L’Institut d’Accompagnement des Carrières Diplomatiques et Internationales (IACDI), en tant que force de proposition, adresse aux Burkinabè des vœux formulés sous forme de défis. Le cadeau du nouvel An 2019 est une modeste réflexion et une humble interpellation.
2018 a été une année riche en événements. Sur les plans politique, économique et social, le Burkina Faso a tenu toutes les promesses d’une nation en mouvement, en actualités intenses et en déclarations diverses. La parole était vraiment libre à la satisfaction de toutes les composantes nationales. Du sommet à la base, des tenants du pouvoir aux opposants, des syndicats aux acteurs de la société civile, des opérateurs économiques aux organisations paysannes, chacun et chacune a dit librement sa pensée. Sur ce plan, le pari démocratique est gagné. Mais au fond, les problèmes politiques, sociaux et économiques restent intacts.
Le PNDES, malgré quelques signaux positifs, tarde à convaincre tout le monde de son utilité politique, économique et sociale. La sécurité demeure la préoccupation principale avec la récurrence des attaques terroristes et la permanence des actes de crimes dans les villes et campagnes. Les effets collatéraux de l’instabilité pèsent lourdement sur le pays et sur les citoyens. Près de 800 écoles fermées, des activités commerciales en berne dans tout le pays et en pire dans le Sahel, le Nord, l’Est et la Boucle du Mouhoun. Les revendications syndicales ont également fait trembler la société et l’économie.
A titre d’illustrations, le mouvement de la coordination des syndicats de l’éducation en début 2018, les manifestations des agents des finances, le mouvement d’humeur des GSP, la folie provisoire des chauffeurs routiers ont permis de se rendre compte de la fragilité des rapports de force entre les différents protagonistes mais aussi de l’importance du dialogue et de la concertation. Cependant, le respect de la parole donnée demeure un défi et 2019 se présente comme une année de dialogue, de négociation et de compromis pour un Burkina meilleur.
Quatre défis majeurs se présentent au Burkina Faso en 2019
Le premier défi, et le plus important, est la gestion efficiente et efficace des effets sociaux et économiques des attaques terroristes et des actes criminels. Trouver des solutions pour l’accès de tous les enfants burkinabè au droit à l’éducation, et notamment ceux dont les écoles ont été fermées dans le Nord, le Sahel, l’Est et la Boucle du Mouhoun. Si en 2018, un rattrapage des cours et des évaluations ont permis de colmater les brèches pour les enfants du Sahel, le défi devient plus important en 2019 avec l’extension des zones concernées et l’augmentation du nombre d’enfants touchés.
Sur le plan économique, il faut sécuriser les routes et les marchés afin de permettre aux commerçants des zones touchées de mener en toute quiétude leurs activités. Un défi titanesque qui nécessite l’implication de tous. Selon certains observateurs, les effets des attaques se ressentent en plein cœur de Fada N’Gourma où le marché se vident au plus tard à 16 heures. Les commerçants des villages et des villes voisines sont obligés de regagner leurs domiciles avant le coucher de la nuit, non seulement pour éviter d’enfreindre aux règles du gouvernorat mais aussi pour ne pas s’exposer aux terroristes et aux bandits. L’axe Fada – Pama est la plus redoutée actuellement. Les attaques ne sont pas sans conséquences sur les activités minières des sociétés étrangères et malgré les dispositions sécuritaires, la psychose semble permanente. L’investissement étranger en général et le tourisme sont concernés. Le défi à ce niveau demeure également déterminant.
Le second défi est politique. Il s’agit de la gestion de la question électorale. En 2018, le débat s’est focalisé sur la révision du Code électoral du 30 juillet. Il s’est agi essentiellement du mode d’enrôlement des électeurs et du vote des Burkinabè de l’extérieur avec la réduction du nombre des documents de votation, notamment la carte d’identité nationale et le passeport. La gestion interne de la CENI a fait couler beaucoup d’encres et de salives jusqu’à l’abandon du président de sa réforme et de l’offre de missions, à titre grâcieux, à ses commissaires pour apaiser les tensions. Il s’agit là de pansements qui soulagent la douleur mais ne soignent pas le mal sauf par miracle. En 2019, les acteurs politiques de la majorité, de l’opposition et la société civile doivent œuvrer à consolider les acquis pour un scrutin apaisé, crédible, inclusif et transparent en 2020. L’intérêt supérieur de la nation commande d’aller vers un minimum de compromis pour faciliter le dialogue politique.
