Le syndicat de la police, Alliance police nationale (APN), depuis sa sortie du 31 mai 2019, semble traverser une zone de turbulences. Des sanctions viennent d’être prises à l’encontre de ses deux premiers responsables, notamment le secrétaire général et son adjoint. Pour mieux éclairer la lanterne de nos lecteurs, nous avons eu un entretien, au téléphone, ce jeudi 13 juin 2019, avec le secrétaire général adjoint de l’APN, Ousmane Ouédraogo. Avec lui, il a été question des sanctions qui leur ont été infligées.

Lefaso.net : Suite à la dernière sortie de l’Alliance police nationale sur la non- satisfaction de sa plateforme revendicative, la hiérarchie de la police nationale a réagi en sanctionnant le secrétaire général et son adjoint, ce mercredi 12 mai 2019, par des blâmes. Qu’est-ce qui vous a été reproché par la hiérarchie ?

Ousmane Ouédraogo : Ce qui nous a été reproché est lié à notre conférence du vendredi 31 mai 2019. Elle nous reproche, à cette sortie, d’avoir tenu des propos blessants à l’encontre de la hiérarchie. Et aussi d’être venu au camp CRS installer le bureau syndical sans une autorisation de la hiérarchie.

En ce qui concerne ces reproches de la hiérarchie, nous pensons qu’il y a autre chose car au niveau du syndicat, la loi a été très claire : il n’y a pas de subordination. Mais s’ils veulent forcer les choses et tordre le cou au droit, c’est peut-être parce qu’ils sont actuellement aux commandes. Sinon, on ne comprend pas réellement l’opportunité d’une telle décision.

Lefaso.net : Quelle est la sanction que la hiérarchie vous a infligée ?

C’est le blâme et dans notre corps, une telle sanction pèse au niveau des concours professionnels de la police. Par exemple, si on dit qu’un agent a été blâmé, cela signifie que pendant cinq ans l’intéressé ne peut faire de concours professionnel pour pouvoir évoluer en grade. Et si vous récidivez, c’est un autre blâme encore qui est prononcé comme une seconde sanction et enfin suit la radiation.

Lefaso.net : Est-ce qu’à votre niveau une démarche sera entreprise par suite à cette sanction ?

Je pense que nous sommes dans un Etat de droit et si un individu venait à être lésé dans ses droits, le tribunal administratif est là. Et dans les jours à venir, nous pensons saisir le tribunal administratif en ce qui concerne cette sanction. Et cela nous rappelle encore le cas de la délivrance du récépissé de l’APN.

Après avoir refusé de nous le délivrer, nous avons jugé que nos droits ont été bafoués et après saisine, le droit a été dit et le syndicat est entré en possession de son récépissé. Et nous comptons encore repartir au niveau du tribunal pour réparation contre cette sanction.

Lefaso.net : Le syndicat compte-t-il mener des actions pour vous soutenir après à cette sanction ? Encore un mouvement d’humeur comme on dit dans votre corps ?

Non, un syndicat dans le corps de la police n’a pas le droit de grève. En fait, cela même peut être un piège pour inciter les militants à faire un certain nombre de choses et toute de suite on prend un arrêté en conseil des ministres pour suspendre le syndicat APN. A ce moment, vous vous retrouvez dans le bateau et ceux-là qui ne veulent pas la vérité vont profiter pour user et en abuser.

Je vous signale au passage que le syndicat est toujours là puisque premièrement c’est le secrétaire général qu’on a sanctionné croyant qu’ils vont nous affaiblir et ensuite le secrétaire général adjoint qui est sanctionné parce que les lignes ont commencé à bouger. De toutes les façons, le bureau du syndicat va continuer d’avancer avec les autres membres.

Lefaso.net : Vous avez été critiqué par le président par intérim du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) lors d’un déjeuner de presse. Quelle est votre réaction ?

Sur cette question, si Simon Compaoré veut être juste avec lui-même, je pense qu’avec l’UNAPOL de Wakilou, il a promis une dotation importante à la police nationale et mieux, il y a eu un protocole d’accord qui a été signé. De 2017 à 2019, dans un Etat qui se respecte et face à la situation sécuritaire, on n’a pas besoin de mettre deux ans pour acquérir du matériel de travail.

C’est lui-même Simon Compaoré qui avait signé le protocole d’accord disant qu’il allait doter la police en matériel. Rappelez-vous, il y a eu une attaque où cinq policiers ont perdu la vie et quand il s’est rendu sur place, qu’est-ce qu’il a dit publiquement ? Il a dit que « la force de frappe de l’ennemi était forte, que l’ennemi est venu avec des TKMS et que nos soldats n’avaient que des AK47. Cela n’était-il pas une manière d’exposer nos soldats ? » Mais pourquoi les gens oublient trop vite ? Et c’est le même qui dit aujourd’hui, deux ans après, des choses pareilles. On se demande souvent si nous sommes dans un Etat de droit.

Propos recueillis par Issoufou Ouédraogo

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Source: LeFaso.net