L’audition du capitaine Abdoulaye Dao, débutée le mercredi 19 septembre, s’est poursuivie ce vendredi 21 septembre 2018. Le commandant du Groupement des unités d’intervention (GUI) de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) au moment des faits, nie avoir participé, planifié, exécuté ou aidé à consolider la tentative de coup d’État de septembre 2015. Pour lui, c’était une énième crise.
Accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’État, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires à la discipline militaire, le capitaine Abdoulaye Dao est resté campé sur sa position. Il n’est mêlé ni de loin, ni de près à cette tentative de coup d’État. Il n’était même pas là lorsque les autorités de la Transition étaient mises aux arrêts.
Le 16 septembre 2015, il était en mission à Bobo-Dioulasso et le commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire d’alors, le colonel Sita Sangaré (actuel directeur de la Justice militaire) peut en témoigner. Il n’est revenu à Ouagadougou qu’autour de 23h30. Il a pris le temps d’aller se changer avant de se rendre au camp Naaba Koom II. Cinq minutes après son arrivée se tenait la rencontre des officiers du RSP avec les sages.
Il ressort des récits des uns et des autres que c’est le capitaine Dao qui a été le premier officier à prendre la parole après les sous-officiers, pour répondre au collège des sages venu négocier la libération des autorités de la Transition. Cette partie du récit a beaucoup intéressé les parties civiles qui trouvent curieux que quelqu’un qui n’est au courant de rien, vienne « tomber » sur une réunion, puisse prendre la parole en premier et tenir des propos du genre « maintenant on fait comment ? ».
Les avocats des parties civiles se demandent pourquoi lui, qui a en charge la sécurité du président du Faso, revient de son voyage, sait que le président est aux arrêts et ne cherche même pas à savoir ce qu’il est devenu et où il se trouve.
Sur une des questions de son avocate, Me Mireille Barry, le commandant du GUI revient sur les quatre crises officielles qui ont secoué le RSP avant la survenue de la tentative de coup d’État. Pour lui, la première crise date de novembre 2014, juste après la chute du régime Compaoré et la prise du pouvoir par le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida.
« On a décapité les têtes du RSP », entendez par là que le général Gilbert Diendéré, chef d’État-major particulier à la présidence ; et le colonel-major Boureima Kéré ont été relevés de leurs fonctions. « On a tenté de nous décapiter, mais on n’a pas pu », lance l’accusé. Pour lui, après avoir mis au garage les deux chefs, l’on (Zida) a tenté de les relever de leurs postes en passant par des manœuvres et des intimidations. C’est ainsi que son adjoint de groupement, Flavien Kaboré, est venu un soir chez lui le menacer avec son pistolet automatique. Tout cela pour qu’il ne vienne plus commander. Mais cela n’a pas marché.
La seconde crise a eu lieu le 30 ou 31 décembre 2014. À cette crise, le président Kafando a autorisé le Premier ministre Zida à venir au carré d’armes pour s’entretenir avec les hommes. Jusque-là, le RSP n’était pas commandé. S’en est suivie la crise de février 2015, où le Premier ministre Zida s’est retrouvé chez le Mogho Naaba alors que le président du Faso et les ministres l’attendaient pour le Conseil des ministres qui a finalement été annulé.
Le collège des sages est intervenu et des engagements ont été pris de part et d’autre pour normaliser la situation. La quatrième crise (29 juin 2015) est née du fait que lui (capitaine Dao) ; son adjoint de groupement, Flavien Kaboré ; et le colonel Céleste Coulibaly ont été convoqués par SMS à la gendarmerie de Paspanga. La raison, le capitaine Dao dit l’ignorer.
Les questions qu’on leur posait étaient : « Comment ça va ? Est-ce que ça va au RSP ? ». Et eux répondaient « Oui ça va, tout va bien au RSP ». Entre temps, ils sont joints par le colonel-major Kéré qui voulait savoir ce qui se passait, car les hommes du RSP étaient en train de se rassembler au camp Naaba Koom II. C’est ainsi qu’ils ont demandé à partir régler la situation. Au camp, ils ont pu calmer les hommes qui se sont dispersés et chacun est rentré chez lui. Plus tard, il a été rappelé car les hommes étaient encore rassemblés au camp. Ils y reviennent et c’est pendant les échanges qu’une rafale de tirs est partie de la pénombre en leur direction. C’est à cet instant que des hommes ont tenté de fuir et ont été rattrapés.
De leurs confessions, ils auraient appris que le RSP voulait arrêter le Premier ministre Zida et ils se sont organisés pour s’y interposer. Pour ce travail, ils auraient reçu de grosses sommes de la part de Zida (8 millions de F CFA chacun). L’accusé avoue qu’au camp, certains militaires, qui n’avaient même pas cinq ans d’ancienneté, roulaient avec des véhicules de luxe dont la valeur atteint 12 millions de F CFA et gardaient par devers eux des devises entre 10 et 15 millions de F CFA. Il ajoute que certains militaires étaient dans le trafic de drogue.
C’est sur ces paroles que Me Barry a demandé une suspension au président du tribunal, car elle avait des bourdonnements aux oreilles et n’entendait plus bien son client. Demande acceptée par le président du tribunal. L’audience reprend donc le lundi 24 septembre 2018 à 9h, avec la suite de l’interrogatoire du capitaine Dao.
Marcus Kouaman
(kmagju@gmail.com)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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