Les grèves se poursuivent au Burkina et les organisations syndicales entendent mener des luttes multiformes pour exiger la satisfaction de leurs revendications. Cette fois, le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNSTHA) a décrété une opération « caisses vides » sur toute l’étendue du territoire, du 11 au 18 juin 2018. Constat à l’hôpital Yalgado-Ouédraogo.
« Je viens de m’acquitter des frais de consultation en cardiologie de ma sœur. Il paraît que c’est gratuit, mais je n’ai rien constaté. J’ai payé 2000 FCFA » a confié un accompagnant de malade, Konssoum Coulibaly, tout en souriant.
Zakaria Sawadogo, que nous avons également rencontré au guichet de payement, a aussi accompagné un parent malade. Agent de santé et par ailleurs membre du SYNSTHA, il soutient avoir honoré ses frais de consultation. Pourquoi ? Il nous dira seulement : « J’ai constaté que les guichets sont ouverts. L’administration prétend que l’hôpital doit fonctionner, mais en matière de lutte, tout est approprié ».
En effet, sur les cinq caisses que compte le service « Guichets de payements » de l’hôpital, quatre étaient ouvertes aux environs de 10h. À la date du 11 juin, rien n’a changé dans le fonctionnement de l’hôpital Yalgado-Ouédrago, excepté une forte présence des agents en blouse orange (les agents de recouvrement) que nous avons constatée.
En tout cas, en dehors de la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans décrétée par le gouvernement, la « gratuité des soins » mise en place par le SYNTSHA ne semble pas être un succès. Un tour au laboratoire confirme la continuité des services de payement. Pourtant, selon le mot d’ordre du SYNTSHA, durant la semaine du 11 au 18 juin, les prestations offertes aux patients doivent être gratuites, sauf celles de la pharmacie.
Situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle
- Constant Dahourou, DG du CHU-YO
Constant Dahourou, directeur général de l’hôpital, reconnaît que cette nouvelle grève des agents de santé a contraint l’administration à adopter d’autres mesures pour assurer la continuité des services. « Nous arrivons à maintenir le service. Habituellement, les agents de recouvrement sillonnent l’hôpital pour s’assurer que tout va bien. Et à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Ils sont plus actifs aujourd’hui », a-t-il noté, soulignant que « nous sommes dans notre rôle régalien. Nous respectons les libertés des uns et des autres, mais c’est aussi le rôle de l’administration de faire fonctionner les services.
- Hamadi Konfé, SG de la sous-section SYNTSHA de Yalgado
Du côté du SYNTSHA, l’on soutient que l’administration a mis en place un mécanisme qui contraint les patients à s’acquitter de leurs frais de consultation ou d’examen. « Habituellement, ce sont les praticiens qui codent les bulletins d’examen, mais aujourd’hui, ce ne sont pas eux. Certains malades arrivent à leur échapper, mais ils (agents de recouvrement) intimident aussi d’autres malades qui finissent par payer. Il y a un déficit d’information », a laissé entendre le secrétaire général de la sous-section SYNTSHA du Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo, Hamadi Konfé.
Il est donc évident que la présence des agents de recouvrement ne permettra pas au SYNTSHA d’obtenir les résultats escomptés. « La grève est suivie parce qu’elle a obligé l’administration à adopter d’autres mécanismes pour y faire face. (…) La présence des agents de recouvrement va jouer sur le succès de l’opération. Le mouvement ne peut pas être suivi à la hauteur de nos attentes », a reconnu Hamadi Konfé, précisant néanmoins que les membres du SYNTSHA envisagent l’adoption de nouvelles mesures dans la soirée de ce lundi 11 juin.
« Nous ne sommes pas prêts de nous arrêter »
Si l’objectif principal de cette grève est la résolution des différents préoccupations soumises au gouvernement, le syndicat entend rester sur le terrain de la lutte jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause. « Si après ça, le gouvernement continue de faire la sourde oreille, nous allons adopter d’autres formes de lutte », a prévenu Hamadi Konfé.
Et à l’entendre, le gouvernement est en train de remettre en cause les libertés syndicales. « Tout ce qu’on fait est illégal. (…)Quand on fait une grève, ils font de réquisitions massives. En réalité, ce sont des anti-syndicats qui sont au pouvoir », a conclu Hamadi Konfé.
Nicole Ouédraogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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