Dans une lettre ouverte adressée au ministre la Justice, l’inter-syndicat des greffiers du Burkina Faso exprime sa lassitude de voir certaines de ses revendications trainer : il s’agit notamment de la création d’une Direction générale des greffes et de l’adoption des décrets d’application de la loi 054/AN du 18 décembre 2012 portant statut du personnel du corps des greffiers.

Monsieur le ministre,

Recevez dès à présent les cordiales salutations de l’inter-syndicat des Greffiers du Burkina. Nos compliments vont également à l’endroit de tous les vaillants acteurs de la justice épris de justice, d’égalité et d’équité et conscients que la réalisation avec professionnalisme de leur mission profite au peuple au nom duquel justice est rendue.

Monsieur le ministre,

Cela fera bientôt cinq (05) années que vous êtes à la tête du département en charge de la justice. Monsieur le ministre, lorsque vous aviez été porté à la tête de ce département par les plus hautes autorités du Burkina Faso, nous avions applaudi et notre joie était perceptible. On se rappelle comme si c’était hier qu’à votre installation nous vous avions félicité et encouragé, et l’ensemble des greffiers du Burkina avait pris l’engagement de vous accompagner dans la réalisation de vos missions pour une justice plus forte, juste, efficace, responsable, impartiale et indépendante.

Monsieur le ministre,

Nous étions confiants avec votre arrivée, car nous nous disions qu’enfin notre maison justice connaitra un toilettage de ses pratiques injustes et décriées, égoïstes et malsaines qui la minaient depuis belle lurette. Notre confiance était justifiée du fait que l’on vous savait autrefois acteur incontournable du monde syndical au niveau de la justice et partant un combattant émérite pour une justice débarrassée de ses tares, indépendante, mais aussi pour la liberté d’expression et d’opinion et contre les pratiques anti-démocratiques.

Monsieur le ministre,

Nous faisons nôtre de cet adage du terroir qui dit que : « l’homme change, surtout selon les intérêts du moment ou les circonstances qui se présentent à lui… ».

Aujourd’hui, monsieur le ministre, nos espoirs se sont étiolés, notre joie et notre confiance se sont effondrées, nos rêves de voir une équité pour tous les acteurs dans la maison justice se sont effrités, ne laissant rien que nos plumes et plumitifs pour les notes d’audiences.

Monsieur le ministre,

Vous rappelez vous souvent des échanges que nous avions eu la plupart du temps, lorsque vous étiez encore notre collaborateur au niveau des juridictions ? Le message à l’époque était que vous compatissiez à l’injustice criarde que subissaient les greffiers. Monsieur le ministre laissez nous vous informer que les greffiers demeurent toujours dans cette impasse et subissent davantage l’injustice quand bien même vous êtes aujourd’hui à une position qui vous permettait de mettre fin à cette gangrène.

Monsieur le ministre,

Les pratiques injustes et peu orthodoxes que vous et nous avions combattu hier demeurent aujourd’hui et pire elles se sont amplifiées de manière vertigineuse sous votre impérium. Nous sommes offusqués et à la fois affligés et nous regrettons de vous dire que le bilan à mi-parcours est exécrable, car les pratiques peu commodes d’antan arpentent toujours et à grands pas les couloirs de votre département, notre maison commune. Nous assistons avec impuissance aux manœuvres despotiques consistant à barrer à tout prix la route aux intérêts des greffiers.

Monsieur le ministre, sachez que l’ensemble des greffiers du Burkina ne mise plus sa destinée sur vous, car il a totalement perdu la confiance aveugle qu’il avait placé en vous. Qu’a-t-il eu comme acquis depuis votre arrivée à la tête du département ? absolument rien, même ce qui devrait l’être sans susciter de souffrance. Rien du tout, si ce ne sont que vos promesses qui n’ont jamais connue de début de règlement.

Monsieur le ministre,

Les chapitres des injustices à l’égard des greffiers du Burkina sont innombrables. Récemment les avant-projets de lois portant organisation judiciaire et code de procédure pénale ont été tripatouillés en vue d’y soustraire des points essentiels concernant les greffiers.

Vous souvenez-vous également de la plateforme minimale que les greffiers par leurs syndicats vous ont soumise dès votre arrivée, sur laquelle figurait en bonne place la conversion de la Direction des Greffes en une Direction générale, dont un argumentaire sur le bien fondé, ainsi qu’un projet d’organigramme de cette direction vous avaient été exposé ? Au départ vous nous avez rassurés de la création très prochaine de cette direction générale et vous l’avez réitéré devant l’ensemble des greffiers lors de la 5è conférence annuelle des greffiers le 10 mai 2016 à la Direction Générale de la Coopération.

La création de cette direction a aussi été les recommandations fortes des conférences annuelles des greffiers aussi bien de l’année 2016 sur le thème de la valorisation de la profession des greffiers au Burkina Faso, que de celle de 2018 sur la modernisation de l’administration des greffes. Cela démontre à souhait monsieur le ministre, l’attachement du corps des greffiers à la mise en place d’une Direction Générale des Greffes.

Monsieur le ministre, sur vos instructions, la Direction des affaires financières de votre departement en collaboration avec nos syndicats avions élaboré un budget estimatif de fonctionnement de la Direction Générale des Greffes et votre promesse semblait ferme. Par la suite vous avez, par comparaison avec des pays de la sous région, décidé de la création d’une direction centrale en lieu et place d’une direction générale pour des raisons que nous ignorons. Monsieur le ministre malgré le désaccord clairement exprimé par les greffiers à ce projet, ils s’en sont finalement contentés, tout en considérant cela comme une avancée.

