Ils ont fini par quitter la salle, mais pour combien de temps ? On sentait les choses venir quand le président du tribunal a clairement expliqué dans sa décision qu’il appartenait aux accusés et à leurs avocats de notifier les citations à comparaitre à leurs témoins. Cela n’est pas du ressort du parquet. Une position qui clos le débat des jours précédents. Les conseils de la défense reviennent alors pour demander deux mois pour maintenant citer les témoins. Trop tard, le débat est clos sur ce sujet, et même que trois listes conformes ont été validées. Les mécontents quittent alors la salle. « Nous prenons acte », leur lance le président Seydou Ouédraogo quand les robes noires lui donnent dos.

Le débat interminable mené en début de semaine n’a plus lieu d’être. Le président a rendu sa décision. En rappel, certains accusés avaient cité entre autres, les présidents Roch Kaboré (Burkina Faso), Yayi Boni (Bénin), Macky Sall (Sénégal), les anciens ambassadeurs Gilles Thibault (France), Tulinabo Mushingui (Etats Unis) , et même le président du tribunal Seydou Ouédraogo, comme témoin à ce procès du putsch de septembre 2015. Problème ! Ils n’avaient pas notifié les citations à comparaitre à leurs témoins, arguant que c’était au parquet de le faire. Le ministère public lui, ne l’entendait pas de cette oreille.

Il faut se donner les moyens de faire comparaitre un témoin que l’on a soi-même désigné. C’était la position du parquet et de la partie civile pour qui c’est de la comédie, tout cela pour faire durer le procès et ne pas aborder le fond du dossier.

C’est sur ces interminables débats que le président avait suspendu l’audience le 27 mars dernier. A la reprise ce 30 mars le président du tribunal a rendu sa décision sur le point querellé. Selon Seydou Ouédraogo, il n’y a aucune obligation pour le Tribunal ou le parquet de citer les témoins de la défense à comparaître.

Du coup, ce sont seulement trois listes qui ont été retenues. Celle du parquet et deux autres listes des accusés Méda et Sawadogo dont les avocats ont cité leurs témoins à comparaitre.

Le président demande alors au greffier d’envoyer les témoins dans une autre salle, pour la suite du procès. En ce moment, Maitre Dieudonné Bonkoungou prend la parole. Il demande une suspension pour que la défense se concerte.

Le parquet s’oppose, notant que cela n’engage pas tous les avocats, puisque certaines listes ont été validées. Pourquoi parler au nom de tous les avocats de la défense, alors que tous ne sont pas concernés, se demande le ministère public.

Finalement le président accorde la suspension. Il est 9h22 quand la salle se vide pour se reconstituer à 10h05 minutes.

2 mois pour se rattraper

Me Bonkoungou qui dit porter la parole des autres avocats de la défense dont les listes ont été invalidées, apprend que ses confrères prennent acte de la décision du tribunal. Pour citer les témoins et voir enfin leurs listes validées aussi, les avocats demandent deux mois minimum.

La parole est donnée au parquet pour ses réquisitions. Il s’oppose à cette requête, faisant savoir au président qu’il a déjà tranché en donnant sa décision. « Deux mois pour faire des notifications, ça sera difficilement acceptable en droit », précise le ministère public.

Pour la première fois depuis le début du procès, la partie civile aussi demande du temps pour se concerter, il est alors 10h 21. A la reprise à 10h 36, c’est Me Prosper Farama qui tient le crachoir. Il rappelle que la partie civile est favorable pour que toute personne qui peut être utile à la manifestation de la vérité soit entendue. Cependant, en la matière, il y a des règles de droit à respecter.

Des règles qu’une partie de la défense n’a pas respectées. Selon Me Farama, une décision a été rendue, les avocats de la défense ont pris acte et ils jouissent du droit de recours pour attaquer. Mais leur demande de deux mois est un déni de la décision rendue par le président et elle n’a aucune base légale. « Nous nous opposons », a poursuivi le conseil. Par contre, il propose de poursuivre le procès, quitte à ce qu’au fur et à mesure l’on fasse appel à des personnes dont les témoignages pourraient éclairer les débats.

La salle d’audience se vide

Cette fois, c’est le président du tribunal qui annonce la suspension pour apprécier la demande de la défense. De 10h 43 jusqu’au retour à 11h 34 la décision tombe. Comme un couperet. Le tribunal n’a pas accédé à la demande de renvoi de deux mois, annonce le président qui prend le soin d’expliquer que les débats ont déjà eu lieu et que trois listes de témoins ont été admises.

« Dans ces conditions, nous ne pouvons pas assister nos clients », répond Me Bonkoungou, alors que certains de ses confrères avaient commencé à vider la salle. Il les rejoint. « Le président vous remercie et prend acte », rétorque Seydou Ouédraogo aux robes noires qui lui ont déjà tourné le dos. Le président a l’air serein, sa voix est calme.

C’est alors que l’on entend dans la foule, « Allez allez allez, sortez si vous voulez ». Le président demande que l’on expulse l’individu, non sans avoir pris son identité.

Mais dans la salle, reste cinq avocats. Il s’agit de Me Halidou Ouédraogo, Me Issaka Zampaligré, Me Mamadou Sombié, Me Mamadi Sawadogo et Me Rokia Ouattara.

Pour les 9 accusés qui ne comparaissent pas, le président a pris une décision pour les juger par défaut. Il est alors 12h04 et Seydou Ouédraogo suspend l’audience. A la reprise, il sera procédé à la lecture de l’arrêt de renvoi.

Tiga Cheick Sawadogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net