Le gouvernement français a voté, le mercredi 20 mai 2020, en conseil des ministres, un projet de loi autorisant la modification du franc CFA de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA). Ce vote est consécutif au décret signé le 21 décembre en Côte d’Ivoire entre le gouvernement français et ceux de l’UMOA. Désormais, la devise de l’espace communautaire connaîtra des modifications, allant de sa dénomination à sa gestion politique. Une étude d’impact du ministère français de l’Economie et des Finances révèle les changements fondamentaux.
La coopération monétaire entre la France et l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) repose sur un accord de coopération monétaire signé le 4 décembre 1973 par les ministres des Finances de l’UMOA et de la France, qui posait le cadre général de la coopération. Depuis 1994, trois principes régissent cet accord. Le franc CFA a une parité fixe avec l’euro (1 euro = 655,957 F CFA). Il y a la garantie de convertibilité illimitée de la monnaie, accordée par la France.
Cette garantie permet d’assurer le maintien de la fixité du taux de change, même en cas de choc sur la balance des paiements de la zone UEMOA. Enfin, le troisième principe est la centralisation des réserves de change. Les acteurs économiques ont l’obligation de convertir l’intégralité de leurs avoirs en CFA auprès de la Banque centrale de l’UMOA. Ces réserves sont mutualisées et centralisées par cette banque.
La banque dépose au moins 50% de ces disponibilités extérieures dans un compte d’opération ouvert au Trésor français. La France ne participe pas à la Conférence des chefs d’Etat et le conseil des ministres. En revanche, elle est représentée dans des instances techniques de gouvernance de la zone (Conseil d’administration et Comité de politique monétaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Commission bancaire de l’UMOA).
De la révision des clauses de la coopération monétaire
En 2019, les autorités politiques de l’UMOA ont fait part de leur intention de réviser les dispositions qui environnent cette monnaie pour tenir compte des évolutions économiques de la zone. Cette révision visait la modernisation de l’Union monétaire, mais aussi son extension aux sept autres pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
En effet, depuis 1983, au sein de la CEDEAO, un processus de création d’une monnaie commune a été lancé. Les pays de l’UEMOA ont donc engagé les pourparlers avec la France, qui ont abouti à une proposition de réforme des instances et du fonctionnement de la coopération. Une convention de coopération a été signée entre le gouvernement français et les gouvernements des Etats membres de l’UMOA, le 21 décembre 2019, lors de la visite du président français en Côte d’Ivoire.
Quatre axes majeurs découlent de cette réforme commune. Il y a d’abord le changement de nom de la devise. Les autorités de l’UMOA ont émis le souhait de passer du « franc CFA » (XOF) à l’« Eco », en référence à l’acronyme ECOWAS, traduction anglaise de CEDEAO. Ensuite, il y a la suppression de l’obligation de centralisation des réserves de change sur le compte d’opération au Trésor français, le retrait de la France des instances de gouvernance de la zone et la mise en place concomitante de mécanismes ad hoc de dialogue et de suivi des risques (notamment reporting, échanges et rencontres techniques).
Le 20 mai dernier, le gouvernement français a adopté le projet de loi, autorisant la modification du franc CFA. Le rôle de la France évolue ainsi pour devenir celui d’un strict garant financier de la zone. La France ne disposera plus de droit de vote, sauf en cas de crise.
Quid des paramètres fondamentaux de la coopération ?
Les modifications n’ont pas concerné, de façon explicite, les paramètres fondamentaux de la coopération. Le régime de change demeure inchangé, avec un maintien de la parité fixe entre l’euro et la devise de l’Union. Il en est de même de la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France.
Selon l’article 4 du projet de loi, une personnalité indépendante est nommée intuitu personae au Comité de politique monétaire (CPM) de la BCEAO par le conseil des ministres de l’UMOA, en concertation avec la France. Les articles 3, 5 et 7 supposent des échanges de lettres entre la France et la BCEAO, pour fixer les modalités des échanges d’information nécessaires pour permettre à la France de suivre l’évolution de son risque et la détermination par accord ad hoc des parties pour les réunions techniques de suivi, etc.
Quant à l’article 6, il prévoit la possibilité pour chacune des parties à l’accord de demander une réunion, lorsque les conditions le justifient, notamment en vue de prévenir ou de gérer une crise. En situation de crise sévère, l’article 8 prévoit que la France pourra désigner, à titre exceptionnel et pour la durée nécessaire à la gestion de la crise, un représentant au CPM.
Retombées de la nouvelle coopération
La France garantie la crédibilité de l’ancrage de la monnaie de l’Union sur l’euro. En effet, avec la parité et la garantie illimitée de convertibilité, si la BCEAO fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France.
La Banque centrale dispose désormais de la totalité de ses réserves. Elle pourra alors décider de leur allocation et de leur placement, avec, dans l’environnement de taux actuel, un impact probable sur la rémunération de ces avoirs. Sur le plan financier, la garantie de change dont bénéficiaient les sommes déposées par la BCEAO sur le compte d’opérations va disparaître.
En effet, dans la coopération monétaire de 1994, les dépôts obligatoires de la BCEAO bénéficient d’une garantie de non-dépréciation par rapport au panier de devises internationales constitutif du Droit de tirage spécial (DTS). A ce titre, en cas de dépréciation de l’euro par rapport aux monnaies internationales, la France compense financièrement la perte de valeur des dépôts sur le compte d’opérations.
La réforme prévue par l’accord sera mise en œuvre dans le courant de l’année 2020. L’accord a été signé par le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, et par l’ensemble des ministres des Finances des Etats membres de l’UMOA. La ratification est en cours dans chacun de ces Etats. A ce stade, aucune notification officielle de ratification n’a été adressée à la France.
Etienne Lankoandé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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