Poursuivi pour « outrage au chef de l’Etat Roch Kaboré et d’autres chefs d’Etat étrangers », l’activiste franco-béninois Kémi Séba a été condamné par la justice burkinabè, ce jeudi 26 décembre 2019, à deux mois et une amende de 200 000 F CFA, le tout assorti du sursis. « C’est la 4e fois qu’on m’envoie en prison et à chaque fois j’en ressors plus fort. Personne sur cette terre ne pourra nous empêcher de dire ce que nous pensons », a déclaré le client de Me Prosper Farama, à sa sortie d’audience.
« Je ne regrette absolument rien de ce que j’ai dit. J’assume chaque mot, chaque lettre. Quand nos présidents continueront à recevoir des ordres des forces néocoloniales françaises, il y aura une jeunesse française qui prendra ses responsabilités peu importe le prix à payer », a déclaré à sa sortie d’audience, Kémi Séba, à l’état civil, Stellio Gilles Robert Capo Chichi.
- Kémi Séba face à la presse le 21 décembre, jour de la conférence animée à l’Université Joseph Ki-Zerbo
Ovationné par ses militants, la plupart des étudiants, celui qui a été condamné à deux mois et une amende de 200 000 F CFA, le tout assorti du sursis, pour « outrage au chef de l’Etat Roch Kaboré et d’autres chefs d’Etat étrangers » s’est voulu on ne peut plus clair : « Personne sur cette terre ne pourra nous empêcher de dire ce que nous pensons. Et il faut qu’ils comprennent que la prison, c’est la 4e fois qu’on m’y envoie et à chaque fois j’en ressors plus fort. Même si on me tue, la jeunesse africaine est bien plus déterminée qu’on ne peut l’imaginer ».
Pour son conseil, Me Prosper Farama, « ce qui choque le plus, au-delà de la peine prononcée, c’est le principe de la tenue même de ce procès. Nous sommes écœurés de voir que dans le contexte national, de ce que le président Macron a pu dire aux présidents africains, on puisse en arriver à un procès comme celui-là. Je n’imagine pas qu’un citoyen français eût été poursuivi en France parce qu’il aurait traité le président Macron de petit président. C’est écœurant qu’en Afrique on continue de vouloir noyer le fond par la forme ».
- Me Prosper Farama, conseil de Kémi Séba
Toujours selon l’avocat de Kémi Séba, le Burkina Faso a reculé de plusieurs années en ce qui concerne la promotion des espaces de libertés. « En démocratie, une critique qui ne choque pas n’en est pas une », a-t-il martelé avant de s’interroger sur l’issue de la future rencontre de Pau prévue pour janvier 2020. « Est-ce que nos présidents, quand ils iront à Pau dans quelques jours, auront suffisamment le courage de dire au président Macron ce que la jeunesse africaine pense et ce qu’elle veut de la relation entre la France et l’Afrique. J’ai l’impression que par ce procès on a déjà un début de réponse. C’est non. ».
Pour l’instant, Kémi Séba n’a pas encore décidé avec son avocat de faire appel de la décision du juge. Mais Me Farama a confié à la presse que son client bien avant l’audience lui avait dit qu’il était prêt à assumer, quel que soit le verdict.
Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net
Quelques propos entendus à l’audience :
• Sur les propos qualifiés d’outrageants, Kémi Séba répond : « Je considère ces propos comme les cris de douleur d’une jeunesse qui souffre de voir ses pères se faire humilier par quelqu’un qui a l’âge d’être leur fils et qui nous traite comme si nous étions des colonies ».
• Loin de faire outrage aux présidents, le client de Me Prosper Farama a maintenu à la barre que ses propos sont dits dans le style journalistique de la polémique et que son objectif est de provoquer un électrochoc afin d’inviter les dirigeants à prendre leurs responsabilités. « Je n’ai fait que reprendre tous les propos que j’entends au Burkina depuis quelque temps », s’est défendu Kémi Séba qui dit s’être fait « le relai des forces endogènes ».
• Pour le procureur, rien ne justifie les propos outrageants de Kémi Séba : « Tous les jours, les présidents sont critiqués. Même si certaines personnes sont acerbes, elles mesurent leurs propos (…) Stellio Gilles Robert Capo Chichi n’est pas poursuivi parce que c’est lui. Le Burkina Faso est un pays d’hospitalité. Nous ne faisons pas de différence entre les Burkinabè et les personnes venues d’autres pays. Si des individus se permettent de tenir des propos outrageants dans leurs salons, personne ne les accusera. Mais si un individu se permet dans une conférence publique de tenir des propos outrageants, quel qu’il soit, le parquet se saisira et il sera poursuivi. Vous avez parlé du président Trump. S’il vient tenir des propos outrageants ici, je pense que nous aviserons ».
• « J’aime nos présidents plus que le président Macron. Tant qu’ils se comporteront comme des serviteurs du colon, nous ferons toujours un électrochoc. Je souhaite de toute mon âme ne plus émettre ces genres de propos mais je souhaite de toute mon âme que nos présidents se comportent comme des présidents souverains et non pas comme des marionnettes dirigées par l’oligarchie française. Mon souhait le plus grand, c’est que nous n’ayons plus besoin d’organiser des manifestations, de laisser nos familles de côté pour nous battre pour la décolonisation de l’Afrique. Je souhaite que les chefs d’Etat ne soient plus des entités présidées par l’extérieur mais des présidents de leurs pays. Ce jour-là, j’enlèverai même le nom Kémi Séba et je reprendrai le nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi ».
Herman Frédéric Bassolé
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Source: LeFaso.net
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