Tout aurait pu basculer pour lui, il y a 18 ans de cela. Mais la peur d’être jugé et rejeté n’a pas eu raison de lui. Son mental d’acier et le soutien de ses proches ont été déterminants pour s’afficher et gagner la bataille psychologique contre le SIDA. A Kombissiri, Ousséni Sawadogo, marié et père de quatre enfants, nous raconte son histoire et son combat à travers l’association Buud-Sugri.

Tout remonte à 2001, lorsque Ousseni, atteint du zona ophtalmique, décide sur conseils de ses amis, de faire son dépistage du VIH-SIDA. Un courage rare à l’époque. Le résultat était positif. « Comme je souffrais déjà du zona ophtalmique, je n’ai pas réagi quand on m’a annoncé les résultats. Comment faire passer le message au niveau de la famille ? C’était cela mon inquiétude. »

« Elle a beaucoup pleuré »

Plutôt que de se murer dans le silence, le jeune attaché d’éducation au lycée provincial de Diébougou se confie à son épouse. « Nous avions deux enfants. Je lui ai expliqué qu’il serait à présent difficile qu’on ait un autre enfant. Ça n’a pas été facile. Elle a beaucoup pleuré. Je lui ai dit qu’il fallait s’armer de courage ».

Au début des années 2000, le traitement du VIH coûtait la quinine. Environ 200 000 F CFA/mois. Dans l’incapacité de se prendre en charge, un curé se propose de lui donner un coup de pouce. « Il m’a fait savoir qu’il pouvait m’aider à avoir les médicaments un ou deux mois, le temps que je prenne la relève. Je lui ai dit que ça allait être difficile pour moi, un fonctionnaire catégorie B1 », se souvient Ousséni Sawadogo.

Se rapprocher de la capitale

Un jour, en écoutant la radio, il apprit la naissance du Réseau national pour la grande implication des personnes infectées par le VIH-SIDA (REGIPIV), qui faisait le plaidoyer pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. A la tête de ce réseau, un humaniste, Mamadou Sawadogo, qui a été un véritable adjuvant pour la vie de l’attaché d’éducation en détresse. Comment se rapprocher de Ouagadougou pour bénéficier d’un traitement approprié ? Sans trop y penser, Ousséni introduit une demande de mutation pour se rapprocher de la capitale burkinabè.

En 2003, il obtient gain de cause et est affecté au lycée provincial de Kombissiri. Il sera orienté au CMA de Pissy où exerçait Médecins sans frontières. Avec l’accompagnement de ses proches et du REGIPIV, il bénéficie des traitements antirétroviraux.

« On ne peut pas changer le regard de la société »

« Aujourd’hui, je vis avec le VIH sans grande difficulté depuis 18 ans. Je ne suis pas victime de discrimination au boulot ». Pour Ousseni Sawadogo, il n’y a pas de secret en la matière. « Il faut partager son statut, accepter qu’on est malade, suivre les conseils des médecins traitants. Le problème du VIH est de l’avoir et de demeurer dans le mutisme. On ne peut pas changer le regard de la société. C’est au malade de s’adapter à la situation. Tant qu’on ne partage pas son statut, il y a toujours un poids lourd à supporter », confie-t-il.

L’engagement

En 2004, Ousséni Sawadogo n’était pas la seule personne vivant avec le VIH à Kombissiri. « Nous étions 6 ou 7 personnes dans la même situation. Nous avons décidé de nous réunir pour aider les autres qui sont dans l’ombre, qui n’ont pas le courage de s’afficher et d’accepter vivre avec la maladie ». C’est ainsi qu’est née l’association Buud-Sugri, avec le soutien du REGIPIV et de l’action sociale.

Jusqu’en 2015, l’association bénéficiait de financements de ses partenaires. Mais avec la baisse de la séroprévalence, les fonds se font rares au niveau des associations de lutte. Pour les partenaires qui réorientent les aides vers d’autres activités, la lutte contre le VIH n’est plus une priorité.

Qu’à cela ne tienne, l’association Buud-Sugri mène tant bien que mal ses activités au profit des 295 personnes de la file active du CMA. Il s’agit notamment de l’animation des groupes de parole et des clubs d’observance qui permettent aux personnes sous traitement de parler des difficultés qu’elles rencontrent dans la prise des ARV. L’association mène également des causeries éducatives à l’endroit des jeunes sur les mesures de prévention du SIDA et des IST et bénéficie, souvent, grâce au CNLS/IST, d’un appui alimentaire pour les personnes vivant avec le VIH.

Le réconfort

« L’association est ouverte à toute personne dépistée positive au test. Il n’y a pas de conditions particulières. Pourvu que la personne accepte d’intégrer nos activités, de vivre positivement son mal.

Elle ne doit pas non plus insulter et critiquer les autres », précise le président de Buud-Sugri.

Chaque jour est une lutte pour l’espoir, la dignité humaine pour Ousséni Sawadogo. Mais le plus réconfortant pour lui, nous rappelle-t-il, c’est de savoir que son épouse et leurs quatre enfants ne sont pas contaminés.

Herman Frédéric Bassolé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net