La surpopulation des enseignants dans les écoles de Ouagadougou était au cœur d’une conférence publique organisée, le samedi 27 avril 2019, par le Centre national de presse Norbert Zongo et la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest, en collaboration avec la radio Ouaga FM. Autour de la table, trois conférenciers : le Pr Albert Ouédraogo, ancien ministre des Enseignements secondaire et supérieur, Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B) et Wendyam Zongo de la Coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE).

C’est une lapalissade de dire que Ouagadougou concentre un très grand nombre d’enseignants au grand dam des zones rurales ou des autres centres urbains où le besoin est criard. Une enquête parlementaire menée en 2017 a d’ailleurs révélé qu’il y a un surplus de plus de 500 enseignants dans la ville de Ouagadougou. La question préoccupe le Centre national de presse Norbert Zongo et la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest, qui ont invité trois acteurs du monde du travail et de l’éducation pour décortiquer le sujet, en vue d’amener l’autorité à corriger une injustice. Il s’agit d’Albert Ouédraogo, professeur de littérature orale africaine et ancien ministre, Bassolma Bazié, secrétaire général de la CGT-B et Wendyam Zongo de la CNSE.

La salle était pleine jusqu’à la fin de la conférence

Elle menace de quitter son époux si…

Dans sa communication Introductive, le Pr Albert Ouédraogo est revenu sur les conditions déplorables dans lesquelles vivent les enseignants : difficultés d’accès aux écoles, logements indécents, problèmes de nourriture et de santé, etc.

Il a raconté au public une anecdote sur une dame qui avait menacé de quitter son époux si jamais celui-ci n’était pas affecté dans un centre urbain. « Je pensais que c’était de la plaisanterie. Une semaine plus tard le mari est passé à mon bureau et il se trouvait que j’étais à l’université pour mon cours.

Il a pris des comprimés pour se suicider. Il a fallu faire intervenir les sapeurs pompiers. » Pour le conférencier, le métier de l’enseignant est un métier à risques si bien qu’il faudra que les autorités leur accordent une prime de risque, surtout en cette période où l’insécurité affaiblit le système éducatif, sous le regard impuissant des enseignants, parfois victimes de la folie de terroristes.

Pr Albert Ouédraogo, ancien ministre des enseignements

« L’enseignant ne s’affecte pas de lui-même »

A sa suite, Wendyam Zongo de la Coordination nationale des syndicats de l’éducation a rappelé au public que « l’enseignant ne s’affecte pas de lui-même » et que cela relève des prérogatives de l’administration. Il a également rappelé la lutte menée par les syndicats pour l’encadrement des textes portant notamment affectation des agents pour nécessité de service.

Ce, afin de mettre fin aux abus constatés par l’autorité. « Ce n’est pas la faute de l’enseignant s’il se retrouve à Ouaga et qu’il n’a pas de poste. L’autorité devrait prévoir les postes nécessaires en lien avec l’emploi », a fait remarquer Wendyam Zongo, avant de relever une forte concentration d’enseignants expérimentés à Ouagadougou, ce qui joue sur la qualité de l’enseignement dans les autres centres.

Wendyam Zongo, de la Coordination nationale des syndicats de l’éducation

« Est-ce que le système éducatif est le nôtre ? »

Quant à Bassolma Bazié de la CGT-B, il a clarifié le thème du jour en avançant qu’il est excessif de parler de surpopulation des enseignants. Le terme approprié, selon lui, serait « effectifs en supplément ». Pour Bassolma Bazié, ces effectifs ne sont pas liés à l’accroissement de la population mais plutôt au manque d’infrastructures et à la non application des textes. Le secrétaire général de la plus grande centrale syndicale du Burkina Faso, s’est également interrogé sur le système éducatif hérité du colonialisme et qui n’est pas orienté dans le sens du développement des pays africains. « Est-ce que le système éducatif est le nôtre ? », a-t-il lancé. Pour lui, les affectations pour nécessité de service ont toujours été une occasion pour l’autorité de privilégier ses proches et de punir ses adversaires.

Des participants à la conférence estiment que les effectifs pléthoriques des enseignants à Ouagadougou sont intimement liés aux effectifs des élèves pouvant atteindre 120. Pour sa part, le président de l’Association des élèves du secondaire de Ouagadougou, Dramane Sankara, dit être étonné que l’on parle de surpopulation alors que des établissements de la capitale ont un manque criard d’enseignants dans certaines matières telles que l’anglais.

Bassolma Bazié, secrétaire général de la CGT-B

Pour un plan « Marshall » de l’éducation

Des recommandations ? Les trois conférenciers en ont fait à profusion. Il faudra, selon eux, adopter un plan Marshall du système de l’éducation, rendre les zones rurales moins répulsives mais plus attractives, équilibrer les ressources humaines selon l’expérience, dépolitiser l’administration et gérer le personnel éducatif de façon rationnelle à travers l’adoption d’un plan de carrière et l’utilisation d’un logiciel pour suivre la mobilité des enseignants, réduire les effectifs pléthoriques dans les classes, et mettre en œuvre intégralement la plate-forme de la CNSE.

Invités à prendre part à la conférence, l’Assemblée nationale et le ministère en charge de l’Education étaient absents. Cela a été perçu par certains participants comme une fuite en avant de l’autorité sur les problèmes réels qui minent l’éducation burkinabè.

Une minute de silence a été observée pour la mémoire des cinq enseignants tués dans une attaque terroriste dans la commune de Comin-Yanga, dans la région du Centre-est.

Herman Frédéric Bassolé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net