Ce vendredi 21 juin 2019, Ablassé Ouédraogo, président du Faso autrement a visité à Pazani au secteur 38, arrondissement 9 de Ouagadougou, deux sites qui accueillent des déplacés venus de Silgadji. Il dit être venu exprimer sa compassion à l’endroit de ces personnes qui ont tout abandonné pour sauver leurs vies.

L’arrondissement 9 de Ouagadougou accueille plus de 1300 déplacés venus du Sahel sur huit (08) sites. Pazani, au secteur 38 dudit arrondissement accueille les déplacés sur cinq sites. Ce sont deux de ces sites qui ont reçu la visite d’Ablassé Ouédraogo, président du Faso autrement.

Sur place, des déplacés, tous de la même famille originaire de Toèga dans le Kourwéogo, mais installée à Silgadji depuis plusieurs générations. L’un des ainés, S. S. raconte les circonstances de leur arrivée à Ouagadougou aidé par des parents de leur village d’origine : « C’est la peur qui nous a fait fuir. Tout a commencé avec l’assassinat du pasteur et de sa famille. Puis les attaques terroristes se sont multipliées et d’autres personnes ont été tuées. Au regard de la menace de plus en plus présente, nous avons décidé de fuir. J’y ai laissé une vingtaine de chevaux qui errent en brousse. Mais l’essentiel, ici nous sommes en sécurité. »

Sur le premier site visité par Ablassé Ouédraogo, les déplacés arrivés il y a 13 jours, disent avoir loué à 12 500 F CFA pour le mois chacune des maisons qu’ils occupent. Pour ce qui concerne la nourriture et l’eau, ce sont de bonnes volontés qui laissent parler leur cœur en leur apportant de quoi subsister.

Sur le second site par contre, les déplacés sont hébergés dans une école. Là également ce sont de bonnes volontés qui leur apportent des vivres.

Aucun intrus parmi nous…



Le souhait de ces déplacés, c’est de rejoindre un site aménagé où ils pourront être pris en charge. Mais ne leur parlez surtout pas de se rendre à Barsalgho ou Foubé tel que suggéré par le gouvernement. Le traumatisme, les massacres et l’horreur vécus leur a ôté toute envie d’y retourner. « On nous a demandé de retourner d’où nous venons. Barsalgho et Foubé c’est pareil que d’où nous venons. Si nous avons pris la fuite, c’est parce que nous avons vu les massacres, ce n’est pas suite à des témoignages. C’est ce que nous avons vécu. Ce n’est pas que nous voulons désobéir au gouvernement, mais ne nous voulons vraiment pas retourner. »

« Le jour où ils sont venus nous dire que si nous voulons de l’aide, nous devons aller à Foubé ou Barsalgho, nous étions tellement tristes que nous avons perdu l’appétit. Foubé n’est pas loin de Silgadji et les massacres sont fréquents, nous ne voulons donc pas y aller. », se confie toute triste S. Ouassilatou.

Et sur la question de la possible infiltration en leur sein d’éventuels terroristes, S.S. se veut catégorique « Ici nous sommes tous de la même famille. Nous avons le même aïeul et venons tous de Toèga. Aucun intrus ne peut être parmi nous. »

Il est appuyé dans ses dires par Y. K. « Les autorités peuvent venir faire des contrôles pour se rassurer que parmi nous il n’y a aucun terroriste. Nous sommes tous de la même famille. »

Des femmes et des enfants apeurés…

S’il y a une chose qui saute aux yeux sur les deux sites, c’est le grand nombre d’enfants et de femmes. Tout comme S.S, les femmes ne souhaitent plus retourner à Silgadji, tant le traumatisme est encore présent. « Quand les terroristes venaient dans le village, nos hommes fuyaient pour se cacher. Mais à un moment donné, lorsque les terroristes ont constaté l’absence fréquente des hommes, ils se sont mis à battre les femmes et à piller les biens. Depuis que nous sommes arrivés ici, nous sommes en sécurité. Nous ne voulons pas y retourner quand on pense à tous les massacres et toutes ces veuves qui sont restées là-bas, parce que ne sachant pas où aller. C’est toute cette peur qui nous a poussés à partir. », témoigne K. Y, un enfant dans les bras.

Une maman désespérée…

Alors que les visiteurs du jour s’apprêtent à quitter leur site, une maman décide d’expliquer ses déboires. Son fils et l’un de ses frères ont été invités par un homme pour, dit-il , aller « causer ». Et depuis trois jours qu’ils sont partis plus aucune nouvelle des deux. « Je suis vieille et ce sont ces deux qui sont mon soutien. Mais s’il leur arrive quelque chose, que vais-je devenir ? Je suis arrêtée devant vous vivante, mais je ne suis pas heureuse. Ma vie est finie. Depuis avant-hier, je ne peux pas manger, je ne peux rien faire, je suis rongée par l’inquiétude. », confie-t-elle au bord des larmes.

Une mairie surprise et dépassée par l’arrivée des déplacés

Selon Hamadé Sawadogo, 2e adjoint au maire de l’arrondissement 9, l’arrivée des déplacés a été une surprise, de sorte qu’aucune aide provenant de l’arrondissement n’a pu être fournie aux déplacés. La seule action entreprise par la mairie, c’est le dénombrement des déplacés. « L’arrondissement ne peut pas donner un soutien quelle que soit la forme. Mais l’arrondissement peut porter, lancer un cri du cœur à l’endroit des bonnes volontés de l’arrondissement et au sein du gouvernement. » Et selon l’adjoint au maire, cet appel a été entendu et de bonnes volontés apportent des vivres et de l’eau aux déplacés. Occasion pour lui de saluer ces généreux donateurs.

Ablassé Ouédraogo appelle à la réconciliation

C’est pour témoigner sa compassion aux déplacés, que Dr Ablassé Ouédraogo dit avoir effectué le déplacement sur les deux sites. Et pour lui, au regard de tout ce qu’ont vécu ces déplacés, le gouvernement devrait travailler à leur offrir le minimum. C’est en cela que la solidarité nationale prend tout son sens.

Il ajoute par ailleurs : « Il faut que le gouvernement comprenne que tous ceux qui ont fui ne vont pas retourner ni à Barsalgho, ni à Foubé comme il le demande tout simplement parce que ces personnes sont traumatisées. Le danger qui les a fait quitter le sahel existe toujours. Le gouvernement de façon responsable doit attaquer le mal à sa racine au lieu de chercher des solutions provisoires. », martèle le président du Faso autrement.

Il recommande alors au gouvernement de prendre toutes les dispositions pour stabiliser la situation sécuritaire sur toute l’étendue du territoire. « La réalité est que le Burkina Faso sous peu sera fait de personnes déplacées. »

C’est pourquoi il appelle le gouvernement à la réconciliation pour tenir tête aux terroristes.

« N’ayons pas peur des mots, n’ayons pas peur des actes, Président Kaboré allons à la réconciliation ! Asseyons-nous tous, le Burkina Faso est notre pays, il appartient à nous tous de le défendre. Un, on est fort, divisés, nous allons tous disparaître. », a lancé Ablassé Ouédraogo à l’issue de sa visite.

Justine Bonkoungou

Lefaso.net

Source: LeFaso.net