Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a fait le bilan à mi-parcours de sa gestion, au cours d’un entretien accordé à trois chaînes de télévision (RTB, BF1 et Burkina Info), le dimanche 24 juin 2018. Pendant plus de 60 minutes, le chef de l’Etat est revenu sur plusieurs aspects liés à la gestion du pouvoir, les questions épineuses du moment, sans oublier les rumeurs qui défraient la chronique sur la toile. Retour sur quelques grands axes de cet entretien.

Actualité l’oblige, le bras de fer qui oppose la Coordination des syndicats du Ministère de l’économie et des finances (CS-MEF) au gouvernement, a fait l’ouverture de l’entretien. Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a prôné le dialogue entre les acteurs. « Je voudrais encore réitérer toute ma disponibilité et celle du gouvernement à la discussion. Je voudrais encore demander aux syndicats du ministère de l’Economie et des Finances de lever leur mot d’ordre de grève, de reprendre leur service de manière à ce que nous puissions engager des discussions qui tiennent compte de tout ce que nous avons engagé avec les autres centrales aujourd’hui », a-t-il déclaré.

En ce qui concerne la motivation des agents du Trésor et des Impôts sur le taux de recouvrement escompté de 10% en termes d’augmentation, le chef de l’Etat a tenu à mettre la lumière sur le rôle que chaque acteur du développement joue au Burkina Faso.

Pour lui, les agents du ministère en charge de l’Économie « bénéficient déjà d’une motivation qui sont de primes de rendement qui sont déjà versées (les Fonds communs) ». « J’aimerais que nous comprenions que tout le monde participe au développement économique d’un pays, (…) les braves paysans du secteur rural (…) contribuent beaucoup à l’augmentation du Produit intérieur brut », a-t-il indiqué.

Sur la remise à plat des salaires des agents publics, objet d’un récent forum national, le journaliste de BF1, Aubin Guebré, est revenu sur le fait qu’il y a certaines catégories de travailleurs de l’Etat qui semblent ne pas être concernées (exemple des magistrats). « « Où est l’équité recherchée ? », a demandé le journaliste.

« Quand on dit que le problème est parti de chez les magistrats, je voudrais d’abord noter que c’est un argument facile qui est souvent utilisé. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons trouvé des engagements qui étaient déjà pris. L’Etat est une continuité. Nous ne pouvons pas remettre en cause ces engagements, que ce soit la loi 081, que ce soit le texte qui était relatif aux magistrats. C’est ce que nous avons fait », a répondu le président du Faso.

Quant aux « revendications catégorielles qui sont venues d’autres secteurs » par la suite, le chef de l’Etat indique qu’elles sont certainement légitimes parce qu’elles sont fondées forcément sur des besoins pour améliorer les conditions des travailleurs mais « l’un ne doit pas être l’argument pour justifier l’autre », a-t-il précisé.

De l’emploi au train de vie de l’Etat

Lors de la campagne électorale, le candidat Roch Marc Christian Kaboré a promis de créer 655 000 emplois. « Aujourd’hui à mi-mandat, combien d’emplois ont été créés ? », a demandé le journaliste de Burkina Info, Ismaël Ouédraogo. « Sur la base d’une investigation qui a été faite par le ministère de la Jeunesse (non achevée), nous pouvons dire qu’aujourd’hui, il y a près de 190 000 emplois créés », a répondu Roch Kaboré, et d’ajouter que ce chiffre est appelé à augmenter.

Jean Emmanuel Ouédraogo de la RTB a rappelé au chef de l’Etat sa promesse électorale d’éradiquer la défiance de l’autorité de l’Etat qui, jusqu’à présent, est monnaie-courante au Burkina. Tout en rappelant que le Burkina est un Etat de droit (donc il y a également des devoirs), Roch Kaboré a déploré le fait que les mêmes personnes qui crient « il faut que ça change » ne soient pas prêtes pour ce changement.

« Lorsque nous disons que la loi sera appliquée dans sa rigueur et que nous l’appliquons, les gens disent que le gouvernement, c’est la répression. (…) Mais je dois pouvoir dire que nous allons appliquer la loi dans toute sa fermeté désormais », a-t-il martelé.

La question du train de vie de l’Etat est revenue au cours de cet entretien, compte tenu de l’achat des véhicules des membres du gouvernement estimé à trois milliards de francs CFA, qui a occasionné une vague d’indignation. Sur ce sujet, le chef de l’Etat s’est montré plutôt pragmatique. « Je voudrais vous rassurer que ce qui nous a guidés, c’est l’opérationnalité pour le gouvernement. Le contexte peut choquer mais arrêtons de faire des gorges chaudes sur cette question », a-t-il lancé.

Vers la suppression de certaines institutions de l’Etat ?

