Le coronavirus a fait de nombreux morts et cas de contaminations partout dans le monde. Le trafic commercial en a pris un coup et commence à se faire sentir. Cependant les économies ne ressentent pas le poids au même niveau, selon que l’on est une grande ou une petite économie. Le Burkina Faso, entreprend une riposte sanitaire mais occulte celle économique et financière qui peut tout aussi être plus ou moins fatal que le virus lui-même. Pourquoi cet état de fait alors que ses fournisseurs ferment progressivement leurs frontières ? Compterait-il sur la providence divine que sur ses propres capacités ?
L’épidémie du coronavirus qui a démarré en Chine et atteint aujourd’hui toute la planète, a vu la fermeture de plusieurs frontières aériennes. Celles terrestres, ferrées et fluviales sont aussi hautement contrôlées. C’est « le sauve qui peut ». Chaque nation tente au mieux qu’elle peut, de se protéger et de se munir de moyens préventifs. Des moyens que des économistes s’interrogent sur leur nécessité pour la stabilité internationale.
Les nations qui ont suffisamment les moyens prennent les précautions qu’il faut pour faire face à la maladie sur plusieurs plans. Les pays pauvres quant à eux, n’ont même pas la mesure de prudence nécessaire pour prévenir les conséquences de la maladie. C’est à croire qu’ils comptent plus sur la providence divine que sur leurs propres capacités.
Pourtant la peur derrière cette pandémie, n’est pas la vitesse à laquelle elle se propage, ni la vitesse à laquelle elle tue ses victimes, mais la non maîtrise de ses conséquences, aussi bien sanitaires qu’économiques. Se pose alors la question suivante : jusqu’à quel niveau, ce phénomène va-t-il influencer l’économie ? Peut-on s’attendre à un bouleversement de l’ordre économique mondial ? Les petites économies sont-elles suffisamment protégées ?
Pourquoi les mesures diffèrent d’une grande économie à une petite économie ?
Le phénomène a fait naitre un protectionnisme sans précédent, qui a des répercussions sur l’économie mondiale. Le covid19 peut être moins mortel que la peur de cette maladie et le manque de stratégies adéquates. Un pays qui prépare une riposte sanitaire ne devrait pas occulter celle économique.
La France a préparé un plan d’accompagnement de ses entreprises, pour continuer à alimenter son économie. Les États-Unis ont déclaré l’État d’urgence. On s’attendait à ce que des pays comme le Burkina Faso, soient aussi aptes à interdire les voyages en provenance des zones touchées. Pourtant, il ne plane officiellement aucun plan de riposte économique à cette épidémie.
Deux raisons peuvent expliquer cette différence de comportement. La première est qu’une grande économie ressent une crise économique plus qu’une petite, d’où la raison de se couper de l’extérieur, pour minimiser les conséquences. Lorsqu’on parle de la crise financière de 2009, les citoyens des pays comme le Burkina Faso se demandent de quoi il a été exactement question. Une bonne pluviométrie et la population ne sentira pas de crise. Par contre dans les puissances économiques occidentales, la crise financière de 2009 fut douloureuse.
La deuxième raison, est que les pays les moins nantis ne peuvent se passer de l’extérieur pour survivre. Ils en sont très dépendants, si bien qu’ils ne peuvent pas fermer leurs frontières. Si le Burkina n’a pas encore fermé ses frontières aux pays touchés, il est possible que cela soit lié à sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur. S’il le fait, il est possible que dans les deux semaines qui vont suivre, il n’y ait plus d’hydrocarbures (carburant et gaz), ni suffisamment de produits alimentaires, etc.
A l’intérieur, plusieurs personnes vivent au jour le jour, incapables de s’offrir un stock alimentaire pour deux semaines. La crise va être insupportable, d’où la nécessité de laisser les frontières ouvertes (avec quel contrôle ?) pour continuer à importer. Le professeur d’économie à la retraite, Taladidia Thiombiano, disait au cours d’une interview : « Si on prive le Burkina Faso de l’extérieur, nous allons retourner à l’âge de la pierre taillée ».
Les marchés n’auront plus que des produits primaires. Ses petites usines seront fermées par manque de fiole, de technologie, etc. La situation sera encore pire qu’à l’âge de la pierre taillée parce que la nature abondait de nourriture à cette époque, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, quand on sait que le Faso, n’est pas arrivé à s’assurer une sécurité alimentaire.