Si le défi terroriste a semblé réunir les acteurs politiques à un certain moment en 2018, les accusations réciproques ont repris le dessus vers la fin de l’année contribuant à instaurer un ordre manichéen. En effet, pouvoir et opposition se rejettent la balle sur la responsabilité des attaques terroristes oubliant l’essentiel. Il s’agit d’un mal où chaque vie perdue est un manque pour le Burkina Faso en entier, pas seulement pour un camp. Lorsqu’un membre des forces de défense et de sécurité tombe, c’est tout le Burkina qui perd. Comment peut-on soutenir que ceux qui ne partagent pas notre point de vue ne sont des patriotes ? Comment peut-on se réjouir de l’incapacité des pouvoirs publics à vaincre un mal si profond ? Au fond, personne ne gagne en demeurant dans ces postures d’accusations et de rejets.
Il faut que la majorité assume entièrement sa responsabilité de mobiliser et de fédérer tous les Burkinabè contre les attaques terroristes. Il est temps de se départir de l’instrumentalisation des femmes, des jeunes et des groupes spécifiques dans cette lutte contre le terrorisme qui est loin d’être un engagement partisan pour engranger des points dans le cadre de la réalisation du programme présidentiel. Le jeu de la réception de fonds collectés au profit des FDS est loin de donner de la crédibilité à un gouvernement responsable. Il faut doter les FDS de fonds « souverains » et la loi de finance 2019 en est l’illustration. La lutte contre le terrorisme doit être une priorité nationale sans couleur politique. Si les Burkinabè sont incapables de s’entendre sur les autres questions, sur la lutte contre le terrorisme il faut un véritable sursaut national pour s’asseoir et agir dans la même direction. C’est tout le monde qui perd, si nous perdons le pays.
Il faut que l’opposition fasse violence sur elle-même pour aller au-delà des actes populistes de collecte de fonds pour les FDS et s’engager de manière durable à travers la réflexion et l’action concrètes pour soutenir les initiatives nationales contre la terreur. Il faut éviter d’instrumentaliser la question de la lutte contre le terrorisme à des fins politiques. Il faut un consensus minimum pour sauver l’essentiel.
Le troisième défi pour le Burkina Faso en 2019 est celui du dialogue avec les partenaires sociaux. Le gouvernement a fait l’effort de trouver des solutions en 2018. Avec les syndicats de l’éducation, un protocole d’accord a été signé le 27 janvier. Il a permis la bonne conduite des activités pédagogiques. Sur certains points, la mise en œuvre demeure insuffisante selon les travailleurs. Le mouvement de protestation a repris en décembre avec la suspension de certains actes par le monde de l’éducation. Les protagonistes, notamment le gouvernement et les responsables syndicaux doivent trouver un consensus en début 2019 pour sauver l’année et sauver l’école burkinabè.
Tous les fonctionnaires attendent de voir concrètement l’impact du processus de la remise à plat du système de rémunération. En fin janvier, cela sera une réalité et il ne faut pas exclure la possibilité de remise en cause de ce système par certains corps qui pourraient se sentir lésés. Il faut être prêt à engager des discussions pour aplanir toute divergence qui naîtrait de l’application du nouveau système.
La loi de finance 2019 « réajuste » les fonds communs et cela n’est pas du goût des agents des finances. Un nouveau bras de fer risque de s’engager en 2019 entre le gouvernement et la coordination des syndicats du ministère de l’économie et des finances. L’annonce est déjà donnée par la lettre du 27 décembre 2018 de la coordination adressée aux travailleurs du secteur des finances. Une concertation entre les protagonistes pourrait contribuer à limiter les impacts négatifs d’un mouvement des financiers.
Le dernier défi, plus global, concerne le pouvoir d’achat des consommateurs burkinabè. Les exigences de l’élargissement de l’assiette fiscale ont poussé le gouvernement à prévoir de nouvelles taxes en 2019. L’augmentation du prix du carburant alimente toujours la discussion après avoir mis dans la rue le 29 novembre 2018 la CCVC et ses alliés. 2019 devrait également mettre à l’ordre du jour la question du pouvoir d’achat des consommateurs. Les protagonistes ne pourront pas économiser le temps de la concertation pour trouver un compromis qui préserve les intérêts réciproques du gouvernement et des consommateurs.
Ce quadruple défi attend les Burkinabè en 2019 et nous devons nous préparer à le relever pour le meilleur.
Zoomb-noogo SILMANDE, Analyste/IACDI
Source: LeFaso.net
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