Le Conseil supérieur de la communication (CSC) a-t-il besoin d’une médiation ? Depuis des mois maintenant, l’instance de régulation des médias est dans la tourmente. L’institution rattachée à la Présidence du Faso peine à trouver ses marques depuis l’incarcération pour malversation, dit-on, de sa présidente Nathalie Somé en septembre 2017 (elle jouit présentement d’une liberté provisoire).
La dernière crise en date est celle qui oppose le Vice-président (VP) du CSC, Désiré Comboïgo (assurant l’intérim de la présidence), à son Secrétaire général (SG) Louis Modeste Ouédraogo, sur la légalité de certains actes administratifs. Récit des deux camps qui se livrent bataille dans l’instance suprême de régulation des médias au Burkina Faso.
Qu’est ce qui se passe encore au CSC ? Cette question, beaucoup de gens se la posent, tant les crises à répétition ne manquent pas. L’ombre de Nathalie Somé planerait-elle toujours sur l’institution malgré son absence ? On se souvient qu’après avoir vu son premier responsable et son Directeur des affaires financières (DAF) déposés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), le CSC a connu une période de flottement. Qui pour assurer l’intérim de la présidence du collège des conseillers ? Après un jeu de ping pong, de nomination d’un président suppléant, suivie de la désignation du Vice-président Désiré Comboïgo pour assurer l’intérim, beaucoup pensaient que les choses rentreraient petit à petit dans l’ordre. Mais, il apparait clairement que les vieux démons de 2015 (suspicion, division) sont de retour, du moins n’ont jamais quitté la maison. On se retrouve donc face à deux camps qui “s’affrontent“, sinon trois camps. Les pro VP contre les pro SG (taxés de pro Nathalie) et bien entendu les non-alignés (ceux qui ne se sentent pas concernés par cette bagarre des grosses têtes). On n’insistera pas sur ce dernier camp.
Le début du clash
Tout serait parti de la réunion de prise de contact entre le VP et les Directeurs du CSC le 6 février 2018. Une rencontre qui s’est terminée en queue de poisson puisque ces derniers ont vidé la salle après quelques minutes d’échanges pour marquer leur désaccord lorsque le VP a laissé entendre qu’il assumait la plénitude les fonctions de président de l’institution. Depuis cet incident, plus rien ne va dans la maison de la régulation.
Selon les frondeurs, le Secrétaire général en tête, le blocage et de disfonctionnement que connait le CSC depuis des années sont causés par le Vice-président Comboigo « assoiffé de pouvoir » et qui veut se venger de tous ceux qui ont collaboré avec Nathalie Somé. En tant qu’intérimaire donc, n’étant pas le président de l’institution, ses pouvoirs sont limités. D’autant plus qu’aucun arrêté, ni décret ne le nomme à ce poste. Son rôle est donc d’expédier les affaires courantes. Il ne peut donc ni produire un acte de nomination, ni de mise à disposition car cela relève des pouvoirs du président du CSC. Lequel pouvoir a été délégué au Secrétaire général. Il aurait fait fi de cela et a procédé à la nomination d’un gestionnaire qui était en service à la représentation de l’Ouest, à l’affectation d’un agent qui était en service à la représentation de l’Est et la remise du Directeur de la communication et des relations publiques à son ministère d’origine. Dans ses prérogatives, le SG dit avoir rédigé un communiqué pour dire que ce dernier reste à son poste.
C’est après avoir échoué de le faire enlever en Conseil des ministres qu’il a décidé de prendre d’autres actes dont l’arrêté le suspendant pour trois mois. Une suspension qu’il dit nul et de nul effet, car selon le SG un arrêté ne peut pas le suspendre de ses fonctions du moment où il a été nommé par décret pris en conseil des ministres. Parallélisme des formes oblige.
Constatant le blocage, les deux protagonistes (VP et SG) ont été rencontrés le 21 février 2018 par le Directeur de Cabinet de la présidence du Faso sur instruction du Chef de l’Etat afin de sortir de l’impasse. Des remarques ont été faites à tout un chacun et engagement avait été pris de part et d’autre de taire les distensions. Il fallait arrêter le mouvement du personnel et organiser une Assemblée générale pour rassurer tous les agents. Ce qui ne fut pas fait. C’est ce qui a donc valu une lettre de rappel de la part du Directeur de cabinet de la Présidence du Faso en date du 7 mars 2018.
Une affaire d’argent ?
Le SG est convaincu que sa « suspension » découle du fait qu’il se refuse de suivre les ordres du VP pour engager la maison dans certaines dépenses. Le Vice-président, à travers les services financiers, aurait demandé au SG de signer des fiches de déblocage du budget du CSC à hauteur de 200 millions de FCFA. Lequel déblocage servirait à lancer des marchés publics ainsi que la construction de la délégation régionale du CSC au Nord (Ouahigouya).