Les pays importateurs nets sont donc les plus fragiles à cette crise. La lutte contre le covid19 n’est donc pas seulement que sanitaire, mais aussi économique et psychologique. Pour paraphraser le propos qui a cours dans la lutte contre le terrorisme, c’est aussi une guerre de communication entre le covid19 et chaque nation.
Conséquences plausibles pour des pays comme le Burkina Faso
Le contexte rend les pays en développement plus vulnérables, voire très vulnérables. Les banques seront plus réticentes à accorder du crédit dans un tel contexte, la croissance ira au ralenti, sinon sera négative sur la période, la mobilisation des ressources publiques en plus d’être faible, va être orientée vers la lutte contre le Coronavirus. Ajouter à la crise sociale et sécuritaire que connait le Burkina Faso, le déficit peut être très énorme.
Les produits burkinabè viennent en général de la Chine, de Dubaï, de la France, des États-Unis, de ses voisins immédiats tels que la Côte-d’Ivoire, le Ghana et j’en passe. Se pose alors le problème d’un manque crucial des produits, particulièrement de première nécessité et d’une inflation plus élevée. C’est surtout la demande en produits de premières nécessités qui va connaitre une légère hausse alors que leur quantité diminue.
Les prix des matières premières vont baisser du fait de la fermeture des usines. Le pouvoir d’achat des citoyens moyens va être impacté négativement. La demande de biens par précaution, du fait de la psychose, peut elle-même exacerber la crise. Alors retour à ce cercle vicieux de la crainte du Covid19 qui est plus mortel que le covid19 lui-même.
Sur un article publié le 14 mars à Parismatch.be, Etienne de Callataÿ, professeur d’économie à l’Université de Namur (Belgique) et chief economist d’Orcadia Asset Management, affirmait : « les émissions de CO2 en Chine ont fortement diminué, ce qui témoigne d’une baisse importante de l’activité dans ce qu’on appelle « l’usine du monde ».
Cela n’est évidemment pas sans répercussions ailleurs sur la planète. Des entreprises en Europe sont en rupture de stock, il y a du chômage technique… Cela dit, il me semble essentiel de souligner une autre évidence : le coronavirus est aussi à la source d’un danger redoutable, la contamination des esprits ! Autrement dit, certains annonceurs de mauvais jours sont exagérément alarmistes. Comme le montre une récente étude de l’OCDE, on se dirige certes vers une moindre croissance économique mondiale (2,4 % au lieu de 2,9 %), mais cela reste de la croissance. À ce stade, parler de « danger » ou de « catastrophe » me semble exagéré ».
Y a-t-il des facteurs d’espoir pour une petite économie ?
Même si les conjectures font état d’une capacité de résilience au coronavirus dans les pays du Sahel, du fait de la température élevée et du potentiel immunitaire des populations, le problème de fermeture des frontières nécessite une redéfinition des politiques économiques dans chaque nation.
En théorie, ce ne sera pas chose mauvaise si nous sommes coupés du reste du monde, mais à condition que la résilience soit optimale aussi bien en matière sanitaire qu’économique. Si les facteurs de résiliences qui vont être créés sont propices, ils vont permettre à nos pays d’être moins dépendants de l’extérieur, même après l’épidémie. Il revient à chaque pays de trouver la bonne stratégie, pour non seulement ne pas beaucoup en pâtir face à l’épidémie mais surtout pour développer des structures socioéconomiques qui lui seront bénéfiques dans le long terme.
Le coronavirus est devenu international parce qu’il est parti de la Chine qui est un géant mondial, commercialisant avec tous les pays du monde mais aussi parce qu’il n’a pas été pris en charge à temps. S’il était apparu dans un pays africain, les géants mondiaux pourraient se contenter de mettre ce pays en quarantaine et apporter leur appui de l’extérieur. Comme ce fut le cas pour les maladies comme Ebola, la Grippe aviaire, etc.
Faut-il jeter le bébé avec l’eau de bain ? Peut-être pas ! Les économistes s’entendent et disent qu’il faut penser à la stabilité aussi bien interne qu’internationale. Dans l’espoir d’une solution rapide à l’épidémie, la panique ne doit pas avoir libre cours dans nos pays.
Il est à craindre les conséquences économiques du virus que le virus proprement dit. Il est aussi bon de compter sur ses propres forces et capacités à faire face à l’épidémie que sur la solidarité internationale ou la providence divine. Ne dit-on pas, « aides-toi et le ciel fera le reste » ? Par conséquent, les efforts doivent aussi concernés les facteurs de résilience face à la fermeture des frontières, qui peut constituer pour les pays pauvres une autre épidémie.
Etienne Lankoandé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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