Beaucoup de jeunes au Burkina Faso ont appris le système du trading en ligne et se sont constitués en sociétés dites de trading depuis 2016. A partir de cette période, ces sociétés vont tenter d’intéresser les populations à leurs activités, en les appelant à investir chez elles. En 2019, cet appel n’aurait pas recueilli l’assentiment des autorités financières et judiciaires qui ont commencé, les unes à les interdire de percevoir l’argent du public, les autres à les soupçonner de blanchiment de capitaux. Que retenir de cette activité qui fait l’actualité au Burkina ?
« Trade » est un mot anglais qui signifie tout simplement « commerce ». Le trading veut dire alors commercialiser et le « trader », celui qui commercialise. Voilà une simplification des notions rencontrées sur le phénomène qui fait aussi l’actualité nationale, surtout ces derniers mois.
Cependant, la terminologie trading, telle qu’employée de nos jours, a deux connotations. Il désigne soit le commerce des titres financiers (achat et vente instantanés d’actions et d’obligations) ou encore le commerce de la monnaie (c’est-à-dire achat et revente de monnaies telles que le dollar, le yen, le yuan, etc., avec du franc FCA ou de l’Euro et vice-versa). Pour le premier cas, ce sont des personnes qui opèrent sur le marché financier tel que la Bourse régional des valeurs mobilières (BRVM) et spécialisées dans l’achat et la revente des titres financiers pour en tirer bénéfice. Le second cas est le plus répandu au Burkina Faso et mérite tout aussi un cours d’économie, mais très simple à comprendre qu’à pratiquer. Au Burkina Faso, c’est le franc CFA que les traders utilisent pour acheter, soit du dollar, soit du yen ou du yuan ou même de la crypto-monnaie « bitcoin » créée en 2009. Sur le marché des devises (monnaie) ou de change, on le surnomme le « trading Forex ».
Comment cela se passe-t-il ?
Des monnaies telles que le dollar, le yen, le yuan et beaucoup d’autres monnaies internationales varient perpétuellement par rapport au franc CFA, sauf l’euro (la convertibilité de l’euro par rapport au franc CFA reste fixe avec 1 euro = 655,957 F CFA). Alors, ces individus appelés traders, ont appris à observer le comportement de ces monnaies par rapport au franc CFA. Lorsque la valeur de l’une d’entre elles diminue, ils achètent cette monnaie qu’ils gardent en stock dans leurs comptes. Une fois la valeur de cette monnaie reprise, ils la revendent contre le franc CFA pour en tirer bénéfice. C’est comme une personne qui achète des arachides ou du coton, en période de récoltes. A cette période, l’arachide et le coton existent en abondance, et donc à moindre coût. Après cette période, les quantités sur le marché diminuent et les prix commencent à grimper. En revendant l’arachide ou le coton qu’elle avait acheté, cette personne réalisera un bénéfice.
C’est exactement ce qui se passe avec la commercialisation de la monnaie ou des titres financiers, appelée « trading ». Sauf que pour la monnaie, les valeurs s’ajustent chaque jour, voire chaque heure. Ce qu’il faut retenir dans ce cas d’espèce, c’est qu’il s’agit de trading en ligne, c’est-à-dire que tout se passe à travers l’internet et un compte bancaire qui possède du crédit.
Enjeux économiques pour un pays comme le Burkina Faso ?
D’abord, il faut retenir que le trading existe depuis plus d’une décennie, surtout avec l’introduction du bit coin (monnaie virtuelle) en 2009. Il est pratiqué partout dans le monde, particulièrement dans les pays développés. Il crée de l’emploi et permet à des familles de vivre. Les menaces que font peser les crypto-monnaies telles que le bit coin sur l’économie mondiale, ont été évoquées par d’éminents économistes, même si le phénomène prend de l’ampleur et n’est pas près de s’arrêter. Sa légalité également a été évoquée dans plusieurs pays surtout dans les pays développés et à travers le temps. Tout compte fait, le trading comme commerce d’argent ou d’actifs financiers, n’a pas encore fait l’objet d’une interdiction par la justice ; il s’opère donc au vu et au su de tous.
