Maintes analyses et critiques ont émaillé la crise qui sévit depuis quelques années dans les pays concernés par la « zone des trois frontières ». Aux risques d’un dialogue de sourds, les Subsahariens ont traduit par des ripostes armées sans précédent dans l’histoire des conflits de cette région, leurs déterminations à « punir et juguler » une crise qui pourrait s’éterniser. Seraitce une « guerre spirituelle » qui révèle à quel point « gérer » l’extrémisme religieux ou la déception socioculturelle d’une partie du Sahel, représente à lui seul tous les défis de l’Afrique contemporaine ?
L’« Afrique occidentale » et la dislocation des liens communautaires des nomades sahéliens
La guerre, selon le mot des sages africains est toujours une « longue histoire » et il est permis de rajouter que toute guerre est une guerre des riches. La palabre des pauvres, on le sait, ne dure pas… Dans le grand fracas des armes sophistiquées, des massacres aveugles et des populations déplacées se distinguent des enjeux qui n’échappent pas à l’œil averti. Les pays de l’ouest-africain perdent du terrain dans leurs propres champs culturels et communautaires, et c’est à cet endroit-là que naissent toutes leurs déficiences.
Faut-il donner raison aux historiens africains qui n’ont pas hésité à reconnaître dans ces rixes fratricides le déclin d’une unité interculturelle que ne cessent d’envenimer chaque jour les violences intercommunautaires, sources de luttes intestines à l’infini. « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. » Au Burkina Faso, particulièrement, c’est l’Union fraternelle des croyants (UFC-Dori) qui est l’organisation faîtière des mouvements pro communautaires3. Un engagement prophétique certes, toutefois dépassée par des « puissances internationales » aux intérêts profondément divergents.
Les pays de l’Afrique de l’Ouest, à l’instar d’autres régions du continent noir, paieraientils cher soixante ans de développement séparés où les cités urbaines et « les cols blancs » qui les bâtissaient ignoraient tout (ou presque), que l’Afrique est d’abord une « Afrique des villages » ? Ce qui présuppose qu’on se développe ensemble ou on périt ensemble. L’unité culturelle, loin des folklores dithyrambiques des foires modernes, expose ses plaies et ses conséquences chez des Africains qui ont oublié l’essentiel : les grands royaumes se rencontrent ou s’entre-déchirent dans le « pays réel ».
Le jeu colonial a causé des brèches saignantes qui coulent de nos jours dans les crevasses endolories des populations rurales. La « balkanisation » excessive implémentée par les anciennes
puissances impérialistes, et emboîtée par les « fonctionnaires modernes » a plongé (Dieu seul connaît la fin.) des entités culturelles dans le pari des dividendes contraires et mortifères de la géopolitique régionale africaine. Ces paris, furent-ils impératifs, ne devraient-ils pas faire place à la gestion locale des conflits ? Il est évident que ce sont les populations d’en bas qui en paient le plus lourd tribut.
La terre, les Hommes et la République des intellectuels africains : entre promesses et discours.
Si rupture il y a, les communautés rurales savent comment elle est profonde entre l’Afrique des villes et celle des campagnes. Depuis l’ère coloniale (encore vivace dans l’esprit de ceux qui l’ont connu) plusieurs Afriques se côtoient sans se mélanger. Les intellectuels africains ont conquis la « gouvernance » des peuples noirs, parfois au détriment de leurs propres cultures. Le rythme est donné et les années se succèdent sans grand-angle dans l’objectif de sortir du « marasme » de tous les noms imputés à un continent qui n’existe que peu sur l’échiquier mondial. L’Afrique occidentale et ses « guerres caverneuses » donnent à réfléchir.
C’est le cas de le dire : « Ce sont les Africains qui ont poussé à bout cette violence et ses pseudo-raisons imputées aux religions… », entend-on avec dépit. Le « bouc émissaire », dans tous les cas, fut tout trouvé dès les premières heures des attaques meurtrières sur fond de « djihadisme » omniprésent et pernicieux. Cependant, on ne trompe pas les « croyants » qui savent reconnaître les siens et juger du bon grain de l’ivraie.
Les « vrais soldats de Dieu » ne croisent pas le fer, mais la calebasse de la fraternité…
Si la république existe, les communautés et leurs manières de s’autogérer, doivent doublement exister pour la rendre légitime et utile. L’abandon ou la sous-estimation des forces communautaires n’a pas rendu service aux politiques africaines. Nul n’est besoin de rappeler que le virage des années « Bonnes gouvernances » et démocraties a charrié avec lui les résistances rurales (et les chefferies traditionnelles), forcées à devenir des partenaires politiques ou à s’exiler.
Il semble, au regard de l’histoire, qu’elles finirent par se taire… en attendant d’avoir raison.
Depuis l’échec et les bourbiers à répétition des politiques de « sécurisation » ou de « pacification » des contrés africaines endolories par de vaines promesses, autant l’Afrique que l’Occident impliqué dans cette « géo dégradation » incertaine, ont « osé » prendre la bonne décision, celle d’envisager une négociation dans le Sahel des belligérants . À long terme, cette orientation donnera son fruit. Si les armes sont tenaces, les communautés en dialogue sont tout autant dans la résilience. Dialoguer est toujours une « bonne nouvelle » si l’on confirme que des pourparlers sont en cours pour trouver un terrain d’entente dans le creux des dunes de sable longtemps empourprées de sang et de larmes.
Cette nouvelle approche représente à coup sûr le futur pacte de « non-agression » qui sonnera les cloches d’une paix en voie de développement au cœur des populations sahéliennes
qui n’attendent que la « reddition mutuelle » de toutes les parties compromises de près ou de loin dans ces hostilités destructrices.
La terre, les Hommes et la République africaine ont une promesse à tenir : il s’agit de rendre au Sahel et à l’Afrique sa sérénité et son avenir, à la manière des chrétiens qui célébreront bientôt la fête de Noël, cette année où le Corona virus et ses menaces n’empêchent pas d’espérer en des lendemains meilleurs. La spiritualité des croyants et des communautés, les négociations avisées et l’apaisement des identités ne sont pas une fiction , elles sont sans doute aux portes de ceux qui savent dire « Inch’allah » la paix est toujours possible.
Neree zabsonre Journaliste
Membre-Union de la presse francophone (UPF).
Source: LeFaso.net
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