Le procès du recrutement frauduleux à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) a repris ce 23 juin 2020 au Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Le principal accusé dans cette affaire, l’ex-Directeur des ressources humaines (DRH), était encore à la barre. Il a encore confié qu’il ne savait pas que sa femme était candidate. C’est seulement à la proclamation des résultats qu’il a été surpris de voir le nom de la mère de ses enfants.

La correctrice des épreuves est formelle. Les notes qu’elle a données ne sont pas celles qui ont été affichées au final. Les copies ont été corrompues. Puisque sur chaque copie, elle a fait des annotations, « au Bic rouge ». Mais à l’arrivée, les copies n’avaient aucune annotation, et les notes qu’elle avait données sur les copies initiales ont été changées. A titre d’exemple, Natacha Zèda, la femme du directeur des ressources humaines à l’époque, avait eu 10 en dissertation. Mais avec les copies corrompues, elle s’est retrouvée avec la note de 13 sur 20.

S’en est alors suivi un débat de sémantique entre les avocats de la défense et celui de la partie civile dont la ligne de défense est soutenue par le parquet. Pour les conseils des présumés, la correctrice a bel et bien dit qu’elle peut se tromper. Du coup, Me Roger Yamba soutient que sa parole n’est pas parole d’évangile, encore que tout le monde ne croit pas en l’évangile.

Lui et ses confrères rappellent que c’est un débat de droit, et que par conséquent, il appartient à la partie qui poursuit d’apporter les éléments matériels qui prouvent qu’il y a eu substitution de copie. En clair, il faut présenter les copies sur lesquelles il y avait des annotations, celles en lesquelles la correctrice se reconnaît, pour qu’elles soient comparées aux copies finales. En plus, il faudra fournir la preuve de celui qui a procédé à la substitution des copies.

L’avocat de la partie civile, lui, réplique que ceux qui ont commis l’infraction « ne sont pas fous » et qu’ils ont bien pris le soin de faire disparaître les copies originales. En tout cas, celle qui a corrigé, Salamata Ouédraogo, ne reconnaît plus les notes à l’arrivée.

En rappel, la femme du DRH, son frère, son neveu et sa nièce ont tous été reçus au concours de recrutement. L’ex-DRH a une fois de plus soutenu à la barre qu’il ne savait pas que sa femme était candidate. S’il l’avait su, il s’y serait opposé. C’est seulement à la proclamation des résultats qu’il a vu le nom de son épouse. Quand les résultats sont sortis et que madame est rentrée à la maison, elle a trouvé son mari la mine serrée ; preuve, selon elle, que son époux n’était pas content.

Un concours sans garantie d’égalité des chances

L’un des présumés, Martinien Ilboudo, a également comparu. Comptable, il est aussi délégué du personnel. Il a par ailleurs été membre du jury de surveillance et de délibération. Il reconnaît avoir vu une copie qui n’avait pas de note, mais n’a rien dit. Selon lui, ce n’est pas en sa qualité de délégué du personnel qu’il était dans le jury et il ne pouvait refuser d’être membre du jury et de délibération, parce que cela relevait d’un ordre hiérarchique.

Le premier témoin à être appelé, c’était Célestin Yaméogo, contrôleur à l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC). Après les tentatives de récusation de ce témoin parce qu’il faisait partie de l’équipe d’enquête et de rédaction du rapport, le président tranchera en faveur de son maintien, après qu’il a « juré de dire la vérité, toute la vérité ».

Le contrôleur note que le test de recrutement n’avait aucune garantie de transparence et d’équité. Il y avait des sources objectives de fraude, parce que, par exemple, les copies étaient déposées dans le bureau de l’ex-DRH. Aussi, il n’y avait aucun contrôle interne. « C’est eux (ex-DRH et ses camarades, ndlr) qui pilotaient leur affaire », dira le témoin. Une occasion pour les avocats de la défense de charger l’Etat et le directeur général de la CNSS. Selon les conseils des présumés, c’est l’Etat central et les premiers responsables de la CNSS qu’il faut poursuivre, au lieu d’accabler des menus fretins que sont leurs clients. « Ayons le courage de poursuivre qui de droit », clamera Me Timothée Zongo de la défense.

L’audience se poursuit le 30 juin prochain…

Tiga Cheick Sawadogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net