Dans la dénomination des ministères du gouvernement Dabiré 1, le ministère de la Jeunesse, de la Formation et de l’Insertion professionnelles est devenu ministère de la Jeunesse et de la Promotion de l’entreprenariat des jeunes. Ce changement de nom a des implications qui ne sont pas du goût des membres du Syndicat autonome des cadres en emploi et en formation professionnelle (SACEFP). Ils ont tenu à le dire au président du Faso, à travers cette lettre ouverte.
A
Son Excellence, monsieur le président du Faso, président du Conseil des ministres
Excellence monsieur le président du Faso,
Par décret numéro 2019-0042/PRES/PM en date du 24 janvier 2019, portant composition du gouvernement, les membres du gouvernement dirigé par monsieur Christophe Joseph Marie Dabiré étaient mis en place.
A la lecture de la composition de ce gouvernement, nombre de changements de dénomination de départements sont constatés. La présente a pour objet de donner notre lecture du changement qui concerne notre département, l’ex-ministère de la Jeunesse, de la Formation et de l’Insertion professionnelles (MJFIP), rebaptisé par ce décret ministère de la Jeunesse et de la Promotion de l’entreprenariat des jeunes. Notre constat de ce changement en tant que partenaire social est empreint d’appréhensions et d’inquiétudes multiples pour un certain nombre de raisons sur la base desquelles nous formulons des suggestions.
Constats faits sur la nouvelle dénomination :
une dénomination doublement réductrice : la matière et la cible
L’emploi est un concept plus large qui recouvre aussi bien le salariat et les professions indépendantes. Les politiques d’emploi concernent donc, au-delà de l’entreprenariat, l’intermédiation sur le marché du travail, l’organisation des acteurs de l’économie informelle, les stratégies d’insertion des formés aux métiers. La politique de création et de consolidation de l’emploi comprend donc, entre autres, la promotion de l’entreprenariat des jeunes et ne saurait s’y limiter.
En outre, la dénomination actuelle est réductrice au niveau de la cible. Au Burkina Faso, la Politique nationale de la jeunesse définit le jeune comme toute personne dont l’âge est compris entre 18 et 35 ans. Le chômage ne concerne pas que cette cible dans notre pays, même si elle constitue le plus grand nombre. C’est dans ce sens qu’en matière de formation professionnelle, des stratégies de reconversion professionnelle et des mécanismes de validation des acquis de l’expérience sont développés et ne concernent pas seulement les jeunes.
De plus, les financements des projets ne concernent pas seulement les projets des jeunes mais touchent également les personnes ayant plus de 35 ans.
Une dénomination qui marque un recul par rapport aux avancées entamées depuis 2001
En rappel, c’est en 2001 que pour la première fois, la question de la jeunesse a été rattachée à celle de l’emploi avec la création du Ministère du travail, de l’emploi et de la jeunesse (MTEJ). L’argument qui avait prévalu était qu’il fallait orienter la jeunesse sur des thématiques qui la préoccupent plus.
L’évolution amena à la création en 2006 du Ministère de la jeunesse et de l’emploi (MJE), en vue de recentrer la question de l’emploi au cœur des préoccupations. Dans la foulée, et pour répondre aux préoccupations posées en 2005, fut créé en 2007, un corps spécifique à ces domaines, les conseillers et assistants en emploi et en formation professionnelle, dont la première promotion est sortie de l’ENAM en juillet 2009.
En 2011, la volonté fut mieux marquée avec la création du Ministère de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi (MJFPE). Avec la jonction de la Formation professionnelle, même si par la notion d’Emploi, la formation professionnelle qualifiante, qui est un des moyens, a fait partie des attributions de ce ministère depuis 2001. Sans doute que cette dénomination de l’époque avait pour but de clarifier davantage les attributions. Le ministère devint complet, avec la cible principale, l’outil et le but.
Revenir sur toutes ces avancées pour parler de Jeunesse et Promotion de l’entreprenariat des jeunes est un véritable recul qui nous ramène à la situation d’avant 2001 c’est-à-dire reléguer au second plan la formation professionnelle et l’emploi de l’activité gouvernementale.
Notre souci à travers la présente est relatif à la clarté et à la cohérence pour des actions efficaces en faveur des populations en général et des jeunes en particulier.
Pour un souci de clarté : notre souhait légitime en tant que cadres des secteurs de l’emploi et de la formation professionnelle est de disposer d’un MINISTERE plein DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE l’EMPLOI à même de nous permettre d’accomplir, avec le concours d’autres acteurs du domaine, les nobles missions qui nous sont dévolues, c’est-à-dire trouver une qualification professionnelle et de l’emploi pour la population active en général et les jeunes en particulier.
