Le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a organisé, les 22 et 23 janvier 2021 à Ouagadougou, un atelier de formation de femmes et jeunes filles venues de sept régions du Burkina. Il s’est agi de renforcer leurs capacités afin qu’elles puissent participer efficacement à la lutte contre l’extrémisme violent et à la prévention du phénomène.

Une des participantes à la formation, qui dit avoir acquis de nombreuses connaissances en matière de sécurité, est revenue sur la situation dans sa localité. « Nous avons compris par exemple que quand on parle de sécurité, il ne s’agit pas seulement de nos Forces de défense et de sécurité ; elle englobe toute la population. Vu que nous sommes dans un contexte d’insécurité, où des zones sont totalement dégradées, nous pouvons aussi être des maillons de sécurité et de paix », apprécie la participante, dont nous faisons fi de l’identité.


Plain-pied dans la vie au quotidien dans sa localité, elle témoigne, la voix nouée : « Nous vivons des situations dégradantes. Lorsque vous êtes d’une certaine communauté, vous ne pouvez plus vous déplacer sans qu’on ne vous taxe de terroriste. Vous ne pouvez pas vous exprimer comme vous voulez, ni intervenir dans un débat sans qu’on ne vous qualifie de terroriste. Pourtant, ces mêmes communautés subissent la même foudre terroriste. Quand vous vous levez un matin et voyez des familles qui, auparavant, comptaient par exemple des centaines de têtes bœufs, se retrouver sans rien, se retrouver dans un vide total, ça fait très mal. Quand vous regardez tous ces enfants dans le vent, le froid, le soleil, sans abri, sans vêtements ni nourriture, le minimum, c’est très triste et nous invitons les bonnes volontés, à commencer par nos autorités, à prendre les décisions nécessaires pour sauver ces milliers de personnes. C’est vraiment un cri de cœur que je lance ».


A l’issue de cette formation et de retour dans sa localité, elle compte mettre en place des cadres de concertation pour ensemble trouver des solutions et également aider les déplacés internes.

Selon Asseghna Anselme Somda, chargé de programme au CGD et chargé de programme au Fonds commun genre, cette formation s’inscrit dans le cadre d’un projet financé par plusieurs partenaires, dont le CGD a la responsabilité de la mise en œuvre de certains volets. Plusieurs activités ont, à cet effet, été initiées en vue de renforcer la participation de la femme et de la jeune fille à la gouvernance du secteur de la sécurité, notamment sa consolidation. « Le projet vise à renforcer la participation de la femme et de la jeune fille à la paix et à la sécurité. Comme c’est une initiative adressée à cette frange de notre société qui, parfois, est marginalisée dans tout ce qui est prise de décision, processus sur les questions relatives à la paix et à la sécurité, le programme a vraiment décidé de les ‘‘capaciter » pour qu’elles soient davantage aptes à prendre part au processus de construction de la paix et à la sécurisation dans notre pays », explique le chargé de programme, M. Somda.

Asseghna Anselme Somda.

« Faire d’elles de vraies actrices de paix au Faso »

Elles étaient une trentaine de participantes venues de sept régions, dont le Centre. Elles viennent de localités non seulement frappées par l’insécurité, mais également de régions non-touchées par le phénomène. Plusieurs modules ont été développés à l’intention de ces leaders. Il s’agit de la gouvernance et des réformes du secteur de la sécurité, l’intérêt des réformes, les Résolutions 1325 et 2250 des Nations-Unies sur la participation des femmes et de la jeunesse à la paix et à la sécurité.

Le directeur exécutif du CGD, Dr Thomas Ouédraogo et la modératrice, intervenant sur un des modules

« Pour qu’elles puissent participer efficacement, il va de soi qu’elles puissent d’abord bénéficier d’un renforcement de capacités. Ce que nous venons de faire ici comme formation, c’est une sorte de pépinière constituée de femmes et de jeunes filles sur la gouvernance de la sécurité, que nous avons mise en place et qu’on vient de renforcer. Donc, elles vont recevoir d’autres formations sur bien d’autres domaines, pour que cette pépinière-là puisse vraiment servir dans toutes les régions en vue de permettre aux autorités en charge du secteur de la sécurité de les impliquer et surtout de faire en sorte à ce qu’il y ait une pleine participation dans ces processus. Dès leur retour dans leurs régions de provenance, elles vont essayer d’abord de faire un partage des connaissances avec les clubs de femmes et de jeunes filles qu’on a créés dans toutes ces régions où nous intervenons. Elles vont également engager des actions. Nous leur avons fait élaborer, dans ces zones, des plans d’action. Donc, une fois de retour, elles vont mettre en œuvre les activités qui ont été identifiées par elles-mêmes dans le cadre de leur plan d’action pour qu’on puisse sentir, dans ces localités, une pleine participation des femmes et des jeunes filles à la résolution des problèmes de sécurité que notre pays connaît. Leur participation est importante, d’autant qu’on ne se rend pas suffisamment compte que la femme peut jouer un rôle fondamental dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent ; malheureusement, elles ne sont pas suffisamment impliquées », explique celui qui fut le président de la Commission des affaires sociales et du développement durable sous le Conseil national de la transition (CNT), Asseghna Anselme Somda. Ce projet contient, précise-t-il, un mécanisme de pérennisation ; de sorte qu’à terme, les bénéficiaires puissent poursuivre les activités.

La modératrice des échanges, Sally Nébié, par ailleurs secrétaire générale de Think Tank Burkina International, loue cette initiative par laquelle des femmes et jeunes filles leaders ont été outillées aux instruments internationaux et nationaux relatifs à la paix.

Sally Nébié, modératrice des communications.

« Nous sommes dans un contexte de violences exacerbées, dont sont victimes les populations, avec plus d’un million de personnes déplacées. Il faut vraiment mobiliser les communautés, parce qu’elles restent le maillon fort de la prévention pour contrer la radicalisation et l’extrémisme violent. C’est essentiel et on devrait amplifier ce type de démarche qui remet les communautés au cœur de la prévention. Des communautés outillées et bien entraînées à prendre en charge cette composante de la lutte contre le terrorisme. (…). Ce sont ces outils puissants dont la maîtrise fera d’elles de vraies actrices de paix au Faso et de véritables moteurs de changement dans leurs communautés respectives », scrute la spécialiste en Femmes, paix et sécurité, et des questions liées à la contribution des communautés à la prévention de l’extrémisme violent et le terrorisme.

Il est désormais attendu de ces bénéficiaires qu’elles usent des langues locales, en plus du français, pour passer le message à travers les actions qu’elles vont dérouler sur le terrain, projette la modératrice Sally Nébié.

O.L

Lefaso.net

Source: LeFaso.net