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Le cas d’espèce du Burkina Faso
Au Burkina Faso, les sociétés de trading, comme dit plus haut, commercialisent de la monnaie et des titres financiers dans une moindre proportion. Avant ces sociétés, il existait le système du trading en ligne au Faso. Créées en 2016, ces sociétés déclarent avoir obtenu l’autorisation de l’Etat burkinabè pour opérer comme telles, paient l’impôt chaque année et ont fait rentrer, depuis 2016, plus d’une dizaine de milliards dans le pays. Ce faisant, il est incompréhensible, selon elles, que cette même autorité se permette de geler leurs avoirs en banque, sous le prétexte qu’elles font du blanchiment d’argent et que l’activité est source de financement du terrorisme.
Il faut alors avouer qu’il existe des contours non-maîtrisés dans cette situation, puisque ces sociétés ont aussi une façon de faire qui diffère de ce qu’on peut voir partout ailleurs. Comme activités, elles font du trading, forment beaucoup de personnes en trading et offrent beaucoup d’avantages pour les personnes qui investissent chez elles. Parmi ces avantages, figure le remboursement de l’investissement avec un intérêt nettement supérieur à ceux que peut proposer une institution financière. Et c’est ce dernier aspect qui semble poser problème aux yeux de la justice. D’où toute l’actualité suscitée avec l’intervention de la justice, suspendant les activités de ces acteurs.
En rappel, le Conseil régional de l’épargne publique et du marché financier (CREPMF), dans un communiqué en date du 8 mai 2019, mettait en garde le public burkinabè contre les arnaques dans les placements à hauts risques. Il invitait par la même occasion les sociétés visées par le communiqué, à se conformer à la règlementation. Comme règlementation, sur le marché de la monnaie, seule une banque dispose d’une autorisation et d’une garantie auprès de la BCEAO pour percevoir de l’argent du public contre le paiement d’un intérêt. Et sur le marché financier, seule une Société de gestion et d’intermédiation (SGI) dispose de la même autorisation auprès du CREPMF, devenu Autorité du marché financier (AMF). Il reste une troisième catégorie dont les autorisations émanent du ministère de l’Economie : ce sont les institutions de microfinance.
Ce faisant, toute société qui ne remplit aucune de ces conditions, ne peut opérer comme un intermédiaire financier. Pour le cas des sociétés de trading au Burkina Faso, les acteurs déclarent avoir obtenu l’autorisation d’opérer comme société de trading. Ce qui semble être vérifié. Ce qui reste à préciser, c’est de savoir si cette autorisation leur donne le droit de percevoir de l’argent des populations pour l’investir dans le trading et leur reverser un intérêt. Si tel est le cas, l’Etat gagnerait à mieux encadrer les choses et à diligenter rapidement le dossier en justice pour accélérer les procédures ; parce que ce sont plus de 50 000 personnes qui sont directement affectées et sont en droit de porter plainte. Seulement, leur plainte aurait plus de sens, si elle était à l’endroit des sociétés qui ont perçu leur argent et non à l’endroit de l’Etat. Autrement, il faut une entente, un dialogue entre les parties-prenantes pour trouver une solution à l’amiable, aux fins d’amoindrir les frustrations en temps de guerre.
Pour le cas du blanchiment de capitaux, ce qu’il faut retenir est que si la justice soupçonne un individu, elle est en droit de l’interpeller et de procéder à la vérification de sa source de financement, peu importe l’activité de ce dernier. Le citoyen pense que la justice devrait enregistrer une plainte de la part d’une victime, avant d’engager toute procédure. L’économie doit aussi anticiper les menaces et tenter de les juguler.
Pour une économie, lorsque de la monnaie arrive frauduleusement, elle porte préjudice à toute cette économie ; parce que les autorités n’arriveront plus à contrôler la quantité de monnaie en circulation. Lorsque la quantité de la monnaie augmente dans une économie ex-nihilo, elle dégrade la valeur de cette monnaie et, partant, le niveau de vie des populations concernées, à moins qu’elle soit accompagnée d’une création de richesses dans les mêmes proportions. C’est pourquoi, la création de la monnaie est strictement contrôlée par une autorité centrale, qui l’émet et la détruit en fonction de l’évolution de la richesse de la nation. Sinon, l’économie s’engouffre dans une crise, à l’image de la crise économique de 1929, partie de la bourse de Wall Street et la crise financière de 2008.
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Etienne Lankoandé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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