Fermé le 26 mars 2020 afin de contrer la propagation du Covid-19, le plus grand marché de Ouagadougou, Rood-Woko a été rouvert le lundi, 20 avril 2020, soit trois semaines plus tard. Une réouverture conditionnée par le respect de plusieurs mesures sanitaires et sécuritaires. « Rien que les images de la cérémonie de réouverture montrent des failles », « On aurait dû prendre un marché plus petit pour un essai pilote »… Des citoyens donnent leurs avis par rapport à cette situation.


Céphora Guiro, communicatrice : « Dans un contexte marqué par une telle pandémie, il est important de savoir que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge. L’ouverture du grand marché semble un risque d’accroitre le nombre de malades du Covid-19. Les images que nous avons vues hier en parlent déjà. Nous sommes dans le plus grand marché de Ouagadougou, et il sera difficile pour les uns et autres de ne pas contracter cette maladie, si le nombre de commerçants n’est pas réduit. Il serait important que l’État prenne ce volet en compte afin que les mesures de distanciation soient respectées ».

Madjiam Thierno, ingénieur en Génie civil : « Visiblement les dispositions n’ont pas été prises pour éviter un attroupement à l’ouverture et des mesures d’accompagnement chaque jour devraient être mises en place pour éviter les contacts directs et l’entrée dans le marché sans cache-nez. Si on ne fait pas attention, à ce rythme, la contamination risque d’exploser et les pronostics de 7000 cas en fin avril deviendraient être une réalité ».


Maxime Bakiono, économiste : « Rood-Woko est le symbole de l’économie informelle qui pèse 40% de notre économie. Les gouvernants sont obligés de tenir compte de cette économie très peu résiliente qui nourrit une grande partie de la population. Ils prennent en ouvrant le Rood-Woko des risques calculés devant le dilemme de la limitation de l’expansion du Covid-19 et de la récession économique. Heureusement qu’ils déploient des mesures d’accompagnement, les 500 volontaires pour la sensibilisation à l’observation des mesures barrières. Même dans les économies matures comme celle des Etats-Unis, on ne peut pas prolonger l’inactivité économique sans ébranler le socle de la croissance : la consommation. Enfin, le gouvernement prend la décision de la reprise au moment où il y a une baisse sensible des infections dans la capitale. Prions que la discipline règne dans le respect des mesures barrières ».

Balaam Koko, enseignant-chercheur : « La mairie et le gouvernement n’ont pas réuni les conditions optimales de réouverture du grand marché. Rares seront les commerçants qui respecteront les mesures de lutte contre le Covid-19. Je crains fort que dans les jours à venir Rood-Woko sera l’épicentre de la maladie en attendant la réouverture des écoles, lycées et universités. Les autorités devraient choisir un marché plus petit pour faire leur projet pilote de réouverture des marchés ».


Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP : « Je souhaite vivement que ce grand marché, qui draine quotidiennement des dizaines de milliers de personnes ne vienne pas s’ajouter aux foyers de contamination. Je suppose que les autorités qui ont pris cette décision de réouverture en ont pris toute la mesure et veilleront à un strict respect des consignes de prévention et de protection édictées par les autorités sanitaires ».

Candys Yaro, communicatrice : « Je pense que la fermeture même était inopportune. Les pays ne se ressemblent pas en matière d’ossature de l’économie et ne saurait faire du copier-coller. Pour moi, dès le début si la situation avait été bien gérée, on allait éteindre les deux foyers du Covid-19 avant que ça ne se propage. Avec des mesures adéquates et une réorganisation de nos marchés, on pouvait se passer de ces mesures suicidaires. On a fermé, mais si propagation devait avoir, les petits marchés développés après la fermeture allait faire un effet de boumerang ».


Hervé Ouattara, homme politique : « C’est une très bonne chose que nous aboutissons à la réouverture du grand marché, lorsqu’on sait que sa fermeture n’a pas tenu compte de certaines réalités sociales. Maintenant, il faut que tous les usagers puissent respecter les différentes mesures barrières édictées par nos autorités. C’est très important pour rompre avec cette maladie. J’ai été un peu choqué de voir que la réouverture de Rood-Woko a été l’occasion pour certaines autorités d’en faire un meeting sans pour autant respecter elles-mêmes les mesures qu’elles clament chaque jours, le « un mètre de distanciation ».

Chose que je condamne avec la dernière énergie. Je pense que cela relève soit de l’irresponsabilité de nos autorités soit de mensonge grotesque sur cette maladie de Covid-19. C’est l’un ou l’autre. Pour ma part, je les invite à être plus réalistes et à savoir qu’aujourd’hui, on n’a pas besoin d’atteindre les 7000 cas qu’ils cherchent mais plutôt résoudre un problème dont le peuple souffre. »



Propos recueillis par Cryspin M. Laoundiki

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Source: LeFaso.net