La défense a-t-elle joué ses dernières cartes, ce vendredi 29 juin 2018, dans le procès du putsch de septembre 2015, débuté le 27 février dernier ? Rien n’est sûr, mais le moment tant attendu par les avocats de la partie civile et les familles des victimes est enfin arrivé : l’interrogatoire des accusés. Le premier à passer à la barre n’est pas un Général mais plutôt un sous-officier de l’armée au moment des faits, le sergent-chef Zerbo Laoko Mohamed.
Entrer dans le vif des débats, tel était le vœu de Me Prosper Farama et sa bande qui, jusqu’à ce vendredi, ont toujours dénoncé une fuite en avant de la défense. Une défense qui s’était disloquée avec la vague de déports, et qui est en train de constituer à compte-goutte. Me Olivier Yelkouni vient de rejoindre l’écurie du Général Gilbert Diendéré. Me Paul Kéré aussi, en plus de la pléiade d’accusés parmi lesquels Fatoumata Diendéré, Herman Yaméogo, Léonce Koné. Dos au mur après avoir presqu’épuisé toutes ses cartes, la défense n’a pu empêcher le président de la Chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou, de sonner la fin de la récréation, comme dirait, Me Séraphin Somé. L’interrogatoire des accusés a donc débuté l’après-midi.
Premier à passer à la barre, un sergent-chef, membre de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP). Il s’agit de Zerbo Laoko Mohamed. Il comptabilisait neuf années de service jusqu’à sa radiation des forces armées nationales.
Le coup de fil
- A l’ouverture de l’audience le 27 février
Plusieurs charges pèsent sur l’inculpé : attentat à la sureté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation volontaire aggravée de biens. Des chefs-d’accusation balayés du revers de la main par l’intéressé. Dans son récit, l’homme raconte que le 16 septembre 2015, à 13h, il se trouvait au bureau lorsqu’il a reçu un appel du sergent-chef Koussoubé Roger lui demandant de se rendre au garage du palais présidentielle. Le garage, c’est le poste de repos des militaires.
Arrivé au lieu indiqué en tenue de sport, il dit avoir trouvé le sergent-chef Koussoubé et l’adjudant-chef major Badiel Eloi en compagnie d’autres militaires dont il ignore l’identité. Le Major lui aurait alors intimé d’aller enfiler sa tenue militaire pour revenir.
« Non…jamais »
- Une partie des dossier du putsch
« De retour, l’adjudant Ouékouri Kossè m’a demandé si je savais conduire. J’ai répondu oui et il m’a dit de conduire un véhicule V6. Nous sommes allés du côté ouest du palais pour une mission d’observation », raconte-t-il. Le sergent-chef Zerbo se souvient être resté dans le véhicule alors que son supérieur attendait dehors près du véhicule.
« A quel moment avez-vous su que les autorités de la transition étaient en otage ? », a demandé le Procureur militaire. « Pratiquement, le lendemain à travers les ondes », a répondu l’inculpé.
« Avez-vous quitté le palais pour la ville pour une autre mission ? », insiste le Parquet ? « Non ! »
« Qu’est-ce que vous avez observé, une fois arrivé avec le véhicule dans l’aile ouest du palais ? » « A part les arbres et les fleurs, il n’y avait rien », a rétorqué le sergent-chef. Et le procureur de revenir à la charge « Pourtant dans votre déposition, vous avez dit que de votre position, vous avez vu des gens dont le Sergent-chef, Nébié Moussa et le Sergent Poda Ollo Stanislas faire irruption dans la salle du conseil des ministres ». « Jamais », s’est défendu l’inculpé.
« On s’est beaucoup tiraillé »
- Me Pierre Yanogo
« Dans votre déposition, vous avez dit avoir pris part à une réunion dirigée par le Major Badiel Eloi. Vous avez aussi dit qu’il y avait l’Adjudant Ouékori Kossè et deux autres personnes dans le véhicule que vous avez conduit », poursuit le parquet. « Je n’ai pas souvenance de cela. Le juge m’a dit que six accusés lui ont dit qu’ils étaient avec moi. J’ai dit non. […] Quand le juge me posait les questions, les choses étaient claires pour lui. Je lui ai dit que s’il savait déjà ce qui s’était passé, pourquoi il me posait toutes ces questions. On s’est beaucoup tiraillé », a confié au tribunal le sergent-chef Zerbo.
Le Parquet militaire dit ne pas comprendre pourquoi l’inculpé a signé les procès-verbaux de son interrogatoire devant le juge si ceux-là ne reflétaient pas ses propos. Et le sous-officier de répondre « Je n’avais pas l’impression d’avoir un juge militaire en face de moi, mais un chef militaire ». Pour l’avocat de l’accusé, Me Badini, le tribunal doit faire attention à ce qui se dit à l’audience et non faire une fixation sur ce qui a été dit devant le juge d’instruction même si il vaut son pesant d’or.
La question sans réponse
A quelle heure l’accusé a-t-il quitté le palais ? A cette question du président du tribunal, Seidou Ouédraogo, le sergent répondra qu’il est allé au camp, ensuite à la radio Savane FM vers 16h, 17h après avoir reçu les instructions du major. Détail important, il confiera que lui et les trois hommes qui l’accompagnaient n’ont pas envahi la radio mais sont restés à l’extérieur. De retour de là, il déclare avoir rencontré des barricades au niveau de la télévision BF1, barricades qui auraient été dégagées sans qu’il n’y ait des tirs.
Intrigué, Me Yanogo Pierre de la partie civile va cuisiner l’accusé qui dit avoir eu vent de la séquestration des autorités de la transition, à travers « les ondes », le 17 septembre. « Avez-vous entendu des coups de feu ou pas, le 16 septembre ? », a formulé dans tous les sens l’avocat. La question pourtant simple n’eut pas de réponse claire de la part de l’accusé qui n’a fait que se répéter « Je ne comprends pas bien la question… ».
En attendant la reprise de l’audience, ce samedi 30 juin, Me Prosper Farama reste convaincus que 84 personnes ne peuvent tenir une cohérence dans le mensonge.
Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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