La Direction générale des impôts (DGI) se modernise afin de répondre aux attentes des contribuables et ainsi mobiliser davantage de ressources au profit du budget de l’État. C’est ce cadre que s’inscrit sa plateforme e-syntax, un portail de télédéclaration et de télépaiement des impôts et taxes. Une plateforme qui suscite de l’engouement auprès des contribuables. Ainsi, en trois mois de fonctionnement, 213 contribuables déclarent et paient leurs impôts à travers cette plateforme. Les enjeux et les avantages sont expliqués par Adama Badolo, le directeur général des impôts, dans l’entretien ci-après. Il donne des précisions sur la mobilisation de recettes par la DGI au 30 juin 2018 et annonce les prochaines étapes des téléprocédures entamées par sa structure.

Lefaso.net : Vous avez procédé au lancement officiel de la plateforme e-syntax, le 12 avril dernier, qu’entend-on par e-syntax ?

Adama Badolo (A.B.) : E-syntax est le portail de télédéclaration et de télépaiement des impôts et taxes. C’est une plateforme qui permet aux contribuables de soumettre leurs déclarations en ligne, de transmettre leurs déclarations à la Direction générale des impôts sans se déplacer, de payer également leur impôts à travers internet à travers e-syntax. Notre système fiscal est un système déclaratif cela veut dire que chacun doit souscrire une déclaration d’impôts et dire quel est le montant qu’il doit payer et puis il paie. Ce que nous faisons, c’est de faciliter cette déclaration.

Avant, on n’avait des préposés à la réception et à l’information. Il y avait des agents qui étaient là et quand vous envoyez des déclarations, vous les leur tendez, ils prennent et vous donnent les reçus. Donc, c’est ça que nous voulons supprimer pour que les dossiers arrivent directement à la Direction générale des impôts dans notre système informatique.

Lefaso.net : Y a-t-il une différence entre e-syntax et les téléprocédures ?

A.B. : C’est absolument la même chose. Disons que e-syntax fait partie des téléprocédures. Il y a la télédéclaration, le télépaiement et d’autres procédures fiscales puisqu’en plus de payer et de déclarer ses impôts, il peut arriver que vous ayez besoin d’un document au niveau de la DGI, par exemple un certificat d’exonération, une attestation de retenue à la source… Donc, il y a des documents administratifs dont vous pouvez avoir besoin qui peuvent aussi être délivrés en ligne et ce n’est pas le cas d’abord, mais on n’est dans le processus. Et après le lancement de la télédéclaration le 12 avril, on a enchaîné avec le télépaiement le 2 juillet dernier.

Lefaso.net : Quelques semaines après le lancement des téléprocédures, peut-on dire qu’il y a une adhésion des contribuables à ces systèmes de déclaration et de paiement ?

A.B. : Il y a même un engouement, et je suis surpris de voir le rythme d’adhésion car il ne se passe pas un jour sans qu’il n’y ait un contribuable qui adhère à notre plateforme. À la date d’hier (17 juillet 2018, ndlr) il y avait 213 contribuables qui ont adhéré, et c’est vraiment une prouesse. Le télépaiement a effectivement commencé le 5 juillet. À la date du lundi 15 juillet, 590 millions de francs CFA ont été payés par ce système.

Lefaso.net : Quels sont les avantages de ces nouveaux systèmes de paiement ?

A.B. : L’avantage est à plusieurs niveaux. Le contribuable ne va plus se déplacer aux impôts, donc il va économiser le temps qu’il utilisait pour aller à la DGI pour payer ses impôts. Il y a la sécurité et la fiabilité des informations. Le contribuable est presque sûr que c’est l’information qui est dans le système de la DGI qu’il a introduite. Ainsi, au niveau de l’administration des impôts, nous allons réorienter nos ressources car les ressources sont rares. Le personnel est insuffisant pour saisir, recevoir des déclarations, recevoir des quittances, etc. Pour cela le personnel va être déployé pour les tâches du terrain.

Vraiment, on va économiser et optimiser pour être plus efficace et améliorer les recettes. Il y a la rapidité dans la déclaration physique. Il fallait attendre un mois pour avoir une réponse, mais avec la nouvelle plateforme, dès le lendemain les agents peuvent faire leurs travaux d’analyse.

