Avec une population agricole évaluée à 80%, les femmes constituent la principale main-d’œuvre du monde agricole au Burkina Faso. Toutefois, leur accès à la terre a toujours été et demeure un problème crucial. Cette situation a conduit la Fondation Konrad-Adenauer à initier, en 2016, un projet d’accès des femmes à la terre en milieu rural « EWOH2 », dans les régions du Sahel et de l’Est. L’objectif étant d’améliorer leur droit d’accès à la terre et aux ressources.

« Les difficultés d’accès de la femme à la terre sont très réelles. Nous cultivons dans des champs que nous louons à nos maris et si l’année suivante il n’est pas d’accord, nous sommes obligées de changer de champ. Chaque année, nous nous déplaçons comme des oiseaux et jusqu’à présent, nos maris n’ont pas encore compris que les femmes ont le droit d’avoir un terrain », témoigne Roukiatou Sow, membre de la coopérative Djam Wéli.

Roukiatou Sow, membre de la coopérative Djam Wéli

Au-delà de la problématique du foncier à laquelle sont confrontées les femmes en Afrique subsaharienne, particulièrement au Burkina Faso, le financement, selon le coordonnateur de la Fondation Konrad-Adenauer, Dramani Ouédraogo, se présente comme l’une des principales contraintes au développement de l’agriculture. Et le premier adjoint au maire de la commune de Dori, Boureima Bocoum, de soutenir que l’apport économique de cette frange de la population présente dans tous les secteurs économiques, repose sur fonds propres. En effet, dit-il, par manque de garantie, les femmes accèdent moins facilement aux prêts bancaires que les hommes.

Boureima Boucoum, premier adjoint au maire de la commune de Dori

Cette question a fait l’objet d’un atelier de formation des femmes aux techniques commerciales des produits agricoles et la facilitation d’accès au marché, du 20 au 21 décembre 2018, à Dori. Organisé par la Fondation Konrad-Adenauer, l’atelier a permis de renforcer les capacités techniques de 25 femmes membres des associations de la province du Séno, engagées dans la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles.

Dramani Ouédraogo, coordonnateur EWOH2, Konrad Adenauer Stiftung

Le but étant de leur permettre de mieux exercer leurs activités, de cerner les enjeux du crédit agricole et de surmonter les difficultés dans le processus de la chaîne de valeur. « Le secteur agricole et le maillon de la transformation sont réputés difficiles en raison des risques covariants auxquels ils sont confrontés. Les expériences d’ici et d’ailleurs montrent à suffisance que la promotion du financement de ces secteurs exige des conditions minimales de succès au nombre desquelles se trouve, en bonne place, la qualité des ressources humaines de tous les acteurs (…) », a relevé le coordonnateur de Konrad-Adenauer, Dramani Ouédraogo.

Tégawendé Gansoré, formateur

A cet effet, durant 48 heures, les femmes ont été outillées sur l’analyse des produits agricoles et de transformation de la valeur ajoutée, l’étude des marchés des produits agricoles, les différentes techniques commerciales et les stratégies de financement des activités, ainsi que les techniques de warrantage.

Le warrantage, développé par l’un des formateurs de cet atelier, Tégawéndé Gansoré, économiste agricole et de l’environnement, est défini comme un système qui permet aux populations rurales de financer leurs activités agricoles. Ce procédé, selon lui, permet à une organisation paysanne et à ses membres de contracter un prêt auprès d’une institution de microfinance en garantissant une partie de son stock, notamment une spéculation non-périssable. « Le crédit qui est obtenu est utilisé pour entreprendre des activités génératrices de revenus en attendant un meilleur moment où les prix seront un peu élevés.

Fatimata Diallo,laureate de la première édition du Salon de l’élevage du Burkina Faso

Cinq à six mois plus tard, la production qui a été mise en garantie peut être revendue pour rembourser le prêt », a-t-il expliqué, soulignant qu’il y a deux avantages à ce niveau : « Le prêt contracté permet de mener des activités génératrices de revenus et en plus, la vente du produit à une période où il se fait rare sur le marché, permet d’engranger des bénéfices ».

A ce propos, ce n’est pas Roukiatou Sow de la coopérative Djam Wéli, spécialisée dans la transformation du niébé, qui dira le contraire. « Au début, quand on finissait, on partageait nos produits et chacune utilisait sa part pour la vente ou sa propre consommation. Mais depuis qu’on a compris qu’on a la possibilité de contracter un prêt sur la base du niébé, je puis vous assurer que nos vies ont beaucoup changé », commente-elle avec un large sourire, invitant les autres groupements à se constituer en coopérative pour adopter ce système qui a déjà fait ses preuves.

Emerveillée par le warrantage qu’elle ignorait auparavant, Aïssatou Cissé du groupement Naye Sahel, spécialisé dans la production et la transformation du lait, ambitionne dans l’avenir d’adopter ce système. Mais avant, son groupement devra élargir son champ de compétences en se lançant dans la production des céréales.






Un taux d’accès de 5%

S’exprimant sur le taux d’accès des femmes à la terre, Thomas d’Aquin Dah, représentant le directeur provincial de l’agriculture et des aménagements hydrauliques du Séno, parrain de la présente session de formation, confie qu’ « il y a cinq ans de cela, ce n’était pas évident pour une femme d’avoir son propre terrain. Les choses avancent à pas de caméléon, mais on évalue à environ 5%, le taux de femmes qui ont des terres et des titres fonciers. Grâce à l’appui de la Fondation Konrad, nous constatons une évolution des femmes à l’accès à la terre ».

Consciente de cette avancée, mais aussi des efforts qui restent à fournir, la Fondation Konrad-Adenauer ne compte pas s’arrêter là. « Le processus que nous avons entamé est relatif à la sécurisation foncière. Mais une fois que vous entamez ce processus, vous allez vous rendre compte que sécuriser la terre pour une femme, s’il n’y a pas d’activité économique, il n’y a pas de sens », a noté Dramani Ouédraogo.


C’est ainsi qu’à l’issue de cette rencontre, la fondation prévoit d’accompagner les bénéficiaires dans l’optique de constater l’effectivité de la formation théorique. Déjà, une visite terrain a eu lieu à l’issue de la session de formation. C’est ainsi que les femmes se sont rendues chez Roukiatou Sow pour mieux nous imprégner des techniques de warrantage. Un tour également à la laiterie Suudu Kosam du Séno a permis à la responsable Fatimata Diallo, lauréate de la première édition du Salon de l’élevage, de partager son expérience avec les autres.

Fondée en 1955, Konrad Adenauer Stiftung est un think tank allemand associé à l’Union chrétienne démocratique allemand (CDU). Présente dans 120 pays, la fondation compte près de 25 ans de présence au Burkina et en Afrique de l’Ouest. Notons que cette session de formation s’inscrit dans le cadre du projet « Un monde sans faim »

Nicole Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net