Monsieur le ministre

La réforme institutionnelle opérée à travers la relecture de l’organigramme type du ministère de la justice suivant le décret 2019-039/PRES/PM/MJ en date du 16 avril 2019 portant organisation du ministère de la Justice, avait permis à l’ensemble des greffiers de nourrir d’espoir quant à ce qu’elle prendrait en compte notre vieille doléance en l’occurrence l’érection de la direction des greffes (Dgref) en direction générale des greffes.

Cet espoir est né du fait qu’en parcourant ce nouvel organigramme nous avons constatés une nouvelle direction générale dont la dénomination (Direction Générale des Officiers publics Judiciaires (DGOPJ) renvoie plus à la gestion du personnel du corps des greffiers et autres auxiliaires de justice. Aussi, du point de vu de ses attributions, elles ne sont rien d’autres qu’une reprise de celles de la direction des greffes. Nous avons été réconfortés dans notre espoir parce que nous estimions que le garde des sceaux, ministre de la justice que vous êtes, ne s’aventurerait pas à ramener notre direction des greffes sous une direction générale sans responsabiliser enfin un personnel du corps des greffiers à la tête de ladite direction générale, et ce en dépit de notre combat, que vous êtes plus avertis, pour l’érection de la Dgref en direction générale.

Monsieur le ministre,

Contre toute attente, et comme un coup de massue, nous l’avons reçu au soir de ce conseil des ministres en sa séance du mercredi 10 juillet 2019, à travers la nomination d’un personnel autre que celui des greffiers à la tête de cette direction générale qui, pourtant leur est consacrée. Cela constitue pour nous une énième provocation de votre part à l’égard des greffiers.

Nous nous interrogeons sur l’opportunité de cette direction générale si tant est qu’elle sera dirigée par autre profil qu’un officier public judiciaire. Sauf pour y maintenir une fois de plus les greffiers sous le dictat des autres.

Monsieur le ministre, l’ensemble des greffiers du Burkina aimerait savoir pourquoi avez-vous pris sur vous l’engagement de permettre une nomination pareille qui ramène les greffiers au bas de l’échelle. Après avoir obtenu une direction centrale au lieu de procéder à son ascension, vous nous ramener à la direction technique.

Monsieur le ministre,

Il est aussi nécessaire de vous rappeler la lenteur que vous marquez dans le processus devant aboutir à l’adoption par le gouvernement de nos textes d’application. Nous avons obtenus de l’ensemble des greffiers une trêve de leur mouvement d’humeur enclenché depuis avril 2019. Cette trêve, obtenue auprès de nos militants avait pour but de faciliter la poursuite avec sérénité du dialogue social entamé en vue de vous permettre d’une part, de liquider la question du reversement (pour fin juillet 2019), et d’autre part, d’introduire pour adoption en conseil des ministres, les projets de textes règlementaires de la loi 054 portant statut du personnel du corps des greffiers.

Monsieur le ministre,

Si la question du reversement a connu un pas significatif malgré l’ajournement de la date de constatation de son incidence financière dû au réaménagement du chronogramme pour la prise des actes y afférents, il n’en a pas été le cas pour les textes d’application. Cela fait deux (2) mois pour compter de la trêve, que nous sommes toujours dans l’attente de l’adoption en Conseil des ministres des projets de textes règlementaires de la loi n°054/AN du 18 décembre 2012 portant statut du personnel du corps des greffiers.

Monsieur le ministre,

L’adoption des textes d’application de la loi suscitée n’appelle pas à des solutions miracles, admettez qu’elle est d’une légitimité indéniable. Ayez donc l’humilité de vous interroger dans votre for intérieur, et vous réaliserez que les greffiers du Burkina ont été très sensibles et gentils envers vous durant toutes ces années de promesses sans suite. Nous avions beaucoup d’estime à votre égard, tout simplement parce que votre parole donnée, nous l’avions cru à un moment.

Notre patience et notre sens du dialogue devraient au contraire vous permettre de vous amender en faisant diligence pour la satisfaction totale de notre plateforme qui n’a que trop durée. Mais hélas, que de déception à grande échelle !

Monsieur le ministre

Nos militants ne sont plus à mesure de contenir leur patience de voir les textes d’application adoptés. Et nous, responsables syndicaux, sommes-nous tenus du devoir de redevabilité à leurs égards. Nous ne serons plus à mesure d’être de « connivence » avec vous, en nous évertuant à justifier votre manque de volonté à traduire vos promesses en réalité auprès de nos militants.

Monsieur le ministre,

Tous ces faits et agissements de votre part démontrent à souhait votre mépris et le manque d’estime à l’égard des greffiers. Cette attitude venant de vous risque sans nul doute, de mettre à mal le climat de travail et de collaboration dans les juridictions.

Monsieur le ministre,

C’est au regard de tout ce qui précède, que nous syndicats des greffiers :

- condamnons avec la dernière énergie les pratiques discriminatoires et injustes particulièrement à l’égard du personnel du corps des greffiers ;

- exigeons enfin, la création de la direction générale des greffes ;

- exigeons l’adoption, sans délais, des décrets d’application de la loi 054/AN du 18 décembre 2012 portant statut du personnel du corps des greffiers.

Monsieur le ministre, nous vous tiendrons sans ambivalence, pour responsable quant au dysfonctionnement du service public de la justice, et à la détérioration du climat de travail qui prélaverait les jours à venir, aussi bien dans les juridictions qu’à la chancellerie.

Monsieur le ministre, recevez l’expression de nos distinguées salutations.

Fait à Ouagadougou, le 25 juillet 2019

Pour le Syndicat National des Greffiers (SYNAG)

LANKOANDE Jean

Pour le Syndicat des Greffiers du Burkina(SGB)

SIMPORE Mathieu

Source: LeFaso.net