Aussitôt ouvert, aussitôt fermé. Ce vendredi 25 mai 2018, le président de la Chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou a de nouveau renvoyé le procès du putsch de septembre 2015, pour lequel comparaissent 84 accusés, afin de permettre à des avocats commis d’office, de mieux s’imprégner du dossier de leurs clients.
S’achemine-t-on vers l’interrogatoire tant attendu des 84 accusés dans le procès du putsch manqué de l’ex-Conseil national pour la démocratie ? Oui, si l’on en croit l’annonce faite par le président du tribunal, Seidou Ouédraogo. Ce vendredi 25 mai, date de la réouverture du procès, après un renvoi de 16 jours pour permettre au bâtonnier de commettre des avocats à huit accusés et pour permettre à six avocats commis d’office de mieux se préparer, Seidou Ouédraogo a de nouveau accédé à la demande de certains avocats : celle de renvoyer le procès. La date du 12 juin 2018 a été retenue. Revenons sur les principales articulations de la journée ayant conduit au renvoi de ce procès qui, au fil du temps, ne fait plus salle comble.
Diendéré ne veut pas de son avocat commis d’office
Dès l’ouverture à 9h, le président du tribunal donne lecture d’une correspondance de restitution de dossier de Me Mamadou Keita, commis d’office pour assurer la défense du général Gilbert Diendéré. L’avocat explique, dans sa lettre, avoir pris contact le 17 mai 2018 avec son client qui lui aurait fait savoir qu’il désire se faire défendre par ses anciens conseils. Ses anciens conseils, rappelons-le, sont le SCPA Somé et Associés, Me B. Mathieu Somé, Me Jean Yaovi Degli, Me Olivier Yelkouny, Me Bernard Guizot Takoré et Me Paul Kéré, le dernier avocat à se déporter. Cette position du général a conduit donc Me Mamadou Keita à jeter les armes.
L’avocat est maintenu en attendant
Selon le parquet militaire, la commission d’office a été faite sur la base que le général Diendéré n’avait plus de conseil, donc l’argument ne tient pas. De plus, le client n’a pas besoin d’accepter avant que l’avocat n’officie. S’adressant au président du tribunal, le procureur militaire, Alioune Zanré, a fait remarquer que le bâtonnier ne l’a pas saisi pour décharger Me Keita de son office. Ce qui signifierait qu’il continue d’exister dans son office.
Pour Seidou Ouédraogo, l’avocat est maintenu dans le dossier jusqu’à ce que le bâtonnier avise. « Est-ce que le médecin peut soigner un malade contre la volonté de celui-ci ? L’avocat ne peut pas défendre quelqu’un sans son consentement. Si on n’est pas d’accord sur la stratégie, la méthode, il va sans dire que je ne peux pas le défendre en toute loyauté, en toute dignité, en toute probité », a laissé entendre Me Kéita, qui a demandé un délai de 30 jours pour mieux préparer le dossier si le juge décide de le maintenir dans le procès.
Le déport d’un avocat commis d’office rejeté en attendant…
- Me Kéita Mamadou, avocat commis d’office du Général Gilbert Diendéré
L’autre lettre de restitution de dossier tenant lieu de déport, est celle de Me Ibrahim Guitenga. Commis d’office le 11 avril 2018 pour assurer la défense de Relwendé Compaoré et de Nobila Sawadogo, il dit avoir pris attache avec ses clients qui lui auraient signifié qu’ils préféraient bénéficier des services de leurs anciens conseils. « Je me verrai mal à m’approprier une stratégie de défense que je n’ai pas initiée. Je restitue donc les dossiers », a-t-il déclaré au tribunal.
Pour le parquet militaire qui est resté sur sa position, l’avocat commis d’office ne saurait accepter les préalables d’un accusé pour sa défense et Me Guitenga doit poursuivre sa mission. Une position que l’avocat ne partage pas, car il estime que « la commission d’office ne fait pas de l’avocat un aliéné, un prisonnier […] un objet de procédure ». « Je ne suis pas là pour faire perdurer la procédure à longueur de journée. Peut-on forcer un avocat à assurer une défense lorsque les conditions ne sont pas réunies ? », a-t-il interrogé. Tout comme Me Mamadou Keita, il est tenu de déférer, sauf motif légitime d’excuse ou d’empêchement admis par le bâtonnier.
Rappelons qu’à l’audience du jour, des avocats commis d’office n’ont trouvé aucun inconvénient à assurer leur mission de service public. Il s’agit Me Régis Bonkoungou, avocat de Abdoul Karim Baguian dit Lota ; Me Thimotée Zongo, avocat de l’adjudant Ouékouri Kossè ; Me Jacques Soré, conseil de Abdou Compaoré (dont la demande de liberté provisoire a été acceptée, ce vendredi) ; Me Alexandre Sandwidi, avocat du sergent-chef Roger Joachim Damagma Koussoubé et Me Idrissa Badini, avocat du sergent-chef Laoko Mohamed Zerbo et de Minata Guelwaré.
Rendez-vous le mardi 12 juin prochain pour la suite du film.
Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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