Député à l’Assemblée nationale, Odagou Goula vit très mal la crise sécuritaire qui sévit au Burkina Faso. Dans sa province d’origine, la Komondjari (région de l’Est), des villages sont devenus inaccessibles à cause de l’insécurité. La crise alimentaire est réelle. Mais loin de peindre l’avenir en noir, le député invite chaque Burkinabè à assumer ses responsabilités, pour que le pays puisse relever la pente. Interview.
Lefaso.net : Quel est l’état des lieux en matière de sécurité dans la province de la Komondjari ?
Odagou Goula : Il y a une sorte d’accalmie ; c’est une accalmie précaire, étant donné que sur trois communes, nous avons deux communes qui sont sous l’emprise des terroristes. Ni l’administration, ni les leaders n’y résident. Mais la commune, chef-lieu de la province, est réduite au centre de Gayéri, parce que les villages sont inaccessibles. Les élus locaux, les Comités villageois de développement (CVD) sont revenus au centre à Gayéri.
On parle de l’implication des populations dans la lutte contre l’insécurité. Comment faire ?
Encourager les populations à s’engager dans la lutte, c’est d’abord les amener à prendre conscience que leur participation effective dans la lutte contre le terrorisme va être déterminante pour notre victoire prochaine. Je ne dis pas trop lointaine. Maintenant, il faut s’assurer que lorsqu’on s’engage, on peut bénéficier d’un certain nombre de soutien, sur le plan moral et sur le plan matériel.
Je n’ai pas dit qu’il faut prendre en charge ceux qui vont s’engager, qu’ils s’assurent qu’ils peuvent avoir des équipements nécessaires tout de suite et maintenant. Et que lorsque les gens s’enrôlent, qu’on ne prenne pas beaucoup de temps avant que les gens s’engagent sur le terrain. Très souvent, le temps d’attente, s’il est long, les renseignements font que véritablement, certains qui désirent s’engager s’inquiètent qu’on puisse s’en prendre à eux avant qu’ils commencent leurs activités de Volontaire de défense de la patrie.
C’est vrai que l’armée explique toujours qu’il faut des enquêtes de moralité avant que les gens s’engagent, mais il faut que cette enquête puisse s’accélérer de manière à ce que ceux qui s’inscrivent, ceux qui se font enrôler puissent s’engager véritablement et qu’ils aient les moyens de se défendre au plus tôt, pour vraiment les mettre à l’abri de toutes sortes d’attentats, de toutes sortes de poursuite de la part des terroristes.
On parle de déficit de nourriture. Comment faciliter l’accès des ONG à ces zones ?
La crise alimentaire est réelle dans la région, dans ma province, la Komondjari. Il y a beaucoup de déplacés à Gayéri. Le CONASUR (Conseil national de secours d’urgence et d réhabilitation) n’intervient pas directement, mais au travers des ONG qui ont repris l’activité d’assistance. Mais il se trouve qu’il y a des localités qui sont difficilement accessibles, de sorte que ces ONG n’ont pas accès à ces zones, notamment la commune de Bartiébougou et celle de Foutouri où véritablement, quand vous disposez de vivres, il très difficile d’assister la population.
Vous vous souvenez que j’avais posé la préoccupation de Tankoalou et de Foutouri : on avait des vivres à Gayéri depuis plus de huit mois, mais on n’avait pas la possibilité d’envoyer les vivres à ces localités-là. Donc, la pénurie fait que les populations sont meurtries, elles souffrent énormément. Maintenant, il faut organiser ces ONG et leur accorder l’appui nécessaire pour leur permettre de mener à bien ce rôle d’assistance humanitaire et alimentaire aux populations.
Votre dernier message
Mon message est un message de compassion aux Forces de défense et de sécurité qui ont subi plusieurs attaques et ont perdu leurs camarades. Je souhaite que la population locale leur apporte son soutien. Quoi qu’on dise, le rôle du militaire, ce n’est pas un salarié ; c’est quelqu’un qui s’engage pour une cause et qui prend des risques pour la nation. C’est pourquoi, il doit mériter tout le respect dû à son engagement, dû au risque qu’il prend vis-à-vis des populations. Nous, peuple du Burkina, nous devons soutenir notre armée, réhabiliter notre armée de telle sorte qu’elle se sente au centre de notre sécurité, au centre de la défense de notre patrie.
Pour ce qui est du gouvernement, il faut qu’on continue la coordination des actions des différents départements, de sorte que les questions de sécurité, les questions d’assistance alimentaire et tous les autres pans puissent être cordonnés de manière à insuffler une certaine dynamique qui permette aux uns et aux autres de se retrouver et de pouvoir s’épanouir. On sait que la situation est difficile, mais on peut atténuer la souffrance des uns et des autres. Pour les populations, il faut que nous ayons le courage d’affronter certaines difficultés, que nous ayons le courage d’affronter le danger. On sait que nos moyens sont dérisoires, mais si on est organisé, on peut venir à bout de ce mal.
A l’ensemble des Burkinabè, je veux dire que l’espoir est permis. Il faut nous assumer, chacun doit assumer ses choix. Que nous ne fassions pas la politique de l’autruche et qu’on n’aille pas dans la logique de la déresponsabilisation qui est celle qui fait penser que c’est l’autre qui est responsable et que, soi-même, on n’a aucune responsabilité à assumer ; de sorte que quand le pire va arriver, que chacun se rende compte qu’il aurait pu faire quelque chose.
Là, ce serait tard. Aujourd’hui, ce n’est pas encore tard, on peut relever la pente. Que chacun s’engage pour construire notre Faso, parce que personne ne pourrait s’épanouir, quels que soient les moyens qu’il aurait acquis, quel que soit le privilège qu’on lui aurait accordé, si le Burkina ne peut pas se conjuguer au futur très proche.
Interview réalisée par Edouard Kamboissoa Samboé
samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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