Le président Idriss Deby Itno est mort ce mardi 20 avril 2021, des suites des blessures au combat dans la région de Kanem, a annoncé un communiqué lu à la Télévision tchadienne. Ce deuil qui frappe le Tchad a des répercussions dans les pays riverains du lac Tchad et au Sahel.
Deby Itno a imposé le Tchad comme une puissance militaire africaine par la vaillance des troupes engagées sur plusieurs fronts en Afrique et par une diplomatie offensive de promotion de cadres tchadiens dans le management des organisations régionales et continentales. Quelles sont les conséquences de ce départ brusque et brutal de celui qui a voulu qu’on retienne de lui, l’image du guerrier qu’il était ?
Le maréchal du Tchad, qui a pris le pays par les armes, est parti par les armes après avoir gagné une élection présidentielle, la veille (ses principaux adversaires n’ayant pas pu se présenter). Les tchadiens ont découvert Deby en 1982, comme second d’Hissen Habre, ancien rebelle toubou, adepte de la prise d’otages contre rançon, précurseur en Afrique du trafic d’êtres humains dont Al Qaéda va abuser.
Comme les rebelles, contre lesquels il a perdu la vie, Deby est venu du Nord comme un vent chaud du désert, qui dévaste tout sur son passage et s’est emparé de N’Djaména en 1990, provoquant la fuite de Hissen Habre au Cameroun voisin d’abord et puis au Sénégal à bord d’un avion du pays qu’il a emporté, entre autres actes de prédation.
Le maréchal meurt en guerrier
Même si Déby organise selon son goût des consultations électorales, il régnait par la terreur et dans la crainte de forces rebelles débarquant de la Lybie ou du Soudan pour le chasser. Ces colonnes de forces armées hostiles à son régime ont plusieurs fois été proches de prendre le pouvoir. Deby ne sauvant sa tête et son pouvoir que grâce à l’intervention militaire française.
Deby ne cachait pas son amour pour le pouvoir militaire. Il venait juste de se faire attribuer par l’Assemblée nationale en août 2020, lors des célébrations des soixante ans d’indépendance du Tchad le titre désuet de maréchal, qui rappelle des précédents calamiteux comme ceux de Bokassa, Amin Dada etc.
Même si l’on peut trouver cette distinction surannée, Deby est un seigneur de guerre, qui a pris N’Djaména et le pouvoir par les armes et a régné trente ans par eux. Il est auréolé du titre de chef de l’armée la plus aguerrie dans le cadre du G5-Sahel, avec ses troupes intervenant au Mali, au Niger. Le Tchad est le champion toutes catégories de la lutte contre les groupes terroristes du continent. Ses troupes se battant contre Boko Haram dans la région du Lac Tchad (Tchad, Cameroun, Nigéria, Niger) contre Al Qaeda et ses groupes franchisés et l’État islamique au grand Sahara, au Mali, Burkina et au Niger.
Le maréchal du Tchad meurt en soldat, non dans le calme, le luxe et la volupté d’un palais présidentiel, mais sur un champ de bataille contre des forces armées rebelles, où rien ne l’obligeait à y mettre les pieds.
Le fait qu’il soit mort au combat montre que les combats au Kanem n’étaient pas une partie de plaisir. L’armée tchadienne ayant annoncé plus de trois cent rebelles tués, et cinq soldats morts. Le chef de l’État tchadien y a participé activement, pour galvaniser sans doute la troupe prenant des risques, pour combattre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT). Lesquels avaient annoncé hier dans la confusion qui régnait à N’Djamena avoir totalement libéré la région du Kanem.
Le communiqué qui annonce le décès de Déby consacre la prise du pouvoir par un Conseil militaire de transition de 15 membres, qui a dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale, et jeté à la poubelle les résultats proclamés de l’élection de Déby. Une transition de 18 mois à l’issue de laquelle des élections seront organisées, est annoncée.
Le Conseil militaire de transition est dirigé par Mahamat Idriss Déby Itno, le fils du président défunt. Le Tchad est confronté depuis l’assassinat du père de l’indépendance, Ngarta Tombolbaye, à des dictatures renversées par des rebellions. Mais l’histoire du Tchad est marquée par l’intervention des puissances régionales (Libye du colonel Kadhafi, Soudan) et internationale (France) qui se servent des groupes rebelles.
Nous assistons à une succession dynastique avec la prise du pouvoir par le fils de Déby. Le maréchal a rendu son dernier souffle, le chef est mort, mais le régime Deby est toujours là, confronté à une rébellion et à une opposition civile et une population qui est lasse de la guerre et des rebellions et qui n’a pas bénéficié de l’exploitation du pétrole.
Le Sahel perdant !
Les conséquences de cette tragédie se feront ressentir au-delà du Tchad. Les groupes terroristes au Sahel et dans la région du Lac Tchad vont casser le jeune du ramadan dans la joie, avec la mort de leur plus intrépide adversaire, qui leur a déclaré la guerre sur tous les champs de combat en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Avec la menace qui pèse sur N’Djaména, les nouveaux dirigeants ne vont–ils pas rappeler les hommes du front extérieur en poste au Mali et au Niger pour revenir au pays défendre le régime ?
Que s’est-il passé dans cette bataille ? Pourquoi Paris qui par le passé, comme en 2008 et 2019 faisait intervenir ses mirages, n’a rien fait contre ses rebelles ? Déby a-t-il été victime d’un coup de palais, à la faveur de sa venue sur le théâtre des opérations ?
Au G5-Sahel, c’est la veillée pour savoir ce que va devenir cette force militaire sans les tchadiens ? Si les troupes tchadiennes rentrent chez eux, il y a fort à parier que les groupes terroristes et criminels qui écument la région du Liptako Gourma vont essayer d’en profiter.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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