Fleur, ou Fleur Ouédraogo à l’état civil, est l’une des valeurs sûres de la musique burkinabè. Du haut de ses 25 ans, elle a déjà un album sur le marché. Elle écume des scènes au plan national et chante l’amour. Révélée au public grâce à des compétitions musicales, Fleur prépare actuellement un nouveau single qui sortira dans les jours à venir. Lefaso.net l’a rencontrée ce jeudi 25 avril 2019. Entretien !

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Je suis Fleur Ouédraogo à l’état civil. Mon nom d’artiste est Fleur.

Quelque chose vous a certainement poussée à devenir musicienne. Quelle est votre histoire ?

Ça a commencé depuis le ventre de la maman. Depuis tout bébé, quand j’entendais de la musique, je cessais de pleurer. Et mon grand-père me berçait en disant : « Une fleur au chapeau, à la bouche une chanson, un cœur joyeux sincère, et c’est tout ce qu’il faut, à nous autres qui marchons, pour aller au bout de la terre » [Ndlr : chanson scout].

C’était une façon pour lui de me dire que je serai une chanteuse à l’avenir. Tout ce qu’il a prédit sur ses petits-enfants s’est réalisé. Tous ceux à qui il a prédit qu’ils iront vivre à l’étranger, y vivent. Tous ceux à qui il a prédit qu’ils seront sportifs sont aujourd’hui des sportifs et moi chanteuse. Il avait plus ou moins façonné notre destinée.

Chaque musicien a un rythme dans lequel il évolue. Vous, vous semblez être dans un style particulier.

Je chante. Mon rythme peut être appelé de l’afrobeat, un style africain. Au lieu de dire « ambiance facile », je dirais « afrobeat ».

À ce jour, quelle est votre production discographique en termes d’albums ?

Jusqu’aujourd’hui, Fleur n’a qu’un album sur le marché avec quelques featurings. C’est un album de neuf titres avec trois featurings. Un single va sortir dans dix jours [Ndlr : l’entretien a été réalisé le 25 avril 2019].

Avec quels artistes avez-vous fait des featurings et quelle est l’importance du featuring ?

J’ai fait un featuring avec Isca, Imachel, Will Be Black et Malika. Son importance, c’est de se frotter aux publics, de se faire connaître par le public de l’autre artiste.

Comment avez-vous vécu vos premières heures d’artiste musicienne ?

Je les ai vécues plus ou moins sous les projecteurs, parce que moi j’ai fait tellement de compétitions grâce auxquelles on me connaissait avant que je ne devienne artiste. Je dirais qu’on m’a accueillie les bras ouverts. Et c’était assez facile parce que quand j’ai commencé, il y avait plein de choses que je ne connaissais pas et il y en a qui se sont fait le plaisir de me les montrer.


Pouvez-vous revenir sur les compétitions auxquelles vous avez participé et qu’est-ce que cela vous a apporté ?

J’ai participé à Faso académie, premièrement en 2010, et [à une autre compétition] à Ouaga Fm plusieurs fois, sans jamais être première. Mais la compétition à laquelle j’ai été lauréate, ce fut « Airtel trace music star » en 2015. Cela m’a apporté beaucoup d’expériences. Ça m’a donné plus ou moins l’esprit compétitif, de telle sorte que quand je travaille, que ce soit en équipe ou en solo, je veux être parmi les meilleurs.

Aujourd’hui, il y a un débat sur l’utilisation de l’image de la femme dans les clips vidéo. Vous-même avez fait l’objet de polémique sur la question. Quel est votre avis sur le sujet ?

Aujourd’hui, il ne faut pas exagérer. Dans les clips burkinabè, on voit rarement des femmes se dénuder ; c’est moins qu’ailleurs. En fait, c’est du business. Mais j’ai l’impression que le citoyen lambda ne le comprend pas. Si les artistes masculins prennent des filles, les mettent dans leurs clips pour qu’elles exhibent leur beauté, c’est pour le commercial.

Ce n’est pas pour rien, c’est pour vendre. De la même manière dont les téléspectateurs regardent et commencent à baver et vont en parler dans les grins de thé et dans les lieux publics, c’est de cette même manière que ça se vend. C’est juste et purement commercial. Cela n’a rien à voir avec quelque chose de personnel.

D’aucuns disent que cela contribue à la dépravation des mœurs…

Quelles mœurs ?

Des enfants peuvent vouloir imiter des clips qu’ils ont vus à la télé par exemple.

N’exagérez pas. Les artistes n’éduquent pas forcement les enfants. Mais ce que les enfants voient dans la rue les éduquent déjà. Il ne faut pas jeter cela sur la tête des artistes. Il y a assez de coins noirs et lugubres qu’on voit dans les rues et personne ne fait rien. Il y a plein de lieux interdits aux mineurs mais on voit des enfants de 13 ans y pulluler aux environs de minuit, 2h du matin… Ces gens consciencieux ne font rien pour ça. Mais quand c’est des artistes qui prennent des gens majeurs, qui sont conscients de leur vie et de leur avenir, pour prester dans leurs clips, les gens se permettent de parler !

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre métier ?

Je me suis tellement habituée aux difficultés que je ne les vois plus comme telles. Le regard des gens… ils se permettent de te juger comme une bonne personne ou une mauvaise parce que tu as eu à poster quelque chose. C’est très dérangeant. Les gens jugent sur ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux grosso modo. Donc ils peuvent juger sur du faux carrément.

Il suffit de bien se voiler pour qu’on dise que c’est une bonne personne. Il suffit d’être dans l’inverse pour qu’on dise que vous êtes de mœurs faciles. Pourtant, l’habit ne fait pas le moine. Il faut connaître quelqu’un de près pour se permettre d’apporter son jugement.


Est-ce que Fleur vit de la musique ?

Oui, je vis pleinement de la musique. La petite notoriété que j’ai maintenant me permet de vivre. La musique nourrit son homme maintenant. Il faut y croire parce qu’il ne suffit pas de le faire pour le faire. Tout travail bien fait paie et c’est normal. Même quand un cordonnier fait bien son travail, il va vivre de ça.

Si vous aviez votre ministre en face, que lui diriez-vous ?

Si j’ai mon ministre devant moi, je vais lui dire simplement de s’assurer au moins que la musique burkinabè soit jouée un peu partout de manière obligatoire à 90%. Que ça ne soit pas des lois votées sans être appliquées. Ça coûte quoi de sanctionner des gens pour servir de leçon aux autres personnes ?

Fleur n’est pas nominée aux Kundé 2019 ; un manque de compétences ?

C’est un jury qui est là-bas. Ils connaissent leur travail. Ils connaissent les artistes qui sont compétents. Si je ne suis pas encore nominée, c’est peut-être parce que je ne suis pas encore compétente. Je prends note et je vais travailler pour encore m’améliorer.

En amour comme en mariage, quel est l’homme idéal pour vous ?

Un homme docile, un homme doux mais sauvage à la fois.

Propos recueillis par Dimitri OUEDRAOGO

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Source: LeFaso.net