L’audition du Général Djibrill Bassolé s’est poursuivie ce 8 janvier 2019. Une bonne partie de la journée, l’ancien chef de la diplomatie burkinabè était soumis aux questions des avocats de la partie civile. L’homme a catégoriquement refusé une fois de plus de répondre aux questions, les réservant pour ses avocats. « Je ne souhaite pas rentrer dans un débat de ping-pong », s’est-il offusqué, campant ainsi sur sa position. Celle de ne répondre à aucune question relative aux écoutes téléphoniques qu’il qualifie d’illégales et une intrusion dans sa vie privée. « Je suis libre de parler avec qui je veux, de ce que je veux », a-t-il lancé aux avocats, sous le flot des questions.

Le Général Djibrill Bassolé qualifie certes les appels téléphoniques interceptés de fabrication de toute pièce pour l’enfoncer, mais il a attaqué l’Etat burkinabè devant la cour de justice de la CEDEAO sur ces mêmes écoutes, parce que cela viole sa vie privée. Comment une conversation jamais tenue, comme il le soutient, peut-elle porter atteinte à votre vie privée ? lance Me Prosper Farama, avocat de la partie civile.

L’ancien ministre des affaires étrangères prévient une fois de plus qu’il ne répondra pas aux questions relatives aux écoutes téléphoniques, parce que très techniques. Il laisse alors le soin à ses avocats de le faire en temps opportun, « Je ne souhaite pas rentrer dans un débat de ping-pong », a-t-il lâché. Pour lui, toutes ces questions relatives aux écoutes téléphoniques n’apportent pas grand chose à la manifestation de la vérité. Bien au contraire, elles éloignent du sujet.

L’avocat rempile. On ne s’écarte pas du sujet, comment faire immixtion dans la vie privée de quelqu’un par fabrication d’écoutes ? Le silence du Général est suivi par cette phrase qu’il répète en boucle : « Je ne souhaite pas répondre ». Une partie de la salle, mobilisée pour venir soutenir l’accusé, applaudit. Cette fois, le président du tribunal ne prévient pas.

Il demande à la sécurité de vider la rangée d’où venaient les applaudissements, pour permettre la sérénité des débats. Une mission accomplie en l’espace de quelques minutes. Retour au débat. Me Farama note que le président de l’Assemblée nationale de la Cote d’Ivoire un des interlocuteurs téléphoniques du Gal Bassolé n’a jamais démenti les conversations, encore moins leur contenu.

Alors il demande à l’accusé d’éclairer la lanterne du tribunal dans quel cadre intervient un DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion), le sujet qu’il dit avoir abordé avec Guillaume Soro. « Je ne souhaite pas éclairer le tribunal », se contentera de répondre l’accusé. « En toute sincérité, sur votre honneur et foi de Général, de tout ce qui a été intercepté comme communication, vous n’avez jamais au grand jamais tenu un seul mot ? », interroge Me Farama. « Je vous laisse tirer les conclusions de ce que j’ai dit jusqu’à présent », répond le Gal Bassolé.



“Coïncidence troublante”

L’entrée des avocats de la partie civile s’était faite avec Me Guy Hervé Kam qui avait communiqué une pièce au tribunal. Ses confrères de la partie civile, demanderont une suspension d’une heure pour en prendre connaissance. Ils auront finalement 30 minutes. Au retour, alors que le porte-parole du Balai citoyen a toujours le micro et veut commencer ses questions et observations, le Gal Djibrill Bassolé lui demandera, de quel avocat de la partie civile il est. Après explication, l’interpellé précise qu’il ne voit pas l’intérêt d’une telle question. Alors l’accusé, réplique, que lui aussi ne voit aucun intérêt à répondre à ses questions. « Je ne souhaite plus répondre à vos questions », lui lance-t-il en lui demandant qu’il peut cependant poursuivre avec ses observations.

Dès lors, Me Guy Hervé Kam se lancera dans un véritable monologue avec des observations sans commentaires de son interlocuteur.

Du soutien militaire : L’avocat notera que le Général Djibrill Bassolé a plusieurs fois appelé le commandant Henri Damiba, alors chef de corps de Dori. Pendant que tous les chefs de corps des autres garnisons faisaient route vers Ouaga avec leurs hommes pour faire échec au coup d’Etat, celui de Dori n’a pas bougé, et c’est lui que le Gal Bassolé a passé le temps a appelé. « Coïncidence troublante », observe l’avocat.

Du soutien financier : L’accusé a fait l’objet de nombreuses sollicitations financières pendant le coup d’Etat et il a mis la main à la poche pour souvent gratifier les demandeurs, proches des putschistes de millions.

Des écoutes téléphoniques : La pièce communiquée par l’avocat est relative à la plainte portée par le Gal contre l’Etat burkinabè devant la cour de justice de la CEDEAO. Il s’insurgeait contre l’atteinte à sa vie privée par l’interception de ses conversations téléphoniques.

Alors Me Kam de constater que pendant que l’accusé soutient que ces écoutes ont été fabriquées, illégales, se défend en même temps d’avoir été violé dans sa vie privée. « Je crois que j’ai perdu quelque chose, je ne sais exactement quoi, mais trouve-la », ainsi pourrait se résumer l’attitude de l’accusé, selon l’avocat. Pour lui donc, ce recours auprès de la cour de Justice de la CEDEAO et sa stratégie qui consiste à ne pas vouloir répondre aux questions sont simplement un aveu de culpabilité.

« Je suis libre de parler avec qui je veux… »

Me Yanogo, toujours de la partie civile entre alors en lice. Djibrill Bassolé a-t-il appelé le Chef d’Etat major général des armées (CEMGA), le Chef d’Etat major de l’armée de terre, le secrétaire général du ministère de la défense pendant le coup d’Etat ? A ces trois questions, la réponse du Gal est : « négatif ». Mais pourquoi alors discuter de DDR avec des étrangers, demande l’avocat. La réponse du premier général de gendarmerie au Burkina ne se fait pas attendre. « Je suis libre de parler avec qui je veux, de ce que je veux ».

Quand Me Séraphin Somé prend la parole, il prévient qu’il avait des questions, mais s’est résolu à ne pas les poser puisque l’accusé ne répondra pas. Alors que Djibrill Bassolé avait souhaité la manifestation de la vérité à l’issue du procès, son comportement et son attitude « curieuse » à la barre traduisent autre chose qu’une volonté de faire jaillir la vérité, remarque Me Somé. Plus loin, il notera qu’il est inacceptable que l’on puisse mettre sur la même balance la vie privée et la sureté de l’Etat. Selon lui, les interceptions téléphoniques faites l’ont été au nom de la sureté de l’Etat. Et c’est parce que le Général Bassolé est « coincé » qu’il refuse de répondre aux questions.

A la suite de Me Awa Sawadogo, autre avocate de la partie civile, la parole a été donnée à Me Mireille Barry de la défense. Pendant plus d’une heure le conseil de l’accusé a tenté de battre en brèche les arguments de ses collègues de la défense. Ce, en lisant les procès verbaux de certains témoins. L’audition de l’ancien ministre des affaires étrangère se poursuit ce 9 janvier 2019.

Tiga Cheick Sawadogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net