Face à son destin, seul à la barre, chaque accusé se défend avec ses armes. Certains, très rares, font profil bas ; d’autres préfèrent le pugilat verbal. Ce 16 août 2018, à la reprise du procès du coup d’Etat de septembre 2015, un soldat de première classe, Sidiki Ouattara, est resté à la barre toute la journée. Tantôt assis, tantôt débout, celui qui qui a préféré parler en dioula, n’a laissé personne indifférent. Les dioulaphones se sont délectés, alors que le président du tribunal a passé le temps à demander du silence.
Mauvaise foi, stratégie de défense ou simple réalité ? Le soldat de première classe a dit ne pas parler français ; un interprète lui a donc été affecté. « Le commando a pourtant toujours exécuté les ordres donnés en français, sans que l’armée lui donne affecte un interprète », fait remarquer Me Prosper Farama, avocat de la partie civile. Le conseil rappellera d’ailleurs que des soldats sont déjà passés à la barre, et sans parler un français académique, ils se sont exprimés et se sont défendus dans le « français de l’armée », selon le mot du soldat Boureima Zouré.
Au fil de son interrogatoire, l’accusé Sidiki Ouattara a plusieurs fois rappelé qu’il aurait préféré mourir, lors de son passage à la gendarmerie. Après l’avoir longtemps « cuisiné », Me Prosper Farama lui demande enfin d’expliquer pourquoi il insiste pour dire qu’il aurait préféré mourir.
Sidiki Ouattara commence alors la narration des faits depuis son arrestation. Il relate qu’il a été menotté, placé sous les banquettes d’un pick-up de la gendarmerie. Une arme braquée sur lui, il est conduit dans les locaux de la gendarmerie de Paspanga. Là, ses téléphones portables lui sont retirés, et il reste cinq jours sans que sa famille ne sache où il est. Fin de la narration ? Oui.
Me Prosper rebondit. L’avocat demande si c’est à cause de cela qu’il affirme qu’il aurait préféré mourir. Sidiki Ouattara, toujours par le truchement de l’interprète, fait savoir à l’avocat que c’est parce qu’il n’a pas encore été menacé avec une arme pointée sur lui, qu’il avance que ce n’est pas suffisant pour avoir envie de mourir.
Le conseil de la partie civile réplique : « La gendarmerie m’a aussi arrêté deux fois quand j’étais étudiant, mais je n’ai pas eu envie de mourir ! ». Le soldat insiste pour dire que c’est peut-être parce qu’il n’a pas été vraiment menacé. Me Farama persiste. Il avait bel et bien une arme pointée sur lui, il a même été conduit hors de la ville par les pandores. Bien que n’étant pas commando comme Sidiki Ouattara, il note qu’il n’a pas eu envie de mourir, mais plutôt de vivre, ce, malgré la peur.
L’accusé n’abdique pas. « Mais qu’avais-tu fais pour être arrêté ? », lance-t-il à l’avocat. « Un peu de ce que tu as fait », répond Me Farama. Le président du tribunal intervient pour mettre fin au dialogue, alors que la salle d’audience est plongée dans l’hilarité.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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