Le Premier ministre burkinabè était à l’hémicycle, le 17 septembre 2018. Paul Kaba Thiéba est allé rendre compte à la représentation nationale de la situation sécuritaire du pays. Une situation qui s’est particulièrement détériorée depuis le début de l’année 2018, particulièrement dans la région de l’Est. Ce fut également l’occasion pour le chef du gouvernement de présenter les perspectives pour venir à bout du phénomène. La lutte requiert l’engagement de tous. C’est pourquoi Paul Kaba Thiéba a appelé l’ensemble des Burkinabè à l’union sacrée autour de la nation.

Au Burkina, d’avril 2015 au 15 septembre 2018, les attaques terroristes ont causé 118 morts, soit 48 éléments des forces de défense et de sécurité et 70 civils. L’année 2018 est la plus macabre avec 69 morts en seulement huit mois et demi. Initialement limitée au septentrion burkinabè, la menace terroriste s’est progressivement étendue à d’autres régions du pays, singulièrement à l’Est. Les actes terroristes enregistrés ciblent principalement les symboles de l’État, les institutions, les représentants des forces de défense et de sécurité ; les agents des douanes, des eaux et forêts, de la police nationale ; les écoles, les bureaux de l’administration déconcentrée… Ces actions ont pour conséquences la perturbation des activités socio-économiques et éducatives, installant ainsi la psychose au sein des populations et des administrations locales.

« Toutes ces attaques visent à saper le moral des forces de défense et de sécurité, à saper l’unité nationale et la cohésion des Burkinabè et à affaiblir les institutions démocratiques à des fins inavouées », a confié le Premier ministre Paul Kaba Thiéba. « Au vu de ces faits et de l’évolution des modes opératoires sophistiqués, nous devons avoir la lucidité de reconnaître que notre pays est victime d’une tentative de déstabilisation.

Certes, le contexte sécuritaire sous-régional n’est pas négligeable dans l’appréciation de la situation, mais je pense que la responsabilité nous incombe d’apprécier les faits en ce qui concerne notre pays, avec courage et lucidité, en vue d’y faire face », a-t-il poursuivi.


Dans la région de l’Est du pays, Natiaboani, Foutouri, Matiacoali, Nassougou, Pama, Gayeri et le parc d’Arly ont été des cibles régulières d’actes ou d’attaques terroristes. Des attaques qui ont causé la mort de quinze militaires, trois paramilitaires et cinq civils et fait 19 blessés.

Elles ont également occasionné d’importants dégâts matériels. « Les groupes armés se sont illustrés par l’utilisation de techniques et de procédés dont la fréquence et la localisation prouvent qu’ils ont acquis une certaine expertise et une liberté d’action. La multiplication des attaques sur plusieurs fronts traduit l’intention des forces du mal à étendre leur emprise sur l’ensemble du territoire national », a souligné le chef du gouvernement devant la représentation nationale.

« Face à cette situation d’insécurité inquiétante, plusieurs approches militaires et non-militaires sont entreprises pour faire face, de façon intégrée, à la question du terrorisme et des autres défis sécuritaires auxquels le pays est confronté », a-t-il néanmoins assuré.

Au nombre des mesures, il y a des opérations purement militaires de sécurisation du territoire national, avec un accent particulier sur les actions civilo-militaires et la sensibilisation de la troupe au respect des principes du droit international humanitaire et des droits de l’homme au cours des différentes opérations militaires. Aussi, « un effort particulier est fait en ce qui concerne le renforcement des capacités opérationnelles à travers l’équipement, l’entraînement ainsi que la formation des unités d’élite et de forces spéciales », a souligné le Premier ministre. Il a également évoqué les contraintes et limites des mesures entreprises qui sont d’ordres logistique, opérationnel et financier.


Abordant les perspectives dans cette lutte, Paul Kaba Thiéba a annoncé qu’à l’issue du Conseil supérieur de la défense nationale tenu le 8 septembre dernier, le président du Faso a donné des instructions « pour prendre toutes les mesures, militaires, financières, etc… pour restaurer l’autorité de l’État et assurer la sécurité des institutions et des Burkinabè ». Par ailleurs, le Conseil supérieur de la défense nationale se réunira dorénavant toutes les deux semaines jusqu’à nouvel ordre.

Au regard du caractère asymétrique de la menace terroriste, l’action militaire ne saurait constituer l’unique réponse. C’est pourquoi la nécessité d’une approche globale et holistique dans la lutte contre ce fléau s’impose, avec l’implication de toutes les composantes de la nation. « Chaque Burkinabè est concerné dans cette guerre patriotique contre nos ennemis qui cherchent à détruire notre pays, nos institutions et les valeurs sur lesquelles se fondent notre vivre-ensemble », a lancé le chef du gouvernement.


Après le Premier ministre, au moins treize ministres seront auditionnés sur la question sécuritaire par les députés de la 7e législature, au cours de cette session parlementaire extraordinaire. Les autres séances plénières se tiendront à huit clos pour permettre d’aborder toutes les questions, y compris celles qui fâchent.

« Il était de bon ton que le premier des ministres vienne planter le décor afin que nous puissions savoir où aller. Les plénières à venir se feront à huis clos avec les autres ministres concernés par la question. Nous allons également demander aux ministres concernés de venir avec leurs techniciens (hiérarchie militaire, conseillers techniques…) pour éplucher toutes les questions et avoir les réponses adéquates », a précisé Alassane Bala Sakandé, le président de l’Assemblée nationale. « Il n’y pas que les ministères directement concernés par la question qui vont passer.

Le ministre de l’Agriculture par exemple sera entendu par la plénière parce qu’il nous est revenu que des gens utilisent les engrais offerts par ledit ministère pour fabriquer des explosifs. Au moins, ce sont treize ministres qui seront auditionnés pour nous donner tous les détails de l’impact des attaques sur leurs ministères, sur ce qu’ils font actuellement, sur ce qu’ils envisagent de faire pour que nous puissions ensemble faire une synthèse pour faire des propositions au gouvernement », a-t-il précisé.

À l’issue de ces auditions, l’Assemblée nationale entend élaborer un rapport assorti de recommandations qu’elle va adresser au président du Faso. Aussi, si la situation requiert le durcissement de la loi, les députés se disent prêts à aller dans ce sens afin d’adapter les textes de loi aux défis du moment.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net