2 avril 2019. Deuxième jour de diffusion des vidéos, pièces à conviction dans le cadre du coup d’Etat de septembre 2015. La salle des banquets de Ouaga 2000 s’est transformée en une salle de ciné. Tantôt un silence plat, comme dans les salles obscures. Tantôt des éclats de rires obligeant le président du tribunal à exiger le silence. Une vidéo sort particulièrement du lot. Ce ne sont ni les images glaçantes des éléments du RSP fouettant copieusement des jeunes, ou encore des témoignages accablants des victimes. Celle de Ismaël Diendéré, accueillant son papa, nouveau président du CND. Muni d’un appareil, il filme l’arrivée de son père à la maison. « Mon papa président ! C’est historique », lance le fils au père, qui esquisse un sourire.

Débutée la veille dans la soirée, la lecture des vidéos a continué ce 2 avril 2019. Deux vidéos inédites ont été visionnées. Elles sont filmées par le fils du Général Gilbert Diendéré. Ismaël Diendéré attend son père qui rejoint le domicile apparemment tard, certainement après que le coup d’Etat a été acté. Muni d’un appareil, il filme l’arrivée du cortège de son père. Quand le pater descend du véhicule, il le félicite. « Mon père président ! », lui lance-t-il, avant de poursuivre qu’il faut bien qu’il immortalise ces instants « historiques », « c’est pour les archives », précise le fils. Le tout nouveau président du CND esquisse un sourire avant de s’engouffrer dans son salon.

Dans la deuxième vidéo, l’on aperçoit le Général assis dans son salon. Il n’est pas seul. On y voit sa femme, Fatoumata Diendéré, l’actuel député Michel Ouédraogo, l’ancien ministre Salifou Sawadogo et une autre dame qui, après avoir fait la bise au Général, s’installe au bras du fauteuil. L’atmosphère est détendue, on rit aux éclats, les félicitations fusent. C’était les dernières images de la journée.

Avant cela, c’est véritablement une longue séance de films non-stop qui s’est jouée. Les premières images à être diffusées sont celles du médecin lieutenant-colonel, Mamadou Bamba. Sa simple vue sur l’écran arrache un fou rire dans la salle. Le président demande le silence. L’un des premiers visages du coup d’Etat lit les différents communiqués, 8 au total. Appelé à se prononcer sur les différentes vidéos, l’accusé ne trouvera rien à redire.

Par contre, l’une des séquences qui a occupé une bonne partie du temps, ce sont les images prises au carrefour de BF1 dans la soirée du 16 septembre 2015. On y aperçoit un groupe d’éléments du RSP agglutiné en ces lieux. Certains sont en véhicule (pickup up, V8), d’autre sont à pieds ou à moto. La plupart est armée en Kalachnikovs, et l’un d’eux en fait usage.

C’est l’adjudant Jean Florent Nion qui ne réfute pas les faits. D’ailleurs, a-t-il expliqué, depuis l’instruction, jusqu’à sa comparution à la barre, il n’a pas fait mystère de ce qu’il a tiré en l’air au carrefour. Par contre, l’accusé n’a pas voulu jouer le jeu d’identification de ceux qui étaient présents avec lui, par peur de se tromper et « enfoncer des gens ». Si pour lui, les débats n’ont pas trainé, pour d’autres, ce ne fut pas le cas.

C’est moi, mais…

Le sergent-chef Mohamed Laoko Zerbo, les sergents Zallé Mamadi, Martial Zoubélé, Ollo Poda Stanislas, Issaka Ouédraogo sont appelés parce qu’ayant été cités et identifiés par le caporal Sami Dah comme ceux qui étaient au carrefour de BF1. La vidéo est repassée.

Le sergent-chef Mohamed Laoko Zerbo, les sergents Zallé Mamadi disent ne pas se reconnaitre dans l’élément. Selon l’avocat du sergent-chef, Me Issaka Badini, le ministère public s’acharne contre son client, parce que sur les images, il n’est pas formellement identifiable.

Ollo Poda Stanislas ne fait aucune observation. Issaka Ouédraogo lui se reconnait certes dans les images, mais tente de convaincre le tribunal qu’il était juste de passage. Les questions du parquet se faisant insistantes, celui qui a longtemps été affecté à la sécurité de François Compaoré, souhaite ne plus répondre en l’absence de son avocat. Le sergent Martial Zoubélé lui également s’identifie effectivement sur une moto, mais note que sa présence n’était nullement hostile.

Lourd silence dans la salle

Certaines vidéos diffusées ont glacé la salle, restée silencieuse. Comme le témoignage de cet adolescent dont une balle a frôlé la tête, alors qu’il s’était réfugié dans un kiosque métallique à la vue des éléments armés qui tiraient. Son témoignage filmé, la tête encore bandée, a suscité l’émotion de l’assistance. Ce fut pareil pour ce jeune militant du Balai citoyen qui, après avoir expliqué le film de sa mésaventure avec des éléments du RSP, s’est déshabillé pour montrer son dos zébré de cicatrices.

L’élément vidéo de Rasmané Ouédraogo dit Ladji où l’on voit des éléments du RSP rouer de coups de cordelette des jeunes hurlant de douleur fut aussi l’un des moments qui a suscité beaucoup d’attention dans la salle. L’un des journalistes, Gabriel Kambou, qui a rendu compte des scènes d’exactions des éléments du RSP, dans son témoignage filmé, écrase une larme, sous l’effet des atrocités et cadavres qu’il a vus.

D’autres témoignages de citoyens dont les motos ont été rassemblées et brûlées ont été diffusés. Tout comme ceux de Kadi Bambara, la femme de Serges Bambara alias Smockey dont le studio a été détruit à la roquette, ou encore Albert Tarpaga directeur de la radio Laafi de Zorgho qui a également reçu la visite des éléments de l’ancienne garde prétorienne. Les émetteurs et tout le matériel de la radio ont été réduits en cendres. Les violences qui ont eu lieu à l’hotel Laïco ont également été diffusées.

Aussi, il était établi que des miliaires du RSP s’étaient rendus à la radio Savane FM en vue d’interrompre la ‘’radio de la résistance ». Les caméras cachées de la radio ont effectivement capturé des militaires qui y ont fait irruption. Dans les images, on y reconnait entre autres le sergent-chef Roger Koussoubé, alias le Touareg et ses hommes ressortir des locaux avec du matériel.

La suite des films sera projetée ce 3 avril 2019 dans la salle des banquets de Ouaga 2000, transformée en salle de ciné.

Tiga Cheick Sawadogp

Lefaso.net

Source: LeFaso.net