Directeur général de la sécurité intérieure au moment du coup d’État de septembre 2015, le colonel Omer Bationo a été le premier officier supérieur à comparaître devant le tribunal militaire, ce mercredi 26 septembre 2018. À l’instar de quelques rares accusés, il a été félicité par les avocats des parties civiles.

Poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’État, meurtre et coups et blessures volontaires, le colonel Omer Bationo n’a reconnu aucun fait à lui reproché. Il a raconté au tribunal avoir reçu un appel téléphonique du colonel-major Boureima Kéré, le 16 septembre 2015, entre 14h et 15h, l’informant que le conseil des ministres avait été perturbé. « J’ai dit : ‘Encore ?!’ », se souvient l’officier.

« Le lendemain matin, quand j’ai vu la déclaration du lieutenant-colonel Mamadou Bamba, tout de suite j’ai décidé de protéger ma famille. Je suis allé voir le général Gilbert Diendéré pour lui dire que je ne voulais pas être associé à ce projet car, en 2011, lors des mutineries, on a tiré sur mes enfants et ils sont traumatisés », a relaté l’accusé, qui n’a pas voulu répondre à la question du président du tribunal sur l’identité de ceux qui ont effectué les tirs sur le véhicule transportant sa famille.

« Arrivé au camp Naaba Koom, j’ai vu le colonel-major Kéré et pendant que je discutais avec lui, le général [Diendéré] était en communication. Lorsqu’il a fini, je lui ai dit que je voulais le voir. Il m’a dit qu’il était beaucoup occupé et avait une rencontre avec la hiérarchie militaire au ministère de la Défense. Vers 17h, je suis revenu au camp mais il n’y était pas. Je me suis rendu donc à la présidence. Là encore, je l’ai vu et il m’a dit qu’il avait une autre rencontre à l’hôtel Laïco avec les ambassadeurs et que je pouvais l’accompagner. J’étais en tenue civile et j’étais un peu gêné », se souvient le colonel Bationo.

À l’hôtel Laïco, les ambassadeurs ont plaidé pour la libération des autorités de la Transition. Ne pouvant se prononcer sur le coup, le général aurait demandé une suspension de la rencontre pour consulter son staff. « J’ai donc profité de cette pause pour lui dire que je ne souhaitais pas être mêlé au putsch. Il m’a dit qu’il me comprenait. J’ai mis ma famille en lieu sûr et depuis, je n’ai plus revu le général », a poursuivi l’accusé dans son récit.

Pour le parquet militaire, les déclarations du colonel collent avec le contenu de ses procès-verbaux d’audition devant la gendarmerie et le juge d’instruction. Aussi, ses propos sont corroborés par les déclarations du général Diendéré. Toutefois, il dit ne pas comprendre pourquoi l’accusé a tenu à rencontrer en personne le général plutôt que de l’appeler ou de lui envoyer un SMS. « Oui, je pouvais le faire mais j’ai préféré le lui dire en face », a répondu sans détour l’accusé.


Pour les avocats des parties civiles, le message fort envoyé par le colonel à cette juridiction, c’est de dire que chaque accusé pouvait se désolidariser des putschistes. Me Silvère Kiemtaremboumbou de la défense ne l’entend pas de cette oreille, car la promiscuité entre les deux hommes permettait au colonel de s’adresser directement au général. Ce qui n’était pas le cas des autres bidasses. « Il ne faut pas en vouloir aux autres militaires de ne lui avoir pas dit qu’ils ne voulaient pas participer aux événements », a-t-il lancé.

« De par votre fonction de directeur général de la sécurité intérieure, avez-vous vu les choses venir ? » À cette question du président du tribunal, le colonel Omer Bationo répondra que de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) au Burkina Faso a des attributions différentes de son équivalente en France par exemple qui, elle, fait dans le renseignement. « Tout le monde savait qu’il y avait des remous au sein du RSP mais nous ne l’avons pas vu venir », a résumé l’accusé.

Pour Me Maria Kanyili, son client n’a pas sa place dans le box des accusés car « son dossier est vide ». D’ailleurs, elle a rappelé au tribunal qu’à la Chambre de contrôle, le parquet militaire avait demandé un non-lieu total pour le colonel.

En attendant le verdict final, le parquet militaire a tendu une perche à l’accusé afin d’apporter plus d’éclairage sur les tirs que sa famille a essuyés en 2011, une affaire qui n’a connu aucune suite depuis lors.

Herman Frédéric Bassolé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net