Condamné à une peine de dix ans pour désertion et participation à l’attaque de la poudrière de Yimdi, le soldat de 1re classe, Hamado Zongo, fait aussi partie des accusés du putsch de septembre 2015. A la barre, il est resté campé sur sa position : « Je n’ai pas effectué de patrouille ». Ce n’est pourtant pas ce qui ressort des procès-verbaux de son audition au fond devant le juge d’instruction.

Après la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), place aux affectations. Le soldat de 1re classe Hamado Zongo, après avoir récupéré son ordre de mission le 2 octobre 2015, se rend le lendemain à Gaoua, à son poste d’affectation. Pendant le trajet, à Boromo, il reçoit un appel anonyme. Des menaces. Qui lui en veut ? Le soldat a sa petite idée : d’anciens éléments du RSP qui avaient échoué dans leur projet d’assassinat du général Gilbert Diendéré, en juin 2015. Par mesure de sécurité, Hamado Zongo détruit la carte SIM de son téléphone.

Une fois à Gaoua, il prévient ses chefs que sa vie est menacée. Sans suite. Il décide alors de passer la frontière pour s’installer dans la localité de Doropo, dans un site d’orpaillage. C’est à partir de là qu’il rejoint le sergent-chef Ali Sanou à Abidjan, après avoir eu les nouvelles de ce dernier sur les réseaux sociaux. Tel est en substance le récit livré ce mercredi, par le soldat de 1re classe Hamado Zongo, déjà condamné pour désertion et participation à l’attaque de la poudrière de Yimdi.



« …même chez les Koglwéogo »

Une partie des dossier du putsch

Pour le parquet militaire, l’accusé avait certainement quelque chose à se reprocher dans le coup d’État de septembre 2015, sinon il n’aurait pas pris la fuite. Pour Me Alexandre Sandwidi, conseil du soldat, il s‘agit là d’une déduction fragile. Soit ! Son accusé, qui reconnait tout de même s’être rendu dans la ville de Zorgho avec une équipe dirigée par le sergent-chef Ali Sanou, nie pourtant avoir eu connaissance de l’objet de cette mission avant son départ et après son retour de Zorgho.

« C’est le juge d’instruction qui m’a dit que nous sommes allés à Zorgho pour détruire une radio », a-t-il déclaré à la barre. « Je ne crois pas en votre défense. Elle est trop bancale. On ne trouve ça dans aucune armée. Même chez les Koglwéogo ! », a martelé Me Prosper Farama.

« On peut être de très bonne foi et trahir la pensée de quelqu’un »

À l’audience, les esprits se sont échauffés. Hamado Zongo a également nié, à maintes reprises, avoir effectué des patrouilles comme mentionné dans le Procès-verbal (PV) de l’instruction au fond. Pour Me Sandwidi, les PV ne peuvent être pris pour parole d’évangile et le tribunal ne doit retenir que les déclarations faites à la barre. « On peut être de très bonne foi et trahir la pensée de quelqu’un. Il n’est pas exclu aussi que le fait que le juge soit un commandant n’ait pas joué aussi. (…) Nous ne disons pas que l’instruction était un enfer. Nous ne disons pas aussi que c’était un festin », fera remarquer Me Alexandre Sandwidi.

« Assumer la paternité des PV »

Me Bonkoungou Dieudonné

« C’est très grave comme allégation », a lancé Me Prosper Farama qui estime que la défense peut porter plainte, preuves à l’appui, si elle estime que les PV ne traduisent pas les déclarations de l’accusé. « L’accusé doit assumer la paternité des procès-verbaux qu’il a signés », dira-t-il.

Dans la même veine, Me Séraphin Somé a fulminé contre la partie civile : « Nous souhaitons que ce soit la dernière fois que des PV d’instruction soient remis en cause sans que les avocats de la défense n’aient le courage d’aller au fond ». En réponse à son confrère, Me Sandwidi soutiendra que « si les PV ne devaient pas être discutés, à quoi servirait alors un procès ? ». En renfort au conseil du soldat de 1re classe, Me Isaac Doribana avancera qu’« il n’appartient pas à la partie civile de dicter la conduite à tenir à la défense. Que les avocats aient en mémoire qu’à tout moment, ils peuvent se retrouver du côté de la défense ».

Sur la question des procès-verbaux, le parquet militaire dit ne pas douter de la sérénité du tribunal car l’article 206 du code de procédure pénal dispose que « la chambre d’accusation examine la régularité des procédures qui lui sont soumises. Si elle découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l’acte qui en est entaché, et, s’il y échet, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure ».

« Ce n’est pas le procès du RSP »

Toujours à l’audience, Me Dieudonné Bonkoungou dépeindra une « logique d’inachevé » dans ce procès qui, selon lui, « signe la logique des vainqueurs, des demi-vérités ». « Cherchons la vérité sans discrimination », conseillera-t-il, après s’être demandé pourquoi certains éléments du RSP comme Madi Ouédraogo, Zallé, Hamado Kafando, Kassoum Dakouré ne figurent pas parmi les inculpés.

Pour le procureur militaire, il est temps « que chacun balaie devant sa cour. Il ne faut pas mener un débat quand on ne maîtrise pas le domaine. Que Me Bonkoungou lise le dossier pour voir si Zallé et Madi sont dedans ou pas. Que chacun fasse ce pourquoi il est payé. Il n’est pas payé pour tout le monde. Que les gens aient de la retenue. Le faux ne dure pas car les juges sont sereins… Ce n’est pas le procès du RSP, on s’insurge contre ça ».

Pour trancher sur la question, le président du Tribunal, Seidou Ouédraogo, dira à la défense que sa juridiction qu’est la Chambre de première instance, n’a pas été saisie pour les personnes dont les noms ne figurent sur la liste des 84 accusés. « Il s’agit d’un débat de l’instruction et pas de la Chambre. Il faudra en tenir compte dans vos plaidoiries », a-t-il conclu.

L’audience reprendra le vendredi 27 juillet 2017 à 9h.

Herman Frédéric Bassolé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net