Plus de deux ans d’attente d’un procès. Celui du coup d’Etat de septembre 2015. Ce 27 février 2018, s’ouvrira le déballage tant attendu. Du coté des conseils des victimes, c’est un seul souhait. Que toute la lumière soit faite et que justice soit rendue à leurs clients. Mais quelle garantie avec une justice militaire décriée par une partie de l’opinion ? Réussira-telle à faire comparaitre les témoins comme ces hauts gradés de l’armée et autres personnalités citées ? C’est le vœu de Me Prosper Farama, sans quoi, le procès sera un échec, non seulement pour la justice, mais aussi pour toute la société.
Le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) a regretté ce 21 février 2018, ces “vaines agitations et polémiques puériles nées et suscitées ces derniers temps dans certains cercles politiques”. Ce, à quelques jours de l’ouverture du procès.
Me Prosper Farama remarque que les victimes mêmes ne font pas autant de tapages, elles qui attendent que justice leur soit rendue. « Pour nous la question est très simple. Est-ce que des gens ont tué ? Qui a tué ? Qui a donné l’ordre de tuer ? Si ces gens sont identifiés, est-ce qu’ils doivent être sanctionnés ? Oui », avance l’un des avocats aux côtés du MBDHP pour la défense des droits de victimes du coup d’Etat qui, rappelons-le, a fait 14 personnes tuées et des centaines de blessés, certains gardant des séquelles à vie.
« On voit des gens qui sortent et nous parlent de l’ONU avec ses recommandations, qui nous parlent de conventions internationales, c’est beau. Mais est-ce qu’il y a une seule convention internationale qui permet de tuer ses propres citoyens ? Nous n’en connaissons pas », enfonce l’avocat.
Il regrette par ailleurs que les stars dans cette affaire, soient ceux qui ont commis les crimes. On parle de la protection des droits de ceux qui ont tué, mais très peu de ceux qui ont été tués, blessés à vie.
La justice militaire n’est pas si mauvaise…
La justice militaire, cette juridiction en charge du dossier du putsch est vomie par certains pour son « inféodation » au pouvoir exécutif. Dans un ouvrage de 200 pages intitulé « La justice militaire, On supprime ou on supprime », Me Hermann Yaméogo lui-même inculpé dans l’affaire, descend aux lances flamme cette institution.
« En étant rattachée à l’exécutif, elle reçoit des injonctions de cet exécutif. C’est le ministre de la défense qui mouvemente les procédures. Alors que la constitution, jusqu’aux traités que le Burkina a signés, disent que pour qu’on prenne un tribunal au sérieux, il faut qu’il ait l’indépendance et l’impartialité », écrit-il par exemple.
Mais pour Me Prosper Farama, celui qui prétend que la justice est la pire au Burkina se trompe. Les problèmes que l’on trouve à la justice militaire, sont aussi recensés à la justice civile. Raison pour laquelle il a toujours prôné la réforme globale du système judiciaire burkinabè, pour aboutir à une justice qui ne soit plus cet héritage néocolonial, loin des aspirations du citoyen burkinabè.
Il ajoutera que ce ne sont pas que des militaires qui composent le tribunal militaire qui est présidé par un magistrat de la Cour d’appel.
Des témoins VIP ?
Le tribunal militaire se donnera-t-il enfin les moyens de faire comparaitre les témoins cités ? C’est l’une des grandes interrogations de ce procès. L’on se rappelle que lors du procès portant sur l’attaque de la poudrière de Yimdi, plusieurs témoins avaient été cités, sans que ces derniers ne viennent répondre, ou que le président du tribunal ne juge nécessaire de les faire comparaitre.
Dans le cadre du dossier du putsch, l’ancien Chef d’état major général des armées, Général Pingrenoma Zagré (maintenant ambassadeur au Ghana), l’ancien directeur général de la police, et bien d’autres officiers et civils sont cités comme témoins ? Comparaitront-ils enfin ?
« Dans tous les pays du monde, quand on convoque quelqu’un qui ne vient pas, il y a des règles procédurales qui sont prévues, notamment des mandants d’amener (…) sauf que pour certaines personnes, on a l’impression que rien n’est fait pour les obliger à comparaître », remarque Me Prosper Farama. Pour lui, il s’agit seulement pour le témoin de venir répondre de ce qu’il sait sur l’affaire jugée.
« C’est un défi qui est lancé à la justice burkinabè en général » poursuivra-t-il, car il ne faut pas donner le prétexte à certaines personnes de dire que la justice a laissé des zones d’ombre qu’elle refuse d’éclairer.
« Là, même les victimes resteront sur leur soif et auront l’impression qu’il y a des gens qui ont été impliqués et qu’on n’a pas voulu entendre (…) Si on refuse d’aller au fond des débats, nous craignons qu’à la fin de ce procès on se retrouve avec plus de questions que de réponses et là ce sera un échec patent pour toute la société », a-t-il conclu.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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