Du charbon fin de IAMGOLD Essakane SA, on en reparle. Cette fois, c’est le Réseau national de lutte anti-corruption qui donne de la voix à travers une conférence de presse animée ce 27 mai 2019 à Ouagadougou. Il y a bel et bien eu fraude à la commercialisation de l’or, exportation sans déclaration, détournement de marchandises soumises à autorisation spéciale de leur destination. C’est donc une quantité importante d’or qui quitte illégalement le territoire national, sous le regard attentiste et coupable des autorités.
Rappel. La brigade nationale anti-fraude de l’or a saisi et mis sous scellés, au cours du weekend du 29 au 30 décembre 2018, une trentaine de conteneurs de charbon fin contenant de l’or, de l’argent, sur le point d’être exporté vers le Canada. La presse révélait par la suite qu’il s’agissait d’une tentative d’exportation frauduleuse d’or, maquillée en exportation de déchets de charbon.
Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) note que le ministère des Mines et des carrières qui devrait en pareille circonstance diligenter une enquête pour ‘’voir clair » dans cette affaire, s’est simplement contenté de réfuter les allégations, tout en défendant la société incriminée.
Et pourtant, a soutenu la structure de lutte contre la corruption, « de sources sûres et concordantes, il y a bel et bien eu tentative d’exportation frauduleuse d’or de la part de IAMGOLD Essakane SA ». Le secrétaire exécutif, Sagado Nacanabo et son équipe notent que :
Les conteneurs saisis contenaient des sacs avec du minerai
les teneurs déclarées ont été sous- estimées, elles sont anormalement élevées par rapport à celles rencontrées dans le charbon fin des autres mines et par rapport au minerai,
la pesée des sacs a montré que les masses humides des sacs ont été bien souvent sous-estimées, induisant une forte minoration des quantités de matière précieuse. Le différentiel de poids sec déclaré est ainsi de 67, 4 tonnes. En prenant en compte les teneurs déclarées par IAMGOLD Essakane SA pour l’or et l’argent, on aboutit à 59,048 kg d’or et 24,11 kg d’argent non déclarés.
En plus, le REN-LAC ajoute qu’une expertise douanière portant sur les exportations litigieuses de charbon fin et autres substances minérales effectuées par la société IAMGOLD Essakane au cours des années 2015, 2016 et 2018 confirme également les soupçons de fraude dans cette opération d’exportation.
De tout cela, plusieurs délits ont été commis :
le détournement de marchandises soumises à autorisation spéciale de leur destination privilégiée
l’exportation sans déclaration
la fraude à la commercialisation de l’or
l’infraction à la règlementation des changes
Malgré tout, « le ministère des Mines et des carrières s’est permis d’accorder à IAMGOLD Essakane SA l’autorisation , en 2015, d’exporter au Canada 447, 288 tonnes de charbon fin qui contiendraient 514,439 kg de métaux précieux (or et argent) en vue d’un traitement métallurgique, en violation des textes en vigueur. Il a répété cette même forfaiture en 2016 et 2018 », clame le secrétaire exécutif, Sagado Nacanabo. Ce qui est choquant, ont regretté les conférenciers, c’est que tout cela se fait avec « la bénédiction voire la complicité de l’autorité ».
Et Bruno Kéré, chargé de plaidoyer et lobbying, d’ajouter que les acteurs du domaine de l’exploitation minière s’accordent pour dire que l’exportation du charbon fin n’est pas économiquement rentable. Alors, il se demande bien pourquoi IAMGOLD Essakane SA se donne tant de peines. Il y a manifestement anguille sous roche.
En tout état de cause, le REN-LAC qui exige que toute la lumière soit faite sur cette affaire, et que ceux qui se sont compromis rendent compte, dit envisager toutes les possibilités. Une action en justice n’est pas exclue.
La CNSS et son recrutement frauduleux
L’autre point abordé par les conférenciers, c’est le recrutement frauduleux constaté à la Caisse nationale de sécurité sociale et dénoncé par le comité CGT-B de ladite structure. L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) et le parquet, à travers la gendarmerie, ont mené des investigations qui ont confirmé la fraude dans le recrutement, selon Sagado Nacanabo.
Ainsi, deux personnes ont été appréhendées et elles séjournent à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), en attendant de passer devant le juge. Mais le dossier est en souffrance, et pour cause. La paralysie de la justice depuis octobre 2018. Ce fut ainsi l’occasion pour le REN-LAC d’inviter le gouvernement à se pencher sur les préoccupations des acteurs de la justice pour lever les goulots d’étranglement au risque d’encourager la justice privée.
Au regard des différentes affaires pendantes et d’autres qui ne cessent d’être révélées, le REN-LAC a estimé que l’état actuel de la gouvernance n’est point satisfaisant. Ce qui fait dire à Sagado Nacanabo et à ses limiers que les promesses de « tolérance zéro » et de « gouvernance vertueuse » promises par Roch Kaboré au lendemain de son élection, sont trop lourdes à porter pour lui et pour ses différents gouvernements.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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