« Tout ce qui concerne les institutions de la République est codifié dans la Constitution, donc il ne peut pas appartenir à une rencontre, quelle qu’elle soit, de modifier ce que la Constitution a prévu comme institution », a fait savoir le chef de l’Etat.

A la question de savoir si le haut-représentant du président du Faso était concerné par cette question de suppression d’institutions, Roch Kaboré a clarifié les choses aussitôt : « J’ai demandé et j’ai créé le haut-représentant du chef de l’Etat pour plusieurs raisons. La première raison, il y a un certain nombre d’activités sur lesquelles je souhaite avoir quelqu’un d’une certaine hauteur pour représenter le chef de l’Etat.

Deuxièmement, il y a un certain nombre de réflexions que je souhaite également qu’elles soient engagées au niveau du haut-représentant. Troisièmement, en tant que chef d’Etat dans les institutions telles que l’Union africaine, la Banque mondiale, il y a des moments où le président est sollicité pour des missions de rencontres avec d’autres autorités. De ce point de vue, je choisis le haut-représentant pour faire ces missions pour me rendre compte jusqu’au jour où nous ferons la rencontre finale pour discuter ».

Accès à l’eau potable, la santé et l’éducation

Où en est-on avec le programme « Zéro corvée d’eau » ? A cette question, le président a pris l’exemple de la ville de Ouagadougou en justifiant que la capacité en fourniture d’eau a été augmentée mais la ville également s’élargit. Autre aspect, il a souligné que lorsqu’il y a coupure d’électricité, les châteaux d’eau ont du mal à se remplir.

Les hôpitaux de référence de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso se trouvent dans de conditions difficiles, après constat. Une situation que le chef de l’Etat a reconnue avant d’annoncer qu’une étude a été faite sur la possibilité de construire, dans la même zone de l’hôpital Yalgado, un autre hôpital, tout en conservant l’ancien. « Cette étude est terminée. Nous sommes maintenant àla recherche de partenaires pour que nous puissions reprendre de façon pratique, la remise en état de l’hôpital Yalgado », a-t-il ajouté.

En ce qui concerne le secteur de l’éducation, le problème des élèves de la région du Sahel, qui n’ont toujours pas composé leurs examens, est revenuau cours de l’entretien. « Je peux vous assurer, sans vous donner de date, que ce sera fait forcément avant la rentrée (2018-2019) afin que ces élèves puissent continuer leur école normalement », a-t-il affirmé.

La sécurité, un défi de taille

« Vous êtes à mi-mandat, avez-vous la foi de vaincre le terrorisme ? ». Voilà en substance la question qui a été posée au président du Faso. « De mon point de vue, je suis satisfait de l’action de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) qui, au fur et à mesure, montrent que nous sommes en montée en puissance. Je voudrais vous rassurer que tout est mis en œuvre pour que nous puissions, au plus rapidement possible,terminer avec le terrorisme, pas à 100% parce que c’est un fléau mondial, mais nous devons faire en sorte t’atténuer la pression du terrorisme dans notre pays », a-t-il confié.

Gestion de Roch Kaboré, un « pouvoir diesel » ?

« Nous sommes dans un pouvoir où il ne s’agit pas de courir mais de construire un avenir. J’écoute toujours la presse et ce qui se dit ça et là : ‘‘le pouvoir est diesel » ; ‘‘il n’y a pas d’autorité ». Il y a bel et bien une autorité et je voudrais vous rassurer que le bateau est bien mené », a rassuré Roch Kaboré.

Pour les gens qui se demandent si le pouvoir de Roch Kaboré pourrait arriver à 2020, le chef de l’Etat a indiqué que le Burkina Faso n’a pas de richesse particulière en dehors du travail des Burkinabè. « Le Burkinabè a été reconnu comme quelqu’un d’intègre, de travailleur et qui aime son pays.

Nous devons continuer à cultiver ces valeurs-là et éviter la rhétorique. Il est facile d’être dans des salons et de faire des déclarations. La question que chacun doit se poser, c’est quelle est notre contribution à l’évolution du Burkina Faso », a-t-il commenté.Et d’ajouter que « nous arrivons forcément en 2020 ».

Aussi, le président du Faso a soulevé la démocratie qui permet de trancher les choses. « Le peuple burkinabè aura en 2020 à se prononcer sur les personnes qu’elles estiment indispensables ou nécessaires pour conduire la destinée du pays », a-t-il notifié.

Pensez-vous vous représenter en 2020 ? A cette question, il répond : « Dans la loi, j’ai droit à un deuxième mandat. Dans l’esprit, je me battrai pourgagner mon programme et je me représenterai en 2020 ».

Quant à la participation des Burkinabè de l’étranger aux élections de 2020, il a fait savoir que l’engagement a été déjà pris et tout sera mis en œuvre pour son effectivité.

Une synthèse de Cryspin Masneang Laoundiki

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