Dans la tribune ci-après, Maurice Beda parle d’échec de l’administration territoriale dans la prévention et la gestion des crises au Burkina. De son point de vue, des réformes sont indispensables dans ce département ministériel pour permettre la restauration de l’autorité de l’État au Burkina.

Tout récemment, je lisais en ligne sur la page de la Présidence du Faso un article qui avait pour titre : ‘’ Insécurité dans les régions : le président du Faso instruit les gouverneurs de rassurer les populations. » (Gaoua, 26 avril 2019).

Si le sommet de l’Etat arrivait à comprendre et à admettre publiquement que l’une des causes de l’insécurité et des crises communautaires à répétition au Burkina se trouve dans la défaillance de l’administration territoriale, le pays pourrait être en bonne voie pour trouver l’une des réponses durables à ses préoccupations actuelles, me suis-je dit après lecture dudit article.

Conformément au Décret N°2019-0139 du 18 février 2019 portant attributions des membres du gouvernement, le ministère de l’Administration territoriale est en charge entre autres :

- de la représentation et de la permanence de la présence de l’Etat sur le territoire national ;

- des relations de l’Etat avec les communautés coutumières, religieuses et la chefferie traditionnelle ;

- du suivi de l’application de la règlementation en matière de libertés d’association à but non lucratif ;

- de la collecte et de l’exploitation de toutes informations se rapportant à la mission générale d’administration du territoire ;

- de la gestion des risques et catastrophes par la prévention, la prévision et l’intervention ;

- de la prévention et de la gestion des conflits fonciers, inter-communautaires et culturels, miniers avec les ministères compétents.

Cette ossature d’attributions régaliennes donne à ce ministère un rôle de premier plan dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et stratégies en matière d’administration du territoire.

C’est pourquoi, même si au Faso la pratique s’en moque visiblement parfois, c’est selon bien sûr, théoriquement le gouverneur de région, le haut-commissaire de province et le préfet de département sont les dépositaires de l’autorité de l’Etat. Et à ce titre, ils coordonnent toutes les politiques publiques de l’Etat dans leur ressort territorial.

Que parmi ces dépositaires de l’autorité de l’Etat, certains soient mal perçus aux yeux d’une catégorie de citoyens en raison de leurs accointances politiques affichées ou de leur style de management en déphasage avec les mutations actuelles, là n’est pas l’objet de mon cri du cœur.

Que parmi ces dépositaires de l’autorité de l’Etat, d’autres fassent en toute discrétion des pieds et des mains pour être relevés de leurs fonctions en raison de la précarité financière et logistique de leurs services ou des railleries sournoises de quelques administrés et agents publics à leur égard, cela n’est pas non plus l’objet de cette tribune.

La situation nationale de l’heure exige de chaque citoyen un minimum de langage de vérité sur la défaillance, plutôt la décadence de la politique nationale d’administration du territoire.

Le ministère en charge de l’Administration du territoire a fait preuve de passivité là où il devrait travailler à prévenir les crises. Il s’est résolu à faire le constat de faits malheureux là où il devrait agir pour empêcher leurs survenues et il faut oser le dire.

D’aucuns diront qu’il a fait de son mieux avec les moyens du bord, peut-être. Mais son rôle était plutôt d’agir pour empêcher la survenue de ce cycle d’évènements tristes dont les signaux étaient déjà perceptibles par de nombreux citoyens.

À l’image d’autres départements ministériels, je m’autorise à dire que l’essence du département en charge de l’Administration du territoire a été érodée par l’égoïsme de certains responsables et cadres, galvaudée par les pratiques politiques politiciennes des différents régimes et siphonnée par l’appétit vorace des assoiffés de fonctions ronflantes. Au résultat, même les auteurs de cette débâcle administrative s’étonnent aujourd’hui de l’effritement de l’autorité de l’Etat.

‘’Le pays est gouverné  ». Contrairement à cette célèbre formule d’un ancien ministre burkinabé, ayons le courage d’écorcher notre orgueil national et rendons-nous à l’évidence, la gouvernance est à vau-l’eau au Faso et l’autorité de l’Etat est mise à rude épreuve. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment des gouverneurs, hauts-commissaires et préfets peinent à assumer la plénitude de leurs fonctions et sont obligés de courir derrière les évènements.

De Tialgo à Zoaga en passant par Karangasso-Vigué, Yirgou, Arbinda, le ministère en charge de l’Administration territoriale doit assumer sa part de responsabilité dans ces tristes évènements. Il a failli à sa mission de prévention et de gestion de conflits, les insuffisances de ses actions ont ébranlé la cohésion sociale.

Comment asseoir une administration territoriale en phase avec les défis de l’heure ?

Ou comment mettre les dépositaires de l’autorité de l’Etat au diapason des nouvelles dynamiques sociales ?

Ou encore comment construire une intelligence territoriale performante et proactive ? Voilà des préoccupations qui méritent d’être inscrites en priorité dans l’agenda de ce ministère clé car si l’Etat n’impose pas son autorité à temps à travers de profondes réformes et des actions concrètes, les groupes privés imposeront durablement la leur à l’Etat.

BEDA Maurice, citoyen burkinabé

Source: LeFaso.net