Toute chose qui n’est qu’un vœu et qui peut être pris en compte. Il est clair que le politique est libre, en fonction de ses orientations et ses choix de rattacher la formation professionnelle et l’emploi au département ministériel qui lui convient le mieux.
Cela relève de son pouvoir discrétionnaire. Seulement, en tant que partenaire social, notre souci est que cela soit fait de façon explicite, pour couper court aux interprétations multiples et aux subjectivités. Par exemple, le souci de clarté qui a conduit à mentionner la PROMOTION DES LANGUES NATIONALES et L’ACTION HUMANITAIRE dans la dénomination respectivement de l’ex-MENA et de l’ex-MASFPG aurait au moins conduit à maintenir la clarté dans la FORMATION PROFESSIONNELLE et de L’EMPLOI dans la dénomination de leur département de rattachement, et ainsi éviter autant que possible les allusions.
La cohérence : en rappel, tous les nouveaux corps créés à la fin des années 2000 ont un ministère plein ou au moins un ministère incluant de façon claire leur domaine d’action : le personnel de la culture et du tourisme au ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme ; le personnel des droits humains au ministère des Droits humains et de la Promotion civique, le personnel d’éducation féminine au ministère en charge de la Femme, etc.
Notre corps a été mis en place pour des questions spécifiques d’emploi et de formation professionnelle. Les dénominations des différents ministères depuis 2001 permettaient sans autres précisions de voir notre ministère de rattachement.
En outre, la dénomination actuelle du département pose problème car « la promotion de l’entreprenariat des jeunes » est une thématique des questions de jeunesse. Cela est consacré par les nombreux textes d’orientation nationaux comme internationaux.
C’est le cas de la Politique nationale de jeunesse et des textes de la CONFEJES, dont se sont sans doute inspirés les rédacteurs du décret 2017-0148/PRES/PM/SGG-CM, du 23 mars 2017, portant attributions des membres du gouvernement.
Il y est clairement stipulé, à l’article 21, que le MJFIP « est chargé en matière de jeunesse » :
de l’éducation, de l’animation et de la promotion de la jeunesse en dehors du cadre scolaire ;
de la règlementation et du suivi des mouvements et organisations de jeunesse ;
…. ;
de la promotion de l’entreprenariat des jeunes et de l’économie sociale et solidaire ».
Autrement dit, qui parle de politique de jeunesse parle de promotion de l’entreprenariat des jeunes.
Par conséquent, la promotion de l’entreprenariat des jeunes, au sens strict, ne renvoie ni à l’emploi dans sa globalité encore moins à la formation professionnelle.
Notre seul souci, l’efficacité dans les actions : une dénomination claire et sans ambigüité n’invite qu’à l’action immédiate dans laquelle le rôle et les missions de chacun coulent de source. Elle fait l’économie d’organigramme à polémique, source de tergiversations et de perte inutile de temps. Elle a aussi l’avantage de mieux orienter les partenaires qui verront un interlocuteur clairement identifié.
Le rôle dévolu aux secteurs de l’emploi et de la formation professionnelle est si crucial dans le contexte de diminution du nombre de places à pourvoir dans les recrutements de la fonction publique. Il n’y a que les actions concrètes de formation de la population et le développement de politique d’emploi (salarié et indépendant), d’insertion des formés aux métiers, d’organisation et de structuration du secteur informel qui soient à même de donner un espoir d’un lendemain meilleur aux populations.
Nos craintes légitimes : notre inquiétude avec une telle dénomination aussi réductrice, c’est le retour des vieilles méthodes, inefficaces, à l’image de ce qui a prévalu aux derniers moments du MJE, avant la création du MJFPE, avec les actions d’éclat, sans résultats palpables. C’est ce qui avait du reste conduit les gouvernants d’alors à revenir en 2011 dans le concret avec la création du Ministère de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi (MJFPE). Cette dénomination s’expliquait par le fait qu’il fallait mettre l’accent sur les politiques d’emploi et de formation professionnelle pouvant déboucher à l’emploi consolidé pour les populations.
Telles sont nos préoccupations et nos appréhensions, Excellence, au sujet du changement d’orientation de notre département.
Au regard de tous ces éléments développés, nous souhaitons que des mesures règlementaires soient prises dans le sens du rétablissement de la clarté et de la cohérence qui ont prévalu aussi bien dans la dénomination que dans les attributions de notre département de 2001 au 24 janvier 2019. La situation actuelle, nous l’espérons, relève d’une omission comme cela a pu être constaté, de par le passé, dans les formations de gouvernements dans notre pays.
Cela contribuera fortement, nous n’en doutons point, à l’efficacité dans l’action de notre département.
Le Secrétaire Général
Moussa BANGRE
NB : Le titre est du journal
Source: LeFaso.net
Commentaires récents