Je finis en disant que dans notre pays, le climat des affaires doit être amélioré et la téléprocédure, c’est-à-dire déclarer et payer ses impôts, est un indicateur qui est suivi au niveau du rapport « Doing business ». Ces systèmes de paiements permettront à notre pays d’améliorer cet indicateur-là.

Lefaso.net : Le problème de connectivité auquel le Burkina Faso est confronté n’est-il pas un handicap pour l’opérationnalisation effective de ce système de paiement ?

A.B. : C’est vrai que nous n’avons pas un réseau informatique performant. Mais les problèmes que nous avons actuellement qui sont fréquemment relayés sont des problèmes de disponibilité du réseau informatique de l’administration. Notre réseau administratif, le RESINA, ne marche pas.

Maintenant, tant que le réseau du contribuable fonctionne, il peut déclarer ses impôts car il n’a pas besoin du réseau de l’administration de la DGI pour déclarer ses impôts. Le problème de réseau ne sera plus un handicap pour la déclaration car les contribuables vont utiliser leur propre réseau.

Maintenant est-ce que leur réseau est fiable ou pas ? C’est une autre question. Je pense qu’il y a des travaux en cours pour l’améliorer. Globalement, ce réseau qu’on utilise pour aller sur Facebook, WhatsApp suffit pour faire une télédéclaration.

Lefaso.net : Qu’est-ce que est prévu au niveau de la DGI pour une maîtrise de ce nouvel outil par les contribuables ?

A.B. : Nous avons créé quatre centres pour les formations. Nous organisons des séances qui durent une heure et demie pour les contribuables, par groupes de cinq. Ces centres de formation sont logés à la Direction des grandes entreprises, dans les deux Directions des moyennes entreprises de Ouagadougou et à la Direction des moyennes entreprises de Bobo-Dioulasso. Les formations sont assurées par des collaborateurs qui ont été formés et qui animent ces séances de formation à la demande.

En plus de la formation, il y a l’assistance. Il y a des numéros de téléphone de certains agents qu’on peut appeler à tout moment et qui peuvent même se déplacer pour permettre aux gens de se former. Nous allons bientôt ouvrir un cinquième centre à la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina. Ainsi, la Chambre de commerce pourra démarcher ses membres pour que ceux qui veulent être formés à l’utilisation de la plateforme puissent l’être.

Lefaso.net : L’un des objectifs des téléprocédures, c’est l’amélioration du civisme fiscal. Expliquez-nous le lien entre civisme fiscal et cette nouvelle plateforme informatique ?

A.B. : Il y a un lien très évident. C’est d’abord la simplification du paiement de l’impôt. Si tu dois aller passer ta journée pour payer un impôt, vraiment ça n’encourage pas. Nous pensons et c’est démontrer que si le paiement des impôts est simplifié, les gens sont plus enclin à venir payer leurs impôts. La deuxième chose est qu’avec la télédéclaration, nous allons rendre automatique et sécuriser une bonne partie des recettes fiscales, c’est-à-dire d’ici l’année prochaine, 80 % de ce que nous encaissons comme recettes va être payé automatiquement sans intervention humaine.

C’est très avantageux car nous allons nous concentrer sur les analyses de dossiers, les analyses de risques et rechercher ceux qui ne paient pas. Et quand les gens sauront qu’ils ne peuvent pas échapper à l’administration, ils seront obligés d’adhérer et le civisme en ce moment devient un civisme forcé, cela assainit les relations entre l’administration et le contribuable et ça donne de la crédibilité et de la transparence.

Lefaso.net : Après l’effectivité de la télédéclaration et du télépaiement, quelles sont les prochaines étapes ?

A.B. : La très prochaine étape, c’est la généralisation du système à tous les contribuables. Aujourd’hui, on parle de télédéclaration et de télépaiement, mais c’est juste pour quelques contribuables, notamment les grandes entreprises et les moyennes entreprises, c’est en gros 5% du portefeuille de la DGI. Donc il y a 95% des contribuables qui ne sont pas encore concernés. La prochaine étape également, c’est de pouvoir payer par le téléphone à travers les comptes Mobicash et Orange money.