A cet effet, selon le SG, le VP aurait même déjà appelé le maire de ladite ville pour demander un terrain. Joint au téléphone ce mercredi 11 avril 2018, le cabinet du maire de Ouahigouya affirme que l’édile de la ville a effectivement reçu un appel du Vice-président Comboïgo et même une correspondance a suivi cet appel pour demander un espace afin de construire la représentation du Nord. Mais avant, la mairie avait été contactée il y a des mois par le correspondant du CSC dans la région et une note avait été écrite par le SG à ce sujet sur instruction de Nathalie Somé qui était toujours en poste comme présidente de l’institution.
Le SG trouve que pour l’heure, ces dépenses sont inopportunes, la priorité est que le service fonctionne correctement. Et il ne sert à rien de prendre de telles décisions surtout qu’une nouvelle loi concernant le CSC vient d’être votée et que le collège actuel, dont fait partie le VP, est sur le départ. Donc pas de raison d’entamer ces chantiers alors qu’il ne reste plus que trois semaines à la tête de l’institution.
Faux rétorque l’autre camp. Le Vice-président étant absent de son bureau dans la matinée du mardi 10 avril 2018, c’est Evariste Bationo, nouvellement nommé Directeur de la communication et des relations publiques par intérim qui a bien voulu répondre à nos questions. Il confirme que la note suspendant le SG de ses fonctions et nommant du même coup son intérimaire est effective. Le VP jouissant de tous les pouvoirs dans le souci de la continuité du service peut le faire. Il explique que depuis la prise de fonction de Désiré Comboigo à la tête du CSC, une partie du personnel, avec à sa tête le SG fait tout pour que l’institution ne fonctionne pas comme il se doit. Tout simplement pour qu’on taxe le VP d’incompétent alors qu’il n’en est rien. Il en veut pour preuve des taches qui sont confiées au SG qui refuse de les exécuter sous prétexte qu’un intérimaire ne peut lui donner des ordres.
Par exemple, dès sa prise de fonction, l’intérimaire Comboïgo s’est rendu compte que de septembre à décembre 2017, les dépenses en carburant du CSC étaient de 12 millions de FCFA. Par écrit, il a demandé au SG des explications, ce que l’intéressé a refusé de faire. C’est donc de l’insubordination. Des faits que le SG réfute. N’étant pas ordonnateur du budget donc ne gérant pas de carburant, le SG dit avoir répondu en spécifiant qu’il ne peut pas justifier ce qu’il n’a pas géré. D’autant plus que tout le budget 2017 en matière de carburant est de 24 millions et c’est même avec ce budget que l’institution fonctionne à ce jour. Il souhaite qu’un audit soit commandité pour que l’on sache la vérité.
Toujours selon Evariste Bationo, le VP assumant la plénitude des fonctions de président ayant constaté que certains ne voulaient pas collaborer avec lui et voulaient tout faire pour qu’il échoue dans sa mission, a alors décidé de responsabiliser ceux qui veulent travailler. Et voilà que le SG s’oppose. Par rapport aux accusations de vouloir débloquer 200 millions de FCFA, il rétorque que c’est un faux problème car le VP ne peut passer de marché public sans le Directeur des marchés publics. Pour lui, lancer les travaux de construction de la représentation régionale du Nord n’est pas une priorité pour le Vice-président. Sa priorité est de pouvoir faire fonctionner la machine administrative.
Le seul marché que le président a demandé de passer concerne l’achat du papier car le minimum manque pour travailler. Mais sur instruction du SG, le Directeur des marchés publics refuse de s’exécuter, si fait que les agents sont obligés de glaner le papier de gauche à droite pour faire leur travail. Le Directeur de la communication par intérim affirme que le Vice-président est dans un élan de transparence et d’orthodoxie financière, ce qui trouble le sommeil de certains qui sont habitués à la mauvaise gestion des fonds publics et qui ont commis des fautes de par le passé. Comme illustration, il cite la dotation de chaque véhicule d’un cahier de bord pour éviter les déperditions en carburant. C’est donc pour tout cela que ces derniers ont une dent contre lui.
Des choses curieuses se passent au CSC
Beaucoup de choses curieuses se passent au CSC actuellement. Parmi celles-ci, celle de la nomination d’un nouveau Secrétaire général. Sur le communiqué de presse portant suspension du SG et la nomination d’un intérimaire, l’on remarque le cachet du CSC, les nom et prénom du signataire, mais point de signature comme de coutume. Jointe au téléphone dans la soirée du mardi 10 avril 2018, Fatoumata Ouédraogo/Garané, nouvellement nommée SG par intérim suite à la suspension pour trois mois de Louis Modeste Ouédraogo, dit ne pas être dans un esprit de bagarre et n’est dans aucun camp. Pour le moment, nous explique-t-elle, elle ne peut ni confirmer, ni infirmer l’authenticité de ce communiqué de presse suspendant le SG de ses fonctions et faisant d’elle l’intérimaire. Elle dit déplorer beaucoup de choses qui se passent au CSC, mais pour l’heure ne veut rien dire de plus, avant d’avoir certains éléments en sa possession.
Une autre illustration de l’ambiance qui règne aujourd’hui au Conseil Supérieur de la Communication. Jusqu’à quand ?
Marcus Kouaman
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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