Déclaration sur la situation sanitaire nationale

Depuis quelques mois, le monde entier est confronté à une nouvelle pandémie de la maladie due à un coronavirus, dite COVID-19 qui ne cesse de s‘étendre. Le Burkina Faso vient de connaître ses premiers cas. Elle survient dans un contexte particulier qui mérite d’être pris en compte.

Tout d’abord, le contexte sécuritaire difficile que connaît le pays constitue une préoccupation importante influençant négativement et de façon significative notre système de santé et particulièrement dans certaines régions. En effet, dans ces régions, des services de santé sont fermés et des populations n’ont accès aux soins que grâce à la présence des humanitaires. C’est le lieu pour nous de saluer l’engagement des agents de santé auprès des populations pour assurer à tous, sans distinction aucune, des soins de santé.

Aussi nous saluons la mémoire de ceux qui sont tombés dans l’accomplissement de leur sacerdoce. Nous suivons également avec la plus grande attention et un intérêt certain, les différentes évolutions de la situation de ceux qui ont été enlevés dans ces zones. Nous voulons encore une fois les rassurer de notre soutien et de notre loyauté indéfectible. Nous continuerons à nous battre pour assurer de meilleures conditions de travail et de prise en charge aux agents de santé qui travaillent nuit et jour pour garantir des soins de qualité aux populations.

Cette pandémie est en phase de plonger le monde dans une crise financière sans précèdent avec ses corollaires qui auront des effets néfastes sur notre jeune économie déjà éprouvée par l’insécurité.

Enfin vient le contexte national marqué par une crise sociale sans précédent, particulièrement dans le secteur de la santé qui a été très durement éprouvé l’année dernière. Cette crise, faut-il le rappeler, tire ses origines de la volonté de certains acteurs de freiner l’une des réformes les plus importantes de notre système de santé depuis les indépendances, réforme holistique et inclusive pensée et conçue pour renforcer le volet soins du trépied sanitaire et améliorer ainsi la qualité des soins aux populations. Mais, grâce là aussi à l’engagement des professionnels de santé et à leur sens élevé des responsabilités, cette crise, même si elle n’est pas encore totalement derrière nous, est en voie de résorption.

Aussi l’on pourrait résorber cette crise dans sa totalité si la réforme était conduite à bout. Il s’agit, notamment la finalisation de la mise en œuvre des engagements, mais surtout l’opérationnalisation de l’Agence de Gestion des soins primaires (AGSP) qui permettra de recentrer la question des soins en désuétude au niveau périphérique. Cette année, les derniers développements sur la question de l’IUTS augurent d’une réouverture du front social dans tous les secteurs. Les travailleurs ont tous exprimé leurs inquiétudes et réaffirmé leur volonté de se battre pour défendre leur pouvoir d’achat.

C’est dans ce contexte social difficile qu’intervient cette pandémie au COVID 19. Tout doit être fait pour éviter une épidémie de cette maladie, retarder la survenue de la phase épidémique, amoindrir son impact et raccourcir sa durée. Le pays a plus que jamais besoin de toutes ses filles et de tous ses fils, et particulièrement de ses « soldats des soins ». Nous voulons rassurer les populations du Burkina de l’engagement professionnel des agents de santé à défendre leur santé et à œuvrer dans le sens de la lutte contre cette pandémie.

Nous devons tous, professionnel et populations, respecter les directives élaborées par les professionnels de santé et diffusées par les autorités sanitaires. Cela appelle de la part du gouvernement un engagement fort : engagement à fournir à ces « soldats des soins » , tous les équipements, matériels, consommables et les outils nécessaires pour faire face à ce au fléau qui s’est montré jusqu’ici redoutable dans certains pays.

Afin de permettre au Burkina Faso d’être résilient face à cette situation, nous invitons le gouvernement à la mise en œuvre diligente à court et à moyen terme d’un certain nombre de mesures dont certains se retrouvent dans nos plateformes revendicatives et dans le plan de riposte. Il s’agit des points suivants :

1. fermer temporairement les frontières au transport des personnes ;

2. renforcer les mesures de contrôle aux points d’entrée du pays ;

3. identifier et équiper des centres de confinement pour les cas contacts ou les personnes ayant un lien épidémique de COVID-19 ;

4. améliorer les mesures de confinement (quarantaine) des personnes suspectes ;

5. préparer les structures de santé pour la prise en charge des patients atteints de COVID-19 ; il est souhaitable que des centres de prise en charge soient identifiés et préparés dans tous les CHU et les 13 régions du pays ; les matériels et équipements (lits complets de réanimation, RT-PCR,) de prise en charge doivent être fournis aux acteurs hospitaliers vers qui les directives renvoient les cas suspects ;

6. Améliorer la capacité les laboratoires de tous les CHU pour le diagnostic de l’infection virale (COVID-19) afin de permettre aux structures de santé de répondre le plus efficacement et le plus rapidement possible ;

7. réquisitionner le nouveau CHR de Ziniaré comme centre de référence pour le diagnostic, le confinement et la prise en charge ;

8. identifier et équiper dans chaque région sanitaire un centre de confinement en collaboration avec les collectivités territoriales ;

