Débutée le mercredi dernier, la diffusion des éléments sonores des pièces à conviction du dossier du coup d’Etat de septembre 2015, s’est poursuivie ce vendredi 22 mars 2019. Les éléments ont porté essentiellement sur les appels téléphoniques du général de gendarmerie Djibrill Bassolé. Il s’est agi des conversations avec Fatoumata Thérèse Diawara, Bila Bénédicte Jean, le commandant Luc Damiba et Yolande Bélémviré. Pour la première fois, une conversation entre les généraux Djibrill Bassolé et Gilbert Diendéré a fait surface.
Dès l’ouverture de l’audience, l’avocat du journaliste Adama Ouédraogo dit Damis, Me Stéphane Ouédraogo, est revenu sur les éléments sonores qui accablent son client. En effet, trois appels téléphoniques ont été diffusés au tribunal. Il s’agit de conversations entre le général de gendarmerie Djibrill Bassolé, et un certain Adam’s. Selon Me Ouédraogo, trois juges d’instruction ont écouté ces éléments sonores et aucun d’entre eux n’a dit que la voix était celle de Damis. Le parquet a attribué ces éléments à Damis tout simplement parce que, dans l’une des conversations, il y a le nom de Adam’s, a conclu Me Ouédraogo.
Le parquet militaire, à son tour, a fait savoir que dans le dossier qui leur a été confié, il n’y a pas une mention d’un juge disant que ce n’est pas la voix de Damis. Au cas où Me Ouédraogo détient une preuve, qu’il l’apporte au tribunal.
A la fin de ce débat, le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, a ordonné au parquet militaire de poursuivre avec la présentation des éléments sonores.
Ce que les deux généraux se sont dit…
Contrairement à ce qu’il a déclaré à la barre lors de sa comparution, le général de gendarmerie, Djibrill Bassolé, a conversé au téléphone avec le général de brigade, Gilbert Diendéré.
Au cours du premier appel, Djibrill Bassolé a recommandé à Gilbert Diendéré de conclure un bon accord de DDR (Désarmement-Démobilisation-Réinsertion). « Tiens bon, mon cher ! Tu n’as plus rien à perdre. On est ensemble. Il suffit de motiver les jeunes », a dit Bassolé à Diendéré.
Dans la seconde conversation entre les deux généraux, l’ambiance est plutôt différente. Gilbert Diendéré a annoncé une « mauvaise » nouvelle à « son cher Bassolé ». « Allô ! Ça va ? », demande Bassolé. « Pas totalement ! Comme il y a la pression psychologique, ça joue sur le moral des hommes quoi », lui a répondu Diendéré.
Invité à se prononcer sur ces écoutes, le général Gilbert Diendéré n’a pas fait d’observation. Pour lui, ces éléments ne sont pas contenus dans la transcription.
De ces deux conversations, le parquet militaire a fait une observation. En effet, Djibrill Bassolé a déclaré à la barre, au moment de sa comparution, qu’il n’a jamais eu de contact avec les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) au moment des faits. C’est à la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (MACA) qu’il a fait connaissance avec certains d’entre eux. Pourtant, le ministère public a fait noter, à travers ces écoutes téléphoniques, qu’il a pris contact avec un noyau dur.
Au regard de ces écoutes, Me Hervé Kam de la partie civile conclut que « Djibrill Bassolé est plus qu’un complice ; il est un acteur clé ».
Pour la défense du général Diendéré, ces éléments sonores ont été fabriqués, c’est pourquoi il n’y a aucune provenance. « Jusqu’à présent, le numéro qui a servi de conversations entre les deux généraux n’a pas été identifié », remarque Me Olivier Yelkouni.
« La meilleure manière de se défendre, c’est d’attaquer »
Le parquet militaire a poursuivi avec les éléments sonores du général Djibrill Bassolé, durant la crise du 16 septembre 2016 et jours suivants.
Avec Biila Bénédicte Jean, « son agent de renseignement », Bassolé a fait cas d’une stratégie de guerre. « La meilleure manière de se défendre, c’est d’attaquer », lui a-t-il déclaré.
Au téléphone avec Yolande Bélémviré, Djibrill Bassolé a fait le compte rendu de sa conversation avec Guillaume Soro. « Le berger et fumeur de Yamba ne doivent pas vivre ». Qui sont ces deux personnages ? Cette question reste sans réponse, car l’accusé est hors du Burkina pour des raisons de santé.
Quant à Fatoumata Diawara, par ailleurs ex-compagne du fils du général Diendéré, elle a joué ce rôle de relai d’information. Au général Bassolé, elle a dit : « Tu peux appeler la Côte d’Ivoire ? Soro a besoin des numéros des gens du MPP, surtout Salif et Roch ». Appelée à la barre pour réagir suite à la diffusion de ces appels téléphoniques avec le général Djibrill Bassolé, Fatoumata Thérèse Diawara a insisté que ces écoutes ont été fabriquées.
Par ailleurs, elle a fait part d’une situation qu’elle vit actuellement. « Quand je passe dans la rue, des gens m’insultent. Demain, si je me fais agresser, j’espère que le parquet va me protéger ? » Ainsi, elle a recommandé au président du tribunal de mettre fin à la diffusion de ces éléments sonores. « Ils n’ont qu’à arrêter de polluer les esprits des gens avec ces audios ».
« Je vais les sonner, ils vont comprendre »
Dans l’un des extraits, Djibrill Bassolé a déclaré : « C’est un gouvernement de minables. Je vais les sonner, ils vont comprendre. Je vais les ridiculiser ». Et ce, parlant de ses interventions dans les médias.
Selon le parquet militaire, entre les propos tenus en public par Djibrill Bassolé sur son exclusion et les faits racontés aux téléphones, il y a une différence. « On sentait une amertume, et cela s’est matérialisé par ce qui a été entendu », a conclu le parquet militaire.
Il faut noter que le parquet militaire a fini la première partie des éléments sonores du général Djibrill Bassolé, ce vendredi 22 mars 2019. C’est au total une cinquantaine d’éléments sonores qui ont été diffusés en deux jours d’audience. Ces écoutes téléphoniques ont montré la stratégie de communication de Djibrill Bassolé face à l’exclusion de son parti politique (NAFA) des élections couplées de 2015, a indiqué le parquet.
Suspendue à 17h moins, l’audience va reprendre le lundi 25 mars 2019 à 9h00.
Cryspin Masneang Laoundiki
LeFaso.net
Source: LeFaso.net
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