Ces filles viennent du Togo, du Nigéria, du Burkina Faso mais elles ont un point commun. Elles travaillent dans des maquis afin de gagner leur vie. Face à la fermeture des lieux de réjouissance due à la pandémie de la maladie à coronavirus, ces dernières se retrouvent sans boulot. Incapables de joindre les deux bouts, certaines se sont lancées dans la prostitution.
A Ouagadougou, les bars et maquis ne désemplissent guère aussi bien en semaine que le week-end, de jour comme de nuit. L’alcool coule à flots. Les serveuses se rivalisent pour savoir laquelle portera le « maillot jaune ». Les plus courtisées par les clients gagnent un salaire substantiel à la fin du mois.
Mais face à la progression rapide du nombre de personnes infectées par le virus de covid-19 au Burkina Faso, le gouvernement a pris une batterie de mesures dont la fermeture des lieux de réjouissances. Cette restriction n’est pas sans répercussions sur le quotidien de ces filles. Si certaines n’ont pas voulu se prononcer, d’autres par contre n’ont pas hésité à manifester leur mécontentement. « Ils n’ont qu’à ouvrir les maquis, nous on veut travailler. On souffre. On a trop de charges à supporter », martèle Diane Agani employée dans un maquis de renommée nationale de la place.
Samira Boukari abonde dans le même sens. « On vit de notre travail. Dans mon salaire, je dois payer le loyer, les habillements, les vivres et envoyer de l’argent pour mes parents qui sont restés au pays. Maintenant qu’on ne travaille plus, comment faire ? ». Selon l’expression populaire, à quelque chose malheur est bon. « Notre patron, nous a donné 2 sacs de riz de 25 Kg et 20 000 F CFA à chacune. En plus, il assure le loyer de la mini villa que nous occupons. Mais pour combien de temps ? », s’inquiète une jeune togolaise, la vingtaine bien sonnée. Les angoisses ne se limitent pas seulement au loyer.
« Actuellement, le sac de riz est presque fini. Il faut qu’on trouve une solution pour assurer notre pitance quotidienne », poursuit-elle. Sa solution ? Etre payée pour avoir des relations sexuelles. « Je n’ai pas choisi cette vie. C’est la situation qui m’y oblige », se justifie sa camarade Mlle Boukari (Ndlr ; nom d’emprunt). Mais si on lui donnait la possibilité de choisir entre la prostitution ou rentrer dans son pays natal, son option serait le second, à l’écouter. « On veut rentrer chez nous. Auprès des parents, c’est sûr qu’on aura l’essentiel pour survivre », insiste-t-elle.
Une situation inconfortable
Ces propos sont corroborés par ceux de Larissa X (nom d’emprunt) pour qui leur échappatoire serait l’ouverture des frontières. « Si tu demandes à un pointeur de te payer à manger, il exige des relations sexuelles avant. Avec tous les risques et après t’avoir utilisée comme il veut, il te donne un pauvre 1 000 F CFA ou 1 500 F CFA », s’indigne cette nigérienne. Minata Sanou a, quant à elle, quitté Bobo-Dioulasso pour Ouagadougou, il y a deux mois de cela. Enceinte, elle décrit son calvaire depuis la fermeture des maquis.
« Ce n’est pas facile. Il y a des jours où on (Ndlr ; ses co-chambrières) se dispute à cause de la nourriture. Tout cela, pour vous dire que plus rien ne va. En venant à Ouagadougou, je mettais fixé un objectif : travailler quelques temps dans un maquis et après retourner chez moi pour me lancer dans le commerce avec le peu que j’aurais économisé. Aujourd’hui, la situation me pousse à faire des choses malgré moi », avoue-t-elle, la mort dans l’âme.
Si certaines ont choisi le chemin le plus court pour pouvoir survivre, d’autres par contre refusent de monnayer leur corps. Dado fait partie de ce groupe. « Je refuse de vendre mon corps pour de l’argent. Je refuse également d’envoyer de l’argent salle à ma maman », clame cette togolaise qui espère très prochainement l’ouverture des maquis et bars. Une fermeture qui fait d’autres victimes collatérales.
En témoigne, Nadège Bationo affectueusement surnommée « tantie tarogo » que nous avons rencontré à la porte de la villa des filles. Vendeuse d’articles de femmes, ses meilleures clientes se trouvent être les serveuses. Elle est aussi affectée par la situation. « Présentement, mon argent est au dehors. Comment faire pour l’encaisser lorsque mes clientes, elles-mêmes, ont du mal à joindre les deux bouts ? », s’interroge cette maman de trois enfants.
Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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