9. fournir aux agents de santé les outils nécessaires pour faire face aux besoins de prise en charge des patients atteints et d’orientation des cas contacts et des populations désireuses d’information : formation, directives, équipements de protection individuelle (masques de type FFP2 ou N95, combinaisons), eau, gel hydroalcoolique, infrastructures et équipements adéquats, médicaments et consommables ;

10. assurer la sécurité des centres de prise en charge des cas suspects et confirmés de COVID-19 et des centres de confinement ;

11. étoffer le comité de prise en charge pour accroître sa réactivité afin de répondre aux besoins et inquiétudes tant des acteurs que des patients ; pour cela, il faut, au-delà de la réquisition des ressources humaines des structures de santé déjà en déficit pour certains, envisager le recrutement supplémentaire d’agents de santé ;

12. opérationnaliser le comité de prise en charge des cas : la gestion des patients doit être professionnelle et consensuelle et certains pays ont montré que la mise en place d’un comité scientifique pluridisciplinaire (professionnels, sociétés savantes, organisations scientifiques) permet d’améliorer la gestion de l’épidémie. Le comité de prise en charge doit disposer de tous les moyens nécessaires pour remplir ses prérogatives ;

13. organiser une communication la plus transparente possible à l’endroit des professionnels de santé et de la population pour avoir une participation pleine et responsable de tous les acteurs ;

14. rendre disponibles les intrants de protection (masques, gel hydroalcoolique, eau…) aux populations ;

15. relire d’urgence le décret n°2014-615 portant Statut général des Établissements Public de Santé (EPS) pour accroître la résilience des EPS en leur octroyant un statut dérogatoire à la comptabilité publique, un contrôle a posteriori des actes de la commande publique ; cette relecture permettra l’acquisition rapide des intrants et les réhabilitations de bâtiments de confinement ;

16. élaborer un plan stratégique d’équipement et de réforme des hôpitaux (PSERH) pour intégrer des actions à moyen terme pour cette crise COVID-19 et les autres crises imprévisibles à venir ;

17. introduire à l’Assemblée Nationale un projet de Loi de programmation sanitaire 2020 2025 pour financer le PSERH ;

18. rendre opérationnels les organes de l’AGSP pour le renforcement des soins primaires afin de mieux faire face au COVID-19 et permettre aux spécialistes de santé publique de faire plus de prévention en agissant en toute synergie avec les autres départements ministériels comme le prescrit par exemple l’OMS dans le cadre du « ONE HEALTH » ;

19. aligner le matériel médical et autres produits de santé sur le même régime de taxation que les médicaments afin de réduire le coût des acquisitions pour faciliter l’équipement urgent des structures publiques et privées pour une riposte synergique ;

20. subventionner et exercer un contrôle sur les prix des gels, masques et autres articles de protections entrant dans le cadre de la lutte contre l’épidémie ;

21. réadapter les mesures de restrictions et de prévention individuelles et collectives aux exigences de l’enjeu comme les cultes et les marchés périodiques ;

22. renforcer les mesures de prévention et installer un poste avancé de confinement dans les sites de déplacés internes ;

23. aménager un local pour la prise en charge du travail et de l’accouchement des patientes dépistées positives au COVID-19.

D’autres mesures peuvent être envisagées en fonction de l’évolution de la situation.

Nous appelons le gouvernement et les autorités sanitaires à plus de réactivité et de professionnalisme dans la gestion de la crise. Il nous faut exploiter toutes les compétences et toutes les ressources disponibles pour améliorer la résilience de notre système de santé face aux multiples crises et sollicitations que nous connaissons. Les agents de santé ont montré leur engagement auprès des populations ; au gouvernement de jouer d’avantage sa partition.

Au regard des enjeux sécuritaires et sanitaires, mais aussi et surtout économiques nous voudrions appeler le gouvernement à renouer un dialogue franc avec les partenaires sociaux et à suspendre l’application de l’IUTS aux indemnités et primes des travailleurs afin d’apaiser le climat social pour qu’à l’unisson nous puissions faire face aux défis qui s’imposent. Nous invitons le gouvernement à veiller à l’utilisation rationnelle et vertueuse des fonds alloués au plan de riposte au COVID-19, en mettant l’accent sur le renforcement des plateaux techniques.

Nous invitons les populations au calme et à la sérénité et les rassurons que les soignants sont à leur côté sous la contrainte des moyens de protection et de prise en charge qui seront mis à leur disposition. Par ailleurs nous appelons avec insistance les populations à suivre scrupuleusement les mesures édictées par les autorités sanitaires du Burkina Faso.

Tout en se félicitant, des mesures déjà entreprises, nous encourageront les autorités sanitaires à l’implication de l’ensemble des acteurs et à l’exploration de l’ensemble des pistes de solutions.

Pour le Syndicat des Médecins du Burkina (SYMEB),

Lassina SERE

Secrétaire Général Adjoint

Pour le Syndicat des Sages Femmes et Magnéticiens et Accoucheuse du Burkina (SYSFMAB),

Mme Honorine KABRE

Secrétaire Générale

Pour le Syndicat Autonome des Infirmiers et infirmières du Burkina (SAIB),

Pascal OUEDRAOGO

Secrétaire Général

Syndicat des Administrateurs des Hôpitaux (SYNTAHSS)

Djakaridja HEMA

Secrétaire Général

Source: LeFaso.net