faire face aux défis.

Les professionnels eux-mêmes savent-ils s’adapter aux changements que vit le secteur ?

Bien sûr que nous pouvons nous adapter, c’est pourquoi Mamboné Distribution existe encore aujourd’hui. Nous avons suivi les formations qui conviennent. Ce qui manque à notre secteur, c’est la structuration, l’accompagnement technique et financier. Cela est le rôle régalien de l’administration publique.

Que pensez-vous de l’accompagnement de l’Etat ? Existe-t-il ? Est-il efficace ?

Je dirai que l’accompagnement de l’État au niveau du maillon de la distribution au Burkina est insuffisant. Le ministère de la Culture a pratiquement tourné le dos à la filière d’où la disparition de la quasi-totalité des opérateurs de ce secteur. Par exemple, en France, dans le cadre des activités de relance de l’économie, ils ont mis en place le fonds d’aide à la création ou à la reprise d’activité de disquaires indépendants. Ce genre de dispositifs d’accompagnements est manquant dans les politiques culturelles de nos États. Peut-être parce que nous ne comprenons pas encore la portée de ce secteur que je qualifiais de véhicule de notre identité musicale et culturelle.

La pandémie du coronavirus joue-t-elle aussi sur ce secteur ?

Tout comme les autres secteurs d’activités, le maillon de la distribution a été impacté négativement par la pandémie de la maladie à coronavirus. Tout le monde pensait à la santé. Cela a naturellement eu pour effet des méventes. Des nouvelles sorties discographiques à cette période sont passées inaperçues, des investissements à perte, une baisse drastique du chiffre d’affaire. Mais il faut noter que le secteur de la culture était déjà éprouvé par la crise sécuritaire que connaît notre pays depuis quelques années.

Quelles solutions proposez-vous pour redynamiser le secteur ?

Comme solutions, nous proposons primordialement la formation des acteurs de la distribution afin de faire comprendre davantage les nouveaux enjeux et défis du secteur. Ensuite, il faut organiser et renforcer les capacités de ces acteurs en moyens matériels, techniques et financiers afin de répondre aux besoins du marché actuel, tant au niveau national, régional qu’international.

Samirah Bationo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net