L’autre moyen c’est d’utiliser la carte bancaire, par exemple la carte visa, pour payer les impôts. Également, il faudra renforcer le paiement au niveau des banques par la collecte de la petite épargne. La prochaine étape également, c’est la e-liasse fiscale, c’est-à-dire les bilans des entreprises, les entreprises ne vont plus déposer de bilans physiques il vont déposer leur bilan de façon électronique.

Aussi on n’aura plus besoin de se déplacer à la DGI pour avoir une attestation, un certificat. Sauf ceux qui ne seront pas à jour qui seront obligés de venir s’expliquer, de venir négocier, de venir prendre des engagements.

Lefaso.net : Peut-on, avec ce système, en finir avec la question des restes à recouvrir ?

A.B. : Malheureusement ou heureusement, on n’arrêtera jamais de parler de restes à recouvrir, car c’est une partie intégrante du système. Tant qu’il y a des impôts, tant qu’il y a des contribuables, il y aura des restes à recouvrir. En fait ce qu’il faut comprendre ce n’est pas des crédits qu’on prend, ce sont des déclarations qu’on fait et tant que vous êtes un contribuable, tous les mois vous faites des déclarations et vous payez. Ce qu’on ne dit pas, c’est que les gens ont payé et il y a eu de nouvelles dettes car il peut arriver un mois où l’entreprise paie et un autre où il n’arrive pas à payer.

La deuxième origine des restes à recouvrir, ce sont les redressements fiscaux, les contrôles. Quand on fait un contrôle sur trois ans en arrière, l’entreprise peut se retrouver dans une situation où elle a posé un acte qui n’est pas conforme et se retrouver à payer du coup 200 millions. Cela fait l’objet d’un plan de règlement car l’entreprise ne peut pas payer cette somme sur le champ. Aussi, il y a toutes les entreprises qui ont des difficultés sans oublier les entreprises à qui l’État doit.

Beaucoup de choses sont dites sur les restes à recourir qui ne sont pas du tout vrai. Les restes à recouvrir sont maitrisés, ils sont gérés et on applique des procédures pour pouvoir les apurer. C’est le travail que nous faisons. Actuellement, nos équipes sont sur le terrain en opération de recouvrement. C’est vrai qu’il y a des contribuables vraiment qui sont difficiles mais on essaie de faire comme on peut.

Lefaso.net : En termes de recouvrement, où en est la DGI aujourd’hui ?

A.B. : Nous sommes à 76% des objectifs de la période. Nous avons recouvré 353 milliards. L’année dernière, en fin juin, on était à 325 milliards donc on a eu une augmentation de 28 milliards, nous sommes loin de nos objectifs et nous en sommes conscients. Le premier semestre a été un semestre difficile, il a été marqué par les mouvements sociaux, particulièrement les deux derniers mois de mai et juin, qui nous ont plombés. En fin avril, on était à 40 milliards de plus seulement sur les quatre mois.

C’est pourquoi d’ailleurs nous sommes en opération de recouvrement et nous avons mobilisé 180 agents des impôts avec 30 agents de police qui sont sur le terrain jusqu’au 10 août. Ils vont donc visiter les contribuables pour les relancer pour les amener à payer leurs arriérés. On n’est pas satisfait du niveau de recouvrement mais on se donne les moyens pour combler le gap que nous avons enregistré au premier semestre en particulier au cours des mois de mai et juin.

Lefaso.net : Avez-vous un appel à lancer ou un dernier message ?

A.B. : C’est juste insister sur l’importance pour les entreprises, les contribuables, d’adhérer à la plateforme e-syntax. C’est vraiment la volonté de la Direction générale des impôts de se moderniser d’être plus performante et d’offrir de meilleurs services aux usagers. C’est ce qui nous amène à aller vers ses solutions innovantes. On ne pourra atteindre nos objectifs que si et seulement si les contribuables adhèrent et qu’ils acceptent vraiment d’utiliser la plateforme.

Les témoignages que nous avons, le retour que nous avons actuellement indique que ceux qui ont commencé à payer à travers cette plateforme sont très satisfaits. Véritablement, c’est un appel aux autres qui hésitent à venir adhérer à la plateforme, à télédéclarer et télépayer leurs impôts. Ainsi, quand ils rencontrent un agent des impôts, c’est pour parler d’un problème technique, mais pas des questions administratifs.

Interview réalisée par Moussa Diallo et Laurence Tianhoun

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Source: